Par François Jarraud
Peut-on se passer d’outil informatique pour venir au secours des jeunes qui décrochent ? C’est un des débats actuellement dans l’univers éducatif. Le programme SDO (suivi de l’orientation), lancé par le ministère, confronte des fichiers existants pour faire apparaître les élèves décrocheurs. Les informations recueillies concernent l’identité et les coordonnées de l’élève et de son responsable légal, une information sur la scolarité suivie, le compte rendu d’entretiens menés avec la personne qui suit l’élève. Seuls les élèves décrocheurs entrent dans le fichier.
Pour le Collectif de résistance à base élèves, le CNRBE, interrogé par le Café, « ce qui pose problème c’est de renseigner un fichier national susceptible d’être interconnectable à d’autres avec des données sensibles. Le directeur général de l’enseignement scolaire affirme que les données recueillies dans SCONET-SDO ne seront « communiquées à aucune autre administration » , mais la circulaire de rentrée rappelle l’obligation pour les établissements du second degré de transmettre aux personnes et organismes désignés par le préfet les coordonnées des anciens élèves qui sortent sans diplôme du système ».
Le CNRBE conteste aussi l’utilité du fichier. » Le fichage national ne peut qu’être impersonnel et faire des généralités là où il est question du parcours singulier d’un élève. Il ne peut conduire qu’à des décisions administratives nationales (suppression des allocations, stigmatisation des parents, ….) là où il faut apporter des réponses personnelles au regard des difficultés spécifiques de l’élève. L’innovation pédagogique, souvent nécessaire, en particulier pour les décrocheurs, se heurte fréquemment à une administration qui n’accepte pas tout projet qui sort du cadre ».
Ce point est contesté par le ministère qui nous rappelle que » l’accès à cette application est très encadré. Des dispositifs de sécurité élaborés permettent de s’assurer que seules les personnes autorisées ont accès aux données les concernant : les chefs d’établissement et leur adjoint, les CPE, le conseiller d’orientation psychologue et les enseignants, pour les élèves sous leur responsabilité, et les directeurs de CIO pour les élèves situés dans les établissements de son bassin, après autorisation du chef d’établissement ».
Pour le ministère, « le but de ce logiciel est de repérer les élèves qui sont sans solution afin de les aider le plus rapidement possible. La réactivité dans ce domaine est indispensable pour leur apporter une solution. Pour les aider, encore faut-il les connaître ! C’est l’objectif de SDO ». Il rappelle que « la CNIL a bien sûr été informée de la mise en place de cette application. Une déclaration lui a été adressée le 14 décembre. Elle a délivré un récépissé à cette déclaration le 24 mars, jugeant que le ministère avait apporté toutes les garanties quant à la pertinence et la bonne utilisation des données à caractère personnel. Elle a recommandé, néanmoins, d’informer les personnes concernées lors de l’inscription dans l’établissement. Cette recommandation sera naturellement suivie ».
Comment cela se passe-t-il sur le terrain ? Pour le savoir nous avons interrogé Jérome Pouplard, proviseur adjoint, mais aussi utilisateur expérimenté du logiciel Jasmin, un dispositif similaire au SDO. Il montre que » l’application informatique a énormément simplifié l’opération. Elle permet de cibler rapidement les cas de jeunes décrocheurs. Dans un établissement on peut avoir 200 élèves sortis à vérifier. Avec Jasmin, on ne voit que ceux qui n’ont pas réapparus ailleurs. Jasmin permet de prendre contact rapidement avec les familles et de trouver des solutions appropriées ». Finalement il estime que ce dispositif « permet de mieux remplir notre mission de service public ».
Lire l’entretien avec J Pouplard
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/05/Jasmin.aspx
Base Elèves « récompensé » d’un Big Brother Awards
Le fichier national des élèves du primaire a toujours ses opposants. Minoritaires ils sont cependant très actifs.
Trois fois nominée, une fois « récompensée », l’Ecole a beaucoup occupé le jury des Big Brother Awards (BBA). Ces oscars dénoncent » les personnes ou institutions qui représentent le mieux la société décrite par George Orwell dans son ouvrage de référence, 1984″. L’Education nationale obtient un des oscars pour ses fichiers. « Jamais une administration n’avait accumulé en si peu de temps de nouveaux fichiers nominatifs, de Base élèves (dès 3 ans) au « livret de compétences », en passant par ceux qui « décrochent » du système éducatif », écrit le jury des BBA. Il est vrai que plus de 2 000 plaintes d eparents ont été déposées contre Base élèves.
Mais l’Ecole est aussi nominée. Ainsi le groupe scolaire privé Saint-Denis, à Loches est critiqué pour sa vidéosurveillance omniprésente (y compris à l’entrée des toilettes) et un système de prise d’empreintes digitales des élèves à la cantine sans autorisation de la CNIL. A Lons le Saunier, la mairie est nominée pour la pose de caméras qui veillent à la sécurité d’une école hors des heures scolaires. Le jury comprenait des militants des droits de l’Homme (dont Véronique Decker, directrice d’école, Collectif national contre Base élèves).
Les BBA
http://bigbrotherawards.eu.org/spip.php?page=liste-bba&annee=2010
Faut-il ficher les décrocheurs ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/05/05052010Accueil.aspx