Certains doutent-ils encore des bienfaits de la scolarisation des enfants de moins de trois ans au sein de l’école de la République ? Avec « Le lundi, c’est violet ! », documentaire tourné à l’école maternelle Anatole France, dans le quartier des Minguettes à Vénissieux, Jean-Paul Julliand fait la démonstration éclatante du bien-fondé de la dite scolarisation. Pendant toute une année scolaire, le réalisateur et sa caméra bienveillante accompagnent les premiers pas des petits sur le long chemin de l’émancipation, soulignent l’inventivité et l’énergie mises en œuvre par l’équipe pédagogique- avec le soutien des familles- au service de cet idéal républicain.
Mise en confiance
Dès les premiers plans, nous pénétrons dans la classe le jour de la rentrée scolaire avec la maîtresse, Géraldine Pochard, les enfants et leurs parents. Ces derniers, invités pour toute la journée, assistent aux premiers essais de peinture, aux chants et aux musiques proposés à leurs petits. Une mise en confiance pour chasser le chagrin des uns, les appréhensions des autres. Un climat préparatoire au 2ème jour sans les familles au cours duquel Salmon, Fatouma, Mamadou, Amara, Camille, Sarah et les autres apprennent à surmonter leur angoisse et à partager des activités de dessin et de chant avec leur enseignante.
Des prémisses de la sociabilité aux débuts de l’autonomie (l’apprentissage de la propreté) jusqu’à la première sortie en autocar pour une visite à la caserne des pompiers, nous voyons s’incarner la démarche pédagogique : ‘donner du relief aux apprentissages’ en rendant possible l’aventure de la découverte d’un métier hors des murs de l’école. La maîtresse s’habille en pompier, on nomme les éléments de sa tenue, certains essaient les lances à eau et tous reprennent la chanson ‘Au feu les pompiers’. Chacun est incité à mettre des mots sur ce qu’il vient de voir. Plus tard, à partir de photographies de scènes vécues, l’enseignante les fait parler et ils découvrent ce qu’elle nomme ‘le langage de l’évocation’.
Aucune prétention ni théorisation dans la démarche qui mêle sans cesse les activités manuelles (fabrication de gâteaux, participation aux décors et aux fresques pour la fête du carnaval), physiques (roulades et galipettes en tous genres, mimes et imitations) et les apprentissages de langage et de socialisation, dans un souci manifeste du respect des personnalités de chacun, au-delà de la disparité des appartenances et des origines.
Couleurs et diversités
Toute la pédagogie est placée sous le signe des couleurs, découpant les séquences qui rythment l’année scolaire, à l’instar du rouge, couleur de l’uniforme des pompiers, première étape d’une découverte ‘in vivo’ d’autres métiers (jardinier, mécanicien, boulanger). Imaginées par l’enseignante, soutenue par Aline Vaslet, l’ATSEM, en association avec les collègues de l’école (pour la création de ‘binômes’ d’enfants dédiés à certaines créations), la variété et l’inventivité des activités entrent en résonance avec la diversité des langues et des cultures d’origine des petits dont l’équipe pédagogique à la charge. A l’aune de ce constat, les spectateurs du documentaire mesurent l’ambition du pari et la remarquable qualité des résultats. Levée des inhibitions, maîtrise de la langue française, confiance en soi, participation à une création commune, insertion épanouie dans un groupe…autant d’effets bénéfiques de la scolarisation, que nous voyons ‘crever l’écran’ à travers le filmage attentif, à hauteur d’enfants, du quotidien de la maternelle Anatole France de Vénissieux.
Idéal républicain
En ces temps d’ostracisme tous azimuts et de séparatisme social, le spectacle de la vie ordinaire de cette classe de la République constitue cependant un petit miracle. Préparation d’un petit déjeuner pour les parents, remise du ‘livre’ illustré de chaque élève en présence de sa famille et réalisation collective du spectacle de fin d’année (‘un petit garçon part de chez lui, fait des rencontres et découvre que c’est à l’école qu’il peut apprendre et grandir’) démontrent la place primordiale accordée aux parents. Femmes noires en boubous, mères portant le voile, tous et toutes, quelque soient leurs tenues vestimentaires, sont accueillis et contribuent, pour leur part, à la construction d’une communauté éducative. Au terme de l’année, Géraldine Pochard, confie son émotion devant les progrès réalisés et elle ajoute simplement : ‘Toutes les pièces du puzzle s’emboîtent’. A l’image de sa classe qui fait ‘société’ ?
Un documentaire joyeux et instructif à voir absolument.
Samra Bonvoisin
« Le lundi, c’est violet ! », documentaire de Jean-Paul Julliand-dvd chez Electron libre compagnie (pour commander 3780 route de Boucharey/ Le Brun/ 69420 Tupin et Semons) ; une coproduction CNC, ACSE, Procirep, France 3 Rhône-Alpes