Que se passe t-il quand vous êtes un pays particulièrement riche et que Pisa vous classe très mal ? C’est le cas du Luxembourg. Le pays est connu pour avoir les salaires enseignants les plus élevés de toute l’Europe. Mais c’est aussi un pays qui a de très faibles résultats dans Pisa. Une situation qui suscite des réactions contrastées…
En lecture, le Luxembourg voit son niveau chuter à 470 points alors que la moyenne Ocde est à 487 : c’est le score le plus faible en Europe. Le Luxembourg est aussi en dessous de la moyenne Ocde en sciences et en maths. Ce qui explique ces résultats c’est l’énorme écart entre les enfants de milieu favorisé et défavorisé. Il arrive à être plus élevé encore qu’en France avec 122 points de différence.
Une réalité largement minimisée par le gouvernement luxembourgeois. » La performance globale de l‘école luxembourgeoise reste stable sur le long terme alors que l’hétérogénéité de la population d’élèves continue d’augmenter. Le Luxembourg est le pays de l’OCDE qui affiche à la fois le taux le plus élevé d’élèves avec origine migratoire (55%, contre 40% en 2009) et le taux le plus élevé de jeunes dont la première langue parlée à la maison n’est pas la langue de l’école ni celle du test PISA (83%) », écrit le ministère de l’éducation. A noter que l’écart entre les migrants et les natifs n’est que de 17 points, mais que le niveau des migrants de 1ère génération est plus élevé que celui de la 2de génération. Pour le ministère, » PISA 2018 n’apporte guère d’élément nouveau. L’étude confirme les défis connus depuis longtemps, de même que la pertinence de la politique éducative engagée pour mieux répondre à la diversité des élèves. »
Dans le quotidien local L’essentiel, qui reprend l’argumentaire ministériel, le directeur de cabinet du ministre estime que « Pisa ne fait pas avancer le Luxembourg » ! Les commentaires des lecteurs mettent en cause la politique linguistique du pays qui fait du luxembourgeois la langue nationale d’enseignement alors que le pays compte une majorité de scolaires immigrés.
L’association de soutien aux travailleurs immigrés du GRand Duché demande de son coté des changements dans le système d’enseignement. » Est-ce que le système d’enseignement luxembourgeois tient compte de l’hétérogénéité de la population d’élèves ? », demande l’Asti. » Il serait plus que temps, pour toute la communauté scolaire, qu’elle prenne conscience des conséquences d’une telle situation. Pendant plus de quatre décennies, sauf à quelques rares exceptions près, les acteurs du secteur ont fait l’autruche et laissé les inégalités se reproduire davantage… Enseigner au primaire comme si nous n’avions affaire qu’à des enfants luxembourgeois de milieu favorisé, aborder l’apprentissage des langues comme si les élèves étaient un groupe homogène, alphabétiser en langue allemande alors que les enfants n’ont pas suffisamment de connaissance du luxembourgeois, submerger les enfants de devoirs à la maison, n’offrir que des surveillances des devoirs dans les maisons relais alors que les enfants, surtout de milieux défavorisés, nécessitent un soutien individualisé dans leurs efforts scolaires… toutes ces questions attendent, depuis des années, des réponses courageuses ».
En 2016, le Luxembourg avait menacé de quitter Pisa sous prétexte que « l’étude ne nous apprend rien de nouveau » et « ne donne pas plus d’informations que les études précédentes sur ce qui fonctionne ou non dans le système éducatif »… La dernière réforme des lycées leur a accordé davantage d’autonomie et a mis l’accent sur les « e-skills »…
F Jarraud