Que sont devenus les jeunes sortis du système scolaire en 2017 ? Une enquête du CEREQ a suivi leur parcours. Premiers constats : cette génération est plus diplômée et s’insère mieux dans le monde du travail. Second constat : les inégalités sociales sont toujours là : les enfants de cadres ont presque dix fois plus de chances d’être diplômés du supérieur que les enfants d’ouvriers. Troisième constat : la crise sanitaire est venue bloquer l’insertion de ces jeunes, particulièrement des moins diplômés.
Des jeunes plus diplômés…
De 2010 à 2017, le Cereq note une hausse importante du taux de diplomation des jeunes. Dans la génération sortie du système scolaire en 2017, 78% des sortants sont détenteurs d’au moins un bac. L’objectif fixé en 1985 au système éducatif est enfin atteint. Près de la moitié (47%) ont un diplôme de l’enseignement supérieur. C’est 6 points de plus pour le bac par rapport à 2010. En même temps le pourcentage de non diplomés baisse de 4 points. « Les jeunes femmes sont particulièrement concernées par ce mouvement : le quart des sortantes sont diplômées du supérieur long (21 % dans le cas des hommes). Elles représentent 60 % des diplômés de master mais restent minoritaires à ce niveau dans les spécialités scientifiques et techniques (45 %) ainsi que dans les écoles d’ingénieurs (38 %) et parmi les docteurs hors santé (42 %). Si la tendance est à plus de mixité dans les choix de formation, certains bastions masculins et féminins se maintiennent », note le Cereq.
Avec de fortes inégalités sociales
Pour autant les inégalités sociales n’ont pas disparu. 57% des enfants de cadres on un diplôme du supérieur long et 79% ont un diplôme du supérieur. Seulement 8% des enfants d’ouvriers ont un diplôme du supérieur long (et 27% un diplôme du supérieur). Il n’est pas certain que ce défi soit vraiment une préoccupation de l’enseignement supérieur… « L’accès aux filières sélectives est encore plus inégalitaire : 19 % des enfants de cadres sortent diplômés d’une école de commerce ou d’ingénieur pour moins de 2 % des enfants d’ouvriers et 5 % des enfants d’employés ».
« Les jeunes de la Génération 2017 ont donc quitté le système éducatif pour la vie active très inégalement dotés et préparés à la quête de l’emploi qui s’annonce, les exposant plus ou moins aux difficultés d’insertion », estime le Ceereq. De fait, ils vont avoir des parcours professionnels différents, le Cereq dégageant 3 grands types de trajectoire.
Un jeune sur trois reste à la marge de l’emploi
Pour deux jeunes sur trois leur parcours est dominé par l’emploi. Pour 30% des jeunes l’accès à l’emploi à durée indéterminée (EDI) est immédiat pour les autres l’accès est plus long (18 mois au lieu de 2). Evidemment les diplomés du supérieur long accèdent beaucoup plus vite à l’EDI alors que seulement 35% des diplomés du secondaire et 12% des non diplomés accèdent rapidement à l’EDI. Pour 15% des jeunes l’accès à l’emploi se fait à travers des statuts temporaires (CDD, intérim).
Un tiers des jeunes restent aux marges de l’emploi. Deux parcours s’apparentent à une forme d’exclusion de l’emploi et concernent 16 % des jeunes : parcours marqué par un chômage persistant ou récurrent (12 %) ou parcours durables hors du marché du travail (4 %). Près de 50 % des non-diplômés se retrouvent ici contre seulement 5 % des diplômés du supérieur long. Enfin quatre parcours rassemblant 20 % des jeunes regroupent des trajectoires associant une ou plusieurs bascules entre périodes d’inclusion et d’exclusion professionnelle. Pour 6 % c’est un parcours avec de la reprise d’études, pour 5 % des sorties de l’emploi vers le chômage, pour 3 % un retrait du marché du travail et enfin 6 % ont un accès tardif à l’activité.
A noter que le Ceereq met en avant l’insertion des jeunes ayant suivi la voie scolaire tout en ayant un emploi régulier. Leur taux d’insertion rapide est équivalent à celui des jeunes en alternance. Mais c’est évidemment au prix de l’abandon des projets de formation.
Le choc du covid
Tout allait donc mieux pour cette génération par rapport à celle de 2010. « La Génération 2017 cumule deux atouts sur le marché du travail, notamment au regard de celle de 2010 », note le Cereq. « Elle est, d’une part, plus diplômée et, d’autre part, elle bénéficie jusqu’à la crise sanitaire d’une conjoncture plus favorable. Elle connaît ainsi un taux de chômage de 18 % en février 2020 contre 23 % en février 2013 pour la Génération 2010, baisse qui profite à presque tous les niveaux de diplôme, et particulièrement aux moins diplômés ». De plus elle accède davantage à un emploi à durée indéterminée (72% des emplois en 2020).
Mais la crise sanitaire va provoquer un coup d’arrêt brutal et geler cet « atout emploi » de la Génération 2017, au point que son taux de chômage remonte, en octobre 2020, à 20 %. « Le premier confinement décidé par les pouvoirs publics en réponse à la crise sanitaire de la Covid-19, la chute d’activité induite et le filet de sécurité mis en place dans le même temps ont immédiatement infléchi les comportements des différents acteurs sur le marché du travail, laissant une marque tangible sur le parcours professionnel d’une partie des jeunes. Cet événement marque un coup d’arrêt brutal aux embauches et un coup de frein net aux mobilités professionnelles, note le Cereq. L’entrée en emploi se tarit (-44%) et cela se traduit par une baisse de 3% des jeunes de cette génération en emploi. Les jeunes les plus pénalisés sont les moins diplômés. Reste à voir quel sera le sort de ces jeunes après la crise sanitaire alors que la guerre en Ukraine annonce de nouvelles difficultés économiques et sociales.
François Jarraud