Sloan, Helouane, Kévine et Sylvie vivent en Guadeloupe , à Sainte Anne. Mais le 10 mai ils ont rendez-vous à Paris avec le président de la République et celui du Sénat à l’occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Sous la houlette de leurs professeures, Linda Boustani, en histoire-géographie, et Solenn Le Dévédec, en lettres, ils ont remporté le premier prix du concours La Flamme de l’égalité pour leur court métrage « Nou vin lib ! ». Une belle réussite qui repose sur une véritable interdisciplinarité et sur la curiosité et l’obstination des élèves à aller au bout d’un projet qui paraissait impossible.
Irréalisable ?
Imaginez 4 jeunes élèves de 4ème à la veille de rencontrer le président de la République après un voyage de 7000 km. Sloan, Helouane, Kévine et Sylvie sont calmes et concentrés sur les discours qu’ils vont prononcer le 10. Ce voyage c’est l’aboutissement d’un projet qui paraissait impossible et qui les propulse du collège Eugène Yssap de Sainte Anne (Guadeloupe) à Paris.
« Je ne pensais pas que le projet était réalisable », nous dit Linda Boustani, leur professeure d’histoire-géographie. Les élèves ont imaginé réaliser un court métrage pour évoquer des figures locales de l’esclavage comme Gertrude, esclave accusée d’avoir empoisonné son maitre. « Ils sont passé des récits littéraires à l’écriture biographique », explique S Le Dévédec, professeure de lettres. « Ils ont rédigé les dialogues du film et ont du donné un ton et une voix à chacun ». En faisant cela, note S Le Dévédec, ils ont travaillé les temps : passage au passé, au présent de narration, des exercices pas toujours plaisants dans d’autres circonstances. « Ils se sont mis dans la peau des personnages pour travailler leurs émotions et trouver les mots pour les dire ».
Esclavages d’hier et d’aujourd’hui
« Les idées sont venues d’eux », explique L Boustani. L’idée forte du court métrage réalisé par les élèves c’est de lier les récits de vie des esclaves guadeloupéens à l’esclavage moderne. Le film raconte aussi les parcours des migrants africains parfois réduits en esclavage. Ainsi l’histoire se relie à la géographie et bien sur à l’EMC. L’obsession des élèves c’était de respecter les personnages, les faire parler tout en leur rendant hommage.
Construire ensemble
Qu’ont appris les élèves ? Quand on les interroge ils évoquent les connaissances acquises, y compris sur leur environnement quotidien. Ainsi ils ont appris que leur futur lycée est construit à l’emplacement d’une habitation sucrière qui détenait des esclaves. Le projet a permis aussi cette redécouverte du passé local.
Pour L Boustani, les élèves ont « compris que français et histoire-géographie c’est un tout ». On pourrait y ajouter la musique puisque les élèves ont composé une chanson avec Jérôme Bes , leur professeur d’éducation musicale. Ils ont aussi bénéficié des leçons de Pascal Barraud, professeur de l’option Cinéma du collège.
Et les professeurs ? « Travailler ensemble c’est génial », glisse tout de suite, L Boustani. « Il y a la confiance. Confiance dans nos élèves, et confiance des élèves dans leurs professeurs », souligne S Le Dévédec.
François Jarraud