« Nous affirmons très clairement qu’il doit y avoir zéro décrocheur et que pour avoir un service public de qualité il est indispensable de recruter des personnels en nombre et de réduire le nombre d’élèves par classe ». C’est Marie Jeanne Gobert, responsable des services publics au PCF, qui a présenté le 19 mai la partie du programme de Nupes, l’alliance des gauches, concernant l’Ecole. Le programme fixe trois priorités : lutter contre la ségrégation scolaire, renforcer l’enseignement professionnel et revaloriser les personnels Education Nationale. Il est nettement en rupture avec celui d’E Macron.
Lutter contre la ségrégation scolaire
A la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) on a imaginé un programme en accordéon, avec une grande partie acceptée par tous les partis et quelques points qui seront soumis au débat parlementaire. Ces points sont rares sur la partie éducation et concernent la Charte européenne des langues et les subventions extralégales à l’enseignement privé. L’accord c’est fait sur le plus important : une politique éducative de gauche qui prenne nettement en main la question centrale des inégalités dans le système éducatif. Des inégalités que l’équipe sortante a laissé se développer imaginant même, avec les EPLEI (établissements publics internationaux), la reconstitution dans l’école publique d’une filière réservée à la bourgeoisie de la maternelle à la terminale.
NUPES veut « reconstruire une école globale pour l’égalité et l’émancipation ». Pour cet objectif, l’alliance de gauche veut « assurer la gratuité réelle de l’éducation publique ». Il ne s’agit pas d’agiter l’uniforme scolaire, mais de prendre en charge la part de l’école qui pèse sur les familles et qui fait la différence entre les élèves pauvres et les autres. Cela concerne la cantine scolaire, les transports scolaires, les manuels (déjà largement gratuits mais pas totalement), les fournitures (qui étaient gratuite à l’école au 20ème siècle). Pour la majorité des enfants ces mesures seront sans importance. Mais JP Delahaye a superbement montré à quel point ces postes pèsent sur les budgets des ménages les plus modestes. Et combien ces questions sont source d’humiliation, de fatigue et de dégout de l’école pour les plus pauvres.
Pour la première fois un parti met en tête de ses priorités la lutte contre la ségrégation scolaire. La NUPES imagine une solution qui n’est pas sana rappeler le programme québécois. La NUPES veut établir une nouvelle carte scolaire qui intégrera les établissements privés. Leur financement sera proportionnel à leurs engagements en faveur de la mixité sociale de leurs établissements. Le programme ne dit pas comment cette mesure serait accompagnée. Mais l’engagement pris est très fort et devrait rencontrer dans notre pays de sérieuses oppositions. La carte de l’éducation prioritaire serait aussi revue. On sait que de nombreux lycées , par exemple, souhaitent y retourner. Par ailleurs la carte actuelle est ancienne. Notons aussi le redéploiement des Rased, gelés depuis 5 ans.
Relancer l’enseignement professionnel
On peut relier à cet objectif de lutte contre les inégalités la réforme de l’enseignement professionnel. La NUPES envisage de redonner aux régions le contrôle des CFA. C’est une loi portée par E Borne qui les a confié aux groupes patronaux. En ce qui concerne la voie professionnelle scolaire, la NUPES veut rétablir le bac pro en 4 ans. C’est une revendication de syndicats enseignants qui jugent ce temps nécessaire pour relever le niveau des élèves. La NUPES veut « renforcer les enseignements généraux ». Une mesure qui ressortait aussi de la conférence du Cnesco. Rappelons qu’Emmanuel Macron, à l’inverse, veut diviser doubler le temps passé en stage ce qui revient à diviser par deux le temps consacré aux enseignements. La NUPES veut aussi « protéger les cursus courts dans l’enseignement supérieur et encourager la poursuite d’études après un bac professionnel ou technologique ». Là aussi la NUPES prend le contrepied de la politique suivie par E Macron qui, avec Parcoursup, a exclu des études supérieures une grande partie des bacheliers professionnels. La réforme de cette voie vise l’entrée directe dans l’emploi, mettant ainsi un terme à la promotion sociale des plus défavorisés. La taxe d’apprentissage serait réservée aux établissements publics.
Revaloriser les enseignants
Et les enseignants dans tout cela ? Ils sont près d’un million et très peu ont envie de voir continuer les politiques suivies par E Macron. Le programme de la NUPES veut « revaloriser les personnels de l’Education nationale et renforcer les moyens ». Pour cela il annonce la fin du gel du point d’indice fonction publique et la revalorisation des grilles salariales « en engageant une négociation avec les organisations syndicales ». La NUPES veut aussi « un plan pluriannuel de recrutement pour l’ensemble des concours », une façon de répondre à la crise du recrutement. L’alliance de gauche veut protéger la liberté pédagogique et « mettre fin aux évaluations et aux controles permanents ». Cela rompt avec le nouveau management que JM Blanquer a renforcé en 5 ans. Avec la même préoccupation, il s’agit aussi de « renforcer le cadre national du service public d’éducation » notamment sur les contenus d’enseignement, le recrutement et les statuts et enfin le bac, dont la reforme serait annulée.
Des points difficiles…
Ce programme rompt très nettement et avec celui d’E Macron et avec les orientations données depuis le début du siècle à l’Ecole. Mais tous ces points ne sont pas affirmés avec la même vigueur.
Il y a des orientations politiques claires. Assurer davantage de mixité sociale dans les établissements relève surtout du volontarisme politique. Rendre réellement gratuit l’enseignement aussi car les dépenses supplémentaires ne seraient pas très importantes. Alors que la France est internationalement connue comme ayant le plus inégal des systèmes éducatifs européens, il est intéressant de noter que jusque là peu d’efforts ont été entrepris pour aller contre. Plus d’un gouvernement s’est cassé les dents sur cet objectif , souvent au nom de la défense de l’excellence et du « mérite républicain ».
D’autres points du programme engagent des moyens. C’est le cas du bac pro en 4 ans (un tiers de professeurs en plus en LP), de la revalorisation, des recrutements. Sur ces points le programme pêche en ne parlant pas du financement de ces mesures. E Macron, avec 6 milliards annoncés par an, propose une Ecole qui prolonge la politique suivie depuis 2017 en creusant encore les inégalités entre les élèves et les personnels.
François Jarraud