» Nous pensons nos différences, nous ne sommes pas purement et simplement nos différences. Plus simplement encore : je me comprends dans mon identité comme « professeur », « commerçant », « joueur de violon », etc., c’est-à-dire que je contracte certaines de mes différences pour en faire mon identité, alors que j’en laisse d’autres subsister dans l’indifférence ». En introduction à ce Mag Philo, Philippe Quesne pose la question de la différence. « Peut-on accepter toutes les différences ? ».
Ce dossier, qui paraît à quelques jours du 21 mars, Journée mondiale de lutte contre le racisme, réunit des articles (Charles Taylor, Johann Michel, Hinda Poulin, Christian Dours, Emmanuel Malherbet, Michel Coche) et une sélection bibliographique et webographique sur ce thème. A noter deux entretiens avec Henry Laurens, collège de France, et Jean-Fabien Spitz. Ainsi cette réflexion d’Henry Laurens sur l’intégration : » La première émigration nord-africaine a fait basculer vers la régie Renault, pour y faire des voitures, des gens qui venaient d’un univers assez rustre et paysan. Et au bout d’une ou de deux générations, on se débarrasse d’eux au sens où ce type d’emploi n’existe plus dans une société postindustrielle. Mais les enfants n’ont plus rien de tout cela et s’il y a reconstruction d’une identité musulmane, elle est dans l’apport de l’imaginaire, pas du tout dans une transmission familiale. C’est comme pour n’importe quel individu : nos entités ne sont produites que par une somme de bricolages, de choix et de non-choix, entre réel et imaginaire.
L’un des problèmes des émigrations d’origine prolétarienne et paysanne est qu’elles ne transmettent rien, et quand les jeunes se tournent vers un islam fondamentaliste, ils le font bien souvent contre leurs parents, au sens où l’islam qu’ils pratiquent n’est pas celui de leurs parents. Souvent même, ils rappellent à l’ordre leurs parents, les prenant à rebours au nom d’une sorte d’autorité qu’ils auraient perdue ».
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