Par François Jarraud
Une sélection des ouvrages dont nous avons rend compte. Ce mois-ci, « Un seul monde une seule école », un numéro de la RIES, « Faire classe aujourd’hui », un ouvrage de pédagogie institutionnelle, « Retour sur la seconde explosion scolaire », un numéro de la RFP qui interroge la scolarisation des jeunes des milieux populaires, etc.
XYZep : Les aider, oui, mais à quoi ?
De la maternelle aux différentes filières des lycées, l’aide « individuelle » est désormais partout prescrite. On sait quels débats ouvre le phénomène, à tous les niveaux, entre ceux qui y voient une opportunité à saisir, et ceux pour qui baisser le temps d’enseignement ne peut qu’amener à la « réduction des exigences ».
Le travail de l’élève. Dans le dossier de la récente livraison du bulletin XYZep, titré « Individualiser pour faire apprendre ? », l’article d’Anne-Marie Chartier souligne combien le regard historique nous aide à relativiser l’urgence du « nouveau ». Elle insiste sur le faible nombre d’heures de cours, et le grand nombre d’heures « d’études » encadrées, dans le lycée qui, au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, n’accueillait pourtant que les élèves les plus socialement (et culturellement) favorisés. Patrick Rayou et ses co-auteurs y reviennent dans leur récent « Faire ses devoirs » (PUR). Martine Kherroubi indique qu’en un siècle, le rapport entre le temps de cours et le temps d’étude s’est inversé, passant de un pour deux, à deux pour une, et souvent moins… Souvent externalisé à la maison, avec les problèmes qu’identifiait déjà Glasman il y a quinze ans, le travail personnel de l’élève pour « discipliner » le monde semble revenir au cœur des interrogations de l’institution comme de la recherche.
Des modèles dépassés. Globalement, les traditions des différents ordres éducatifs semblaient avoir construit des marques stables : le primaire intégrait les exercices et les entrainements au temps scolaire, quand le secondaire renvoyait le travail personnel hors du cours. Aucun des deux modèles ne semble désormais pouvoir perdurer en l’état, sauf à vouloir se satisfaire du butoir infranchissable des 15% d’élèves qui résistent encore aux enseignants dans la conquête des savoirs… Du coup, c’est bien à l’articulation entre les différents temps, et à leurs modalités, que les enseignants devraient être appelés à réfléchir, si leur hiérarchie voulait bien les considérer autrement que de simples metteurs en scène d’arbitrages faits ailleurs.
Enseigner c’est comme mener une guerre. « Enrichir le métier », comme disent les ergonomes, ce serait donc prendre en charge collectivement la réflexion sur les moyens possibles, dans la classe ou dans les dispositifs d’aide, à l’école et à la maison, pour gagner cette guerre. Le mot vous semble un peu fort ? “Une fois que nous avons saisi l’immensité du chemin à parcourir, il devient compréhensible que l’élève doit entrer dans une lutte brutale avec le monde, et que dans cette lutte l’enseignant doit avoir le dernier mot ; et nous comprenons l’idée qu’enseigner c’est comme mener une guerre.” Ca date de 1921, et c’est signé Vygotski, un psychologue très souvent cité, mais trop souvent caricaturé…
Marcel Brun
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http://cas.inrp.fr/CAS/publications/xyzep/publicatio[…]
Faire classe aujourd’hui
La pédagogie institutionnelle peut-elle apporter des réponses aux difficultés des enseignants aujourd’hui ? Le mouvement belge Changement pour l’égalité le croit. Il publie un recueil de témoignages de praticiens sur les apports et les difficultés de cette pédagogie. » Une pédagogie de l’Autorité qui rend chacun et le groupe auteur de sa vie et de son apprentissage. Voilà tout ce que les praticiens tentent de montrer, de faire vivre dans les récits qui suivent. Afin de partager avec d’autres praticiens les richesses d’une pédagogie qu’ils travaillent chaque jour, qu’ils ne cessent de questionner, de faire évoluer par les échanges et l’écriture de leurs expériences ».
L’ouvrage nous emmène directement dans les classes, du primaire au secondaire , enseignement général, enseignement technique ou professionnel. « Autant de lieux où il s’agit d’apprendre et de produire des savoirs à plusieurs. Autant de lieux où il s’agit de veiller au désir d’apprendre et lui permettre d’exister, de circuler. Autant de lieux où il s’agit de se fixer des règles communes, de faire émerger la Loi face aux conflits et aux violences possibles ».
Télécharger gratuitement l’étude
http://www.changement-egalite.be/spip.php?article1655
Korczak
Vingt associations et mouvements se sont mobilisés à l’occasion du 20ème anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant pour publier un texte qui condense en quelques dizaines de pages l’essentiel de la pensée korczakienne.
Le compte-rendu de P Frackowiak
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/01/No[…]
Retour sur la seconde explosion scolaire
La première explosion scolaire a été celle de la généralisation de l’accès au collège dans les années 60. Entre 1985 et 1995 se produit la seconde : celle de l’accès au lycée et au bac. Mais ce numéro 167 de la Revue française de pédagogie ne se focalise pas sur la massification scolaire. Il l’observe sous le seul angle de la scolarisation des enfants des milieux populaires « en étudiant leurs parcours scolaires pour eux-mêmes ».
Tirées du colloque « Ce que l’école fait aux individus », qui a eu lieu à Nantes en juin 2008, les contributions portent « sur tout ce qui se joue dans la classe du point de vue de la transmission des savoirs ». Ainsi S Bonnery et F Renard remettent en question la théorie du handicap socioculturel. S Orange montre que les élèves de BTS, qui devraient aspirer à une carrière de technicien, utilisent le BTS pour retarder l’heure des choix professionnels. C Hugrée rend compte des voies d’insertion des diplômés du supérieur issus de smilieux populaires. S Musset étudie les trajectoires des ouvriers qualifiés de l’industrie automobile et leurs liens avec le vécu scolaire.
Revue française de pédagogie n°167
Le sommaire
http://www.inrp.fr/edition-electronique/archives/rev[…]
Dans le Café
http://cafepedagogique.net/lemensuel/larecher[…]
Entre marché et pression internationale : l’école suisse
« L’école du 21e siècle cherche sa voie. Elle a été construite dans la logique d’une autre époque. Elle doit donc changer et elle va changer. Mais comme dans toutes les périodes de turbulences, elle est tiraillée par des courants contradictoires. D’un côté un fort courant pour un retour à la tradition (mais quelle tradition ?) et d’un autre une volonté d’aller plus vite de l’avant vers un modèle libéralisé ». L’IDEP publie le compte-rendu d’un colloque tenu à Genève en décembre 2008 par l’Association des inspecteurs et directeurs d’écoles primaires de la Suisse romande et du Tessin. C’est l’occasion de retracer l’histoire de cette école, de Stapfer aux votations genevoises, en passant par Pestalozzi, le Père Girard et Piaget. L’école suisse doit faire face aux difficultés d’intégration des élèves d’origine étrangère (un élève sur quatre) et elle met en place des formules d’enseignement prioritaire mais dans un cadre plus concurrentiel entre établissements. Elle évolue aussi sous la pression des évaluations internationales et d’une droite qui a fait de l’Ecole son cheval de bataille.
Le séminaire de décembre 2008
http://publications.irdp.relation.ch/ftp/12619906[…]
Genève laboratoire des fusions conservatrices
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages[…]
Un seul monde, une seule école ?
Le modèle scolaire français va-t-il disparaître ? L’Ecole est-elle, doit-elle, échapper à la mondialisation ? Comment se passe cette confrontation des systèmes éducatifs ? Quels modèles s’en dégagent ? Quelles résistances rencontrent-ils ? Ce nouveau numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°52) s’appuie sur les contributions du colloque organisé en mars 2009 par la revue. Vous avez pu , sur le Café, en suivre en direct le déroulement.
C’est que, comme le souligne Alain Bouvier en introduction, « la réforme des programmes, de la didactique et des outils, la réforme de la formation des enseignants dans un cadre européen et mondial, les systèmes d’évaluation…, la formation des chefs d’établissement…, le pilotage des systèmes sont des questions qui se posent de manière transversale en des termes différents certes, mais qui se posent partout ». Et même si les réponses ne sont pas les mêmes, on ne peut échapper à cette réflexion collective et éviter les conséquences de cette mondialisation.
Des très nombreux intervenants du colloque, la revue a sélectionné des contributions qui montrent plutôt les résistances des modèles nationaux ou peut-être des résistances au modèle international de l’Ocde. Pour Riccardo Petrella, l’école est un bien commun à préserver. Bernard Charlot est convaincu que l’on se dirige plutôt vers plus de différenciation. Florence Robine et Roger-François Gauthier montrent que les écoles s’interrogent sur leurs contenus et leurs valeurs partout. Dans quelle mesure cette interrogation collective aboutit-elle à définir un modèle d’école ?
On croise donc dans ce numéro des regards variés : philosophes, économistes, historiens, géographes, spécialistes du développement durable, chercheurs et praticiens en éducation. Ils nous aident à mieux comprendre pourquoi notre Ecole bouge à défaut de nous dire où aller.
Un seul monde, une seule école, Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°52, décembre 2009.
Sommaire et présentation
http://www.ciep.fr/ries/ries52.php
Le colloque vu par le Café
http://cafepedagogique.net/communautes/Unseulmon[…]
Le mérite contre la justice
« Le mérite est trouble d’emblée, il est pris dans une gangue sociale et les enseignants ne peuvent y échapper et en être des juges impartiaux… De plus ce qu’on a, on ne l’a jamais tout seul : il faut reconnaître le caractère social du mérite ». Dans Fenetres sur cours, Marie Duru-Bellat fait passer un sale quart d’heure à la méritocratie républicaine.
FSC 336