Comment susciter des vocations scientifiques chez les lycéens ? Le projet mené depuis 2010 par Jacques Taillet, professeur de mathématiques au lycée Parc de Vilgénis à Massy mobilise et laisse une grande autonomie aux élèves. Les objectifs cette année les conduisent à trouver le mix énergétique le plus adapté pour l’établissement et rendre deux salles de classes autonomes en énergie. Ce travail d’équipe mêlant des lycéens de toutes filières s’effectue en partenariat avec différents instituts de recherche : le centre de mathématiques appliquées de Polytechnique, l’Institut Pasteur et l’INRA. Présent au forum des enseignants innovants, Jacques Taillet explique son changement de posture entre « catalyseurs et chef d’orchestre ». Son projet a été présenté au 9ème Forum des enseignants innovants.
En quoi consiste la « communauté scientifique junior » de votre lycée ? Qui rassemble-t-elle ? Pour quels objectifs ?
La « communauté scientifique junior » du Lycée Parc de Vilgénis est née d’un atelier scientifique créé il y a maintenant 6 ans et ne regroupant alors que quelques élèves. Elle rassemble maintenant une vingtaine d’élèves de tous niveaux et de toutes sections du LGP du Lycée Parc de Vilgénis, qui se retrouvent à raison de 2h par semaine pour continuer le projet qu’ils ont choisi pour cette année : étudier les énergies renouvelables afin de trouver le mix énergétique le plus adapté au lycée et rendre 2 salles de classes autonomes en énergie.
Les objectifs sont divers, mais les 2 principaux sont le fait d’acquérir une véritable démarche scientifique et de développer des qualités d’autonomie et de présentations. Ce qui compose l’essence de la « communauté scientifique junior » est le travail commun d’élèves de différents niveaux et sections. Les terminales encadrent les secondes dans la forme comme dans le fond du raisonnement et les élèves de filières S, ES, de STI travaillent avec ceux de l’enseignement professionnel.
Que font les lycéens durant les rencontres ? Et les enseignants ? Pour quelle posture ?
Les lycéens se sont divisés, selon les intérêts et compétences de chacun, par cercle de travail. Ces groupes de travail ne sont pour autant pas fixes et peuvent très bien changer au cours des séances, se mouvant alors avec les demandes et besoins de chaque groupe. Par exemple, la semaine dernière, un élève de STI est venu raconter à certains élèves des expériences faites lors de ses cours et expliquer les points utiles à prendre pour le travail de cette année – mais il ne maitrisait pas toutes les notions. C’est pourquoi, il a demandé à certains élèves de l’enseignement Professionnel et à des terminales de l’enseignement général de l’aider en mettant leurs connaissances à profit. C’est ce partage de savoir-faire qui crée l’atmosphère d’entraide au cœur de la « communauté scientifique junior ».
Les lycéens sont actifs et travaillent de manière diverse pour que leur projet aboutisse : certains font des algorithmes, d’autres des programmes, d’autres encore travaillent sur tableurs. Une partie des élèves fait aussi des recherches et une autre s’occupe de la communication de la « communauté », c’est-à-dire qu’elle travaille à la diffusion de l’avancée des travaux sur Facebook (Atelier scientifique Vilgenis), Twitter @atsvilgenis et sur le site Internet.
Les enseignants ont un rôle spécifique mais différent de celui qu’ils tiennent en cours. De manière imagée, on peut dire qu’ils sont catalyseurs et chefs d’orchestre. Ils permettent également à chacun de trouver sa place dans le groupe.
Quels liens avez-vous avec les instituts de recherche ?
L’atelier a vu se succéder différents travaux depuis sa création en 2010. Vincent Bansaye du Centre de Mathématiques Appliquées de Polytechnique (CMAP) qui nous accompagne dans nos travaux depuis cette date peut être considéré comme son Parrain.
En plus de celui-ci, nous avons créé des liens en fonction de nos projets avec plusieurs instituts de recherche. Lors du travail sur la dengue (2013-2014 ) intitulé « Propagation de dengue en France métropolitaine », nous avons été en lien avec l’Institut Pasteur et avons échangé avec Louis Lambrechts. Ce dernier nous a fait visiter son laboratoire, nous avons eu l’occasion de découvrir L’Institut Pasteur.
Lors du travail sur le maïs (2014-2015 ) intitulé « Un champ de maïs peut-il en contaminer un autre ? », nous avons été en contact avec Frédérique Angevin de l’INRA de Versailles, qui a échangé toute l’année avec nous et qui est venue faire une présentation au lycée.
Lors du travail sur le Gulf Stream l’an passé, nous avons été en relation avec le laboratoire l’OCEAN et avons échangé avec Violaine Pellichero, que nous avons ensuite rencontrée. La maquette réalisée l’an passé par la « communauté scientifique junior » a été présentée à Jussieu le 14 octobre dernier à l’occasion de la Fête de la Science.
En outre, nous sommes invités depuis 3 ans à présenter nos travaux à l’institut Henri Poincaré – également lors de la Fête de la Science.
Quel bilan tirez-vous de cette proposition faite aux élèves depuis déjà quelques années ?
D’un point de vue professionnel, cela permet d’avoir un contact différent avec les élèves, autre qu’un rapport enseignement par le professeur – écoute et mise en application du savoir par les élèves. Voir la qualité des travaux réalisés par les élèves est une richesse importante et permet une autre vision des sciences et de l’apprentissage que ce que le cadre académique propose. Les élèves sont heureux de venir et d’avancer sur leur projet, ce qui fait que la communauté n’existe pas uniquement 2 heures par semaine, mais bien plus. Cela m’amène à utiliser certains des résultats de l’atelier en cours et à laisser mes élèves plus autonomes en TD.
D’un point de vue des élèves : ils sont fiers des présentations qu’ils font à l’extérieur du lycée et aussi fiers de faire des sciences. Nombreuses sont les personnes qui ont dit qu’il était merveilleux de voir le plaisir qu’ont les élèves à raconter leurs travaux, leurs raisonnements et, plus simplement encore, à faire des sciences.
Avez-vous des élèves engagés désormais dans des filières scientifiques suite à leur participation à la communauté scientifique junior du lycée ?
Bien sûr ! Tous les ans, plusieurs élèves poursuivent des études scientifiques, que cela soit à l’université, en Prépa (BCPST, PC, MP), en IUT ou à l’Institut Charpack. Certains ont également été pris en école d’informatique.
Entretien par Julien Cabioch