« Historique » : le mot revient en boucle dans les médias après la journée de grève du 5 décembre contre la réforme des retraites. Et les enseignants sont en pointe dans ce combat avec un taux de gréviste jamais vu, qui va au-delà des attentes des syndicats. Dans de nombreux établissements et écoles, les enseignants prolongent d’eux mêmes la grève. C’est maintenant aux syndicats de décider ensemble des suites de ce mouvement sans précédent. Arriveront-ils à maintenir leur unité ? Réponse aujourd’hui 6 décembre.
Deux professeurs sur trois grévistes
Le 5, le ministère a compté 51% de grévistes dans le premier degré et 42% dans le second. Pour les syndicats c’est plutôt 75%. Que l’on choisisse un mode de calcul ou l’autre, c’est du jamais vu ! Des milliers d’écoles ont été totalement fermées. Dans nombre d’établissements le principal ou le proviseur s’est trouvé seul ou à peu près pour accueillir les élèves. Après cet incontestable succès, devant le silence du gouvernement, les syndicats doivent décider de la suite. Ce sera chose faite à l’issue d’une réunion qui doit se tenir le 6 au matin.
Combien étaient-ils dans les rues ? Le ministère de l’intérieur parle de 800 000 manifestants pour toute la France. La Cgt en compte 1.5 million. Les cortèges étaient imposants dans de nombreuses villes. Le cortège parisien a réuni au moins 250 000 personnes selon l’AFP malgré les charges et le gaz lacrymogène.
Un nouveau cap pour les enseignants et le ministre
« Dans l’Education nationale, je pense que demain il y aura une bonne partie des gens qui reprendront le travail », a déclaré JM Blanquer le 5 décembre sur France 2. Le ministre de l’Education nationale semble ne plus maitriser grand chose. La réforme des retraites y est pour beaucoup tellement elle cible les enseignants. Mais dans les manifestations c’est tout le ressentiment contre JM Blanquer qui est ressorti. Après deux années à multiplier les réformes sans tenir aucun compte des professionnels, à faire pression sur les enseignants, à faire passer des textes qui annulent les droits des enseignants ou qui visent à les faire taire, sa politique a fait de l’éducation nationale le fer de lance du mouvement de contestation du gouvernement.
La mobilisation contre la loi Blanquer avait été importante. Celle contre les réformes cet été avait balayé le tabou des examens. Le 5 décembre, le monde éducatif a passé un nouveau cap : celui d’une profession qui se réunit au-delà de ses divergences parce que trop c’est trop. A en croire les cortèges, JM Blanquer semble avoir dépassé le cap de popularité d’Allègre ou Ferry (Luc).
Les positions des syndicats
Les syndicats ont à gérer le succès de ce mouvement pour le transformer en victoire. Pour cela il faut rester uni. C’est la difficulté de l’exercice.
Pour le SE-Unsa, « l’exécutif doit prendre très au sérieux ce coup de semonce ». Le syndicat « en lien avec son union interprofessionnelle l’Unsa, analysera les communications et décisions gouvernementales des prochains jours avant de déterminer la forme à donner à la défense des intérêts collectifs et individuels. Le SE-Unsa rappelle au gouvernement que pour construire, il doit privilégier la négociation à l’affrontement. La balle est dans son camp. Il doit la saisir, et vite ».
Du coté de la Fsu, le Snes et le Snuep ont déjà appelé à « un nouveau temps fort national de grève le 10 décembre ». La fédération FSU appellera elle aussi à « un temps fort » le 10 décembre. Elle souhaite » la poursuite et l’amplification des mobilisations dans le cadre d’un plan d’action pour ancrer le mouvement dans la durée en fonction des réponses du gouvernement » et soutient « les actions de reconduction qui seront décidées par les collègues ». A cette fin, la FSU a déposé un préavis qui court tout le mois de décembre.
Sud éducation « appelle dès aujourd’hui l’ensemble des personnels à se réunir en Assemblée générale se donnant pour objectif la reconduction de la grève, la convergence entre les différents secteurs et l’organisation d’actions de blocages ». FO éducation est aussi pour la reconduite de la grève le 6 décembre et « pour organiser la grève jusqu’au retrait ».
Comment finir une grève ?
D’ores et déjà de nombreux enseignants n’ont pas attendu la décision des syndicats. Une AG des établissements réunie à Paris a vote la reconduction de la grève. C’est le cas aussi par exemple du Snuipp 75 qui a décidé la reconduction de la grève jusqu’au 10 décembre. Cela donne à panser que pour eux le gouvernement n’est pas capable de les entendre. C’est pourtant lui qui, à quelques semaines des municipales, a les clés pour ramener les professeurs devant leurs classes. Seuls des gestes politiques forts peuvent calmer la mobilisation enseignante.
François Jarraud