Du 9 au 13 mai, le Snes Fsu a tenu son congrès national à Montpellier en pleine période d’alternance politique. Dans cet entretien, Sophie Vénetitay, secrétaire générale du premier syndicat du 2d degré, fait le point sur les attentes de son syndicat et aussi sur le bilan des 5 années Blanquer.
Le congrès a lieu alors qu’Emmanuel Macron est réélu président de la République. N’est ce pas décourageant pour le Snes ?
Non. On sort de 5 années difficiles et les projets d’E Macron n’augurent rien de bon. On est à un moment charnière où se préparent des choses compliquées pour le service public d’éducation. Mais il y a beaucoup de dynamisme, d’envie d’aller de l’avant et de gagner. Il y a une prise de conscience des effets délétères des projets d’E Macron pour l’Ecole. Et on va compter sur cette dynamique pour gagner.
Le ministre de l’éducation nationale va changer. Avez vous des exigences sur le choix du prochain ministre ?
On en a sur la méthode et le fond, pas la personne. On veut qu’il rompe avec la méthode de JM Blanquer qui est unanimement décriée : la manque de concertation, le mépris, le refus d’entendre la contradiction. JM Blanquer n’acceptait pas qu’on puisse avoir un autre avis que le sien. Sur le fond,il y a des dossiers très urgents comme la revalorisation et la rentrée 2022. On n’est pas dupes des projets d’E Macron. Mais face à lui il y a les collègues, le Snes qui expriment leurs exigences. Il va falloir que le nouveau ministre les entende.
Quel regard portez vous sur la politique menée par JM Blanquer ?
Il s’est présenté comme le ministre de la revalorisation historique mais il a surtout été le ministre de la rupture historique avec les personnels. Il a été très loin dans la casse du service public d’éducation. Sa méthode, son style ont fait beaucoup de mal. Il porte une lourde responsabilité dans l’état de délabrement du service public aujourd’hui.
Justement quelle part lui revient personnellement ?
Sur le fond, il a suivi la politique d’E Macron. Quand on regarde le programme de 2017, on voit que sa ligne politique est celle d’E Macron. JM Blanquer s’y est inscrit et y a ajouté sa touche personnelle. Il a été plus loin qu’attendu par exemple en favorisant l’enseignement privé. Il y a eu aussi son style personnel.
Les résultats des épreuves d’admissibilité des concours enseignants sortent en ce moment. Ils montrent une véritable crise du recrutement. Comment y remédier ?
Il faut des mesures d’urgence et de moyen terme. Il est nécessaire de décider un concours exceptionnel pour cette année, comme cela s’est déjà produit dans les années 1980. Les listes complémentaires doivent aussi être utilisées. A moyen terme il y a des décisions à prendre :par exemple prendre en charge les frais de déplacement et de logement liés au concours. Il faudra remettre à plat la réforme de la formation. Par exemple la perspective d’entrer dans le métier à temps complet peut effrayer les futurs enseignants.
L’économie française est presque au point mort et la tension internationale est au maximum en Europe. La revalorisation promise par E Macron vous semble t-elle encore réalisable ?
Elle est réalisable mais aussi indispensable. On connait le déclassement salarial des enseignants qui ont perdu 20 à 25% de pouvoir d’achat. Il s’y ajoute pour certains, comme les AED et les AESH, un élément de dignité. On ne peut pas continuer à sous payer ainsi ces personnels. Il y a aussi une question de dignité pour les néo enseignants : en entrant dans le métier ils sont éligibles à un dispositif de lutte contre la pauvreté.
Au delà, on voit bien avec la crise de recrutement que si on ne revalorise pas rapidement c’est l’avenir du service public d’éducation qui est menacé. Si on ne revalorise pas dans les 5 années qui viennent combien d’enseignants titulaires seront encore là ? A quoi ressemblera le service public ?
Quel souvenir gardez vous du congrès de Montpellier ?
C’était un congrès à la fois grave et joyeux. Grave du fait de la période. Et joyeux par l’enthousiasme de se retrouver en présentiel ce qui n’était pas arrivé depuis 2018. Cette convivialité, ces débats, c’est ce qui restera avec la belle organisation des camarades de Montpellier. L’accueil des militants à l’ouverture du congrès m’a beaucoup touché et aussi l’hommage qui a été rendu à Frédérique Rollet. Cela aussi c’est un beau souvenir.
Propos recueillis par François Jarraud