Par Françoise Solliec
Antoine Prost, historien de l’éducation, et Hubert Montagner, directeur à l’INSERM, s’accordent à le dire : la semaine de 4 jours est une très mauvaise formule pour les apprentissages des élèves les plus en difficulté. Comment arriver à une vraie concertation sur les rythmes scolaires, sans nécessairement remettre en cause le temps d’enseignement ni la suppression des heures du samedi matin ?
« On se préoccupe trop du « dire » des profs et pas assez du « faire » des élèves. »
L’appel « Evitons la catastrophe ! » à une vraie concertation sur le volume et l’organisation du temps scolaire lancé par Antoine Prost dans le Monde en juin dernier, relayé par le CRAP-Cahiers pédagogiques a déjà recueilli plus de 7000 signatures. Afin de donner plus de visibilité à cette initiative, Hubert Montagner, Antoine Prost et les repsonsables du CRAP-Cahiers pédagogiques, soutenus par plusieurs organisations syndicales, invitaient le 3 septembre la presse à entendre leurs arguments
Pour Antoine Prost, si les 840 heures d’enseignement désormais dispensées à l’école primaire correspondent bien à une moyenne européenne, le nombre de jours d’enseignement, 140, est bien inférieur à la moyenne. Comme dans tous les apprentisssages la variable temps est incompressible, on perd en efficacité avec ces journées trop longues. « C’est un gâchis d’avoir enlevé les journées dans les départements où l’on pratiquait déjà la semaine de 4 jours » déclare-t-il. « Si l’on veut obtenir de bons résutlats scolaires, il faut que les élèves travaillent. Certes, on pourrait sans doute aussi les faire travailler mieux, mais ce n’est pas la question d’aujourd’hui. On se préoccupe beaucoup trop du « dire » des profs et pas assez du « faire » des élèves, pourtant essentiel. C’est la conjonction des deux qui garantit les résultats. Par ailleurs le soutien scolaire institué sera très probablement inefficace, car il va s’effectuer hors de la classe et par quelqu’un d’autre que le maître ».
Selon Hubert Montagner, depuis plus de 20 ans, les scientifiques et les médecins s’accordent à dire qu’une journée de 6 heures est beaucoup trop longue pour la plupart des élèves de CP et pour les élèves en difficulté scolaire. A partir de nombreuses observations effectuées dans les classes, il pointe des moments de baisse de vigilance, notamment en début de matinée et en début d’après-midi. Il estime que l’organisation de la journée devrait être modulée en fonction des niveaux et même des individus, surtout ceux qui présentent des manques de sécurité affective. Il propose de réserver les temps de « cours » pour les moments où la vigilance est la meilleure, milieu de matinée et milieu d’après-midi : il faut vraiment être plus imaginatif « et plus large » sur l’organisation du temps scolaire. Lui non plus ne croit pas à l’efficacité d’un soutien scolaire coupé de la classe et il craint qu’avec une semaine de 4 jours, les maîtres n’augmentent la part des fondamentaux au détriment d’activités de découverte et d’expression.
Thierry Cadart, secrétaire général du SGEN-CFDT, rappelle que son organisation a insisté pour que la circulaire d’application des nouveaux horaires laisse aux écoles la possibilité d’organiser l’enseignement sur 5 jours, en travaillant le mercredi matin. Il estime que « l’administration a saboté ces propositions » et souhaite qu’une conférence nationale se tienne sur cette question des rythmes scolaires, « centrale par rapport à l’organisation de l’école pour la réussite scolaire ».
Marianne Baby, du Snuipp, estime que la décision du ministre a été brutale et n’a pas laissé le temps de la réflexion. Le Snuipp souhaite qu’un bilan soit fait très rapidement de cette nouvelle mesure et qu’un suivi attentif sur l’année permette d’en tirer des conclusions. Le ministre n’a pas voulu entendre les propositions d’amélioration de prise en charge des élèves, il faut maintenant savoir comment cette mesur que Marianne Baby estime « profondément inégalitaire »et « qui renforce en négatif les difficultés qu’on va connaître avec les nouveaux programmes » va être appliquée. « La rentrée se fait dans un climat d’inquiétude et de morosité » et le Snuipp formule également la demande d’une réflexion d’où d’autres mesures émergeraient.
Les organisateurs de la réunion affirment clairement qu’il ne s’agit pas de remettre maintenant en cause le nombre d’heures d’enseignement ou la suppression du samedi matin à l’école primaire. Ils demandent simplement au ministère d’ouvrir la réflexion sur la question des rythmes scolaires et de tenir compte des avis des experts.
Le malheur, conclut Antoine Prost, c’est que le ministère ne mène aucune recherche pédagogique et considère même les chercheurs en sciences de l’éducation « comme des brebis galeuses. L’école ne fabrique-t-elle pas elle-même des élèves inadaptés en ne tenant pas compte de leurs rythmes circadiens ? »