Par François Jarraud
« Il n’y a aucune contrainte ». Interrogé par le Café le 13 octobre, René Macron, chef du bureau des écoles au ministère éclaire pour nous les conditions de publication et le contenu de la fameuse évaluation exigée en grande section de maternelle. On l’a mal compris : le ministère n’ envisage pas de rendre ses outils obligatoires, encore moins de ficher les élèves. Mais il est certain de proposer la seule bonne méthode…
Quelles sont les finalités de ce dispositif ?
Il s’agit de prévenir les difficultés d’apprentissage de la lecture chez ces enfants d’école maternelle. Nous savons aujourd’hui que les élèves qui risquent d’avoir des difficultés d’apprentissage de la lecture sont les mêmes que ceux qui au début de la grande section ont des difficultés à apprendre et à maitriser la conscience phonologique. D’où l’idée, née de plusieurs études, que pour prévenir des difficultés il y a intérêt à apporter des aides grâce à une pédagogie particulière à des enfants de grande section qui ont du mal à maitriser la conscience phonologique. On propose de fournir aux enseignants deux outils : un outil de repérage et un outil d’aide à la conception de modules pédagogiques adaptés pour aider ces élèves.
Mais, dans ce qui est publié, il n’est pas question que de la conscience phonologique. Il y a des choses comportementales. Par exemple, repérer si l’élève utilise des formules de politesse.
Il y a deux choses différentes. Il y a un outil de repérage en novembre décembre et un outil de bilan. C’est dans ce dernier qu’il y a ce que vous évoquez. Ils n’ont pas les mêmes finalités. Le premier repère les élèves. Vous y avez aussi des éléments comportementaux par exemple la capacité à l’attention. On voit bien que cela a un intérêt à l’école. L’autre outil sert au bilan de fin d’année et s’appuie sur les programmes. Les termes utilisés sont simplement ceux des programmes.
Il devient quoi ce bilan ? A quoi ça sert d’avoir ces remarques comportementales ?
Les enseignants l’utilisent pour le passage en CP. Ca sert à savoir si l’élève a atteint les objectifs du programme.
L’outil de début d’année aboutit à des séances « d’entraînement » répétées pour les élèves repérés. N’y a-t-il pas un risque de stigmatisation de ces élèves ?
Le mot entraînement est une traduction de l’anglais « training », il n’est pas vraiment adapté et on utilisera un autre terme. Mais l’idée de mettre en place des petits groupes homogènes est bien connue. A priori c’est un mode d’enseignement explicite connu et qui fonctionne. Je ne crois pas que cela pose problème. La stigmatisation par contre c’est un vrai problème. C’est la question de la prévention. Quand on conduit des apprentissages, si on fait de la prévention il faut intervenir avant l’échec et donc que certains élèves soient l’objet d’une pédagogie adaptée à leur besoin. Il faut alors trouver le moyen d’expliquer à leurs parents cette proposition pédagogique. Ce n’est pas de la stigmatisation mais la réalité. On va s’appuyer sur l’aide personnalisée parce qu’elle nécessite l’accord des parents. Ce n’est pas souhaitable d’apporter une aide spécifique sans l’accord des parents. Les enseignants savent expliquer cela aux parents.
Vous avez l’impression que les termes utilisés sont maladroits ?
Pas du tout. Ce qui a été publié est un document de travail non publiable daté du 29 août. C’est un document non mis en forme et dont n’ont été publiés que des extraits. S’il avait été question d’un document publié par l’Education nationale, il aurait été légitime qu’une certaine émotion se manifeste. Mais ce n’est pas le cas. C’est un document de travail daté alors que le document a évolué depuis.
Vous pensez que l’émotion actuelle est illégitime ?
Elle n’est pas légitime car elle proteste contre un document contraignant alors qu’il n’y a aucune contrainte et que rien n’est publié par l’éducation nationale.
Vous allez le maintenir ?
On va maintenir l’idée qu’à l’école maternelle il faut faire de la prévention et intervenir en aide auprès des élèves avant qu’ils ne soient en échec. Nous continuons à préparer pour les enseignants de GS des outils d’aide à la mise en oeuvre des programmes, gratuits, dont ils pourront se servir ou ne pas se servir. On n’a jamais eu l’intention de publier une instruction contraignante obligeant les enseignants à faire passer ces tests d’évaluation ou, pire encore, à alimenter un fichier des élèves. Sur la forme, il est vrai qu’ il y a des mots comme « à risque », ou « entraînement » qui ne passent pas en français.
Quel rôle vont avoir les inspecteurs si ce n’est pas contraignant ?
Ils vont faire leur travail : accompagner les enseignants, faire de la formation, aider les enseignants et contrôler. Ils ne vont pas contrôler l’outil utilisé mais le fait qu’on repère les enfants en difficulté et qu’on les aide comme le demande le référentiel. Si les enseignants ne veulent pas utiliser les outils qu’on met à leur disposition ils en utilisent d’autres. Ils font ce qu’ils veulent. La contrainte c’est d’évaluer en début d’année par une évaluation diagnostic les élèves, apporter des aides et en fin d’année faire le bilan. Je peux admettre que le mot entraînement n’est pas un bon mot. Mais quand la recherche nous indique que telle démarche est efficace autant l’utiliser.
Propos recueillis par François Jarraud
Sur cette évaluation :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2011/[…]