Un atelier de l’AFL dans un congrès de l’ICEM, a priori, ça dénote un peu : on est loin du crédo de « l’expression libre ». Ici, c’est l’exploration exigeante (par le maître) des corpus de textes par les élèves qui va être la source des pistes pédagogiques proposées pour permettre des réécritures, situation souvent problématique pour les enseignants. Compatible avec le « texte libre » ?
Forte de son expérience assise sur plusieurs années de travail au sein de l’Association française de la Lecture, dans la tourmente aujourd’hui suite à la polémique sur la lecture, Annie Janicot présente le travail mené dans une classe de CE1 à Nanterre, autour de la poésie. Aynat l’habitude de solliciter souvent ses élèves sur ces thématiques à travers des activités variées de production d’écrit et de lectures littéraires, l’enseignante a demandé aux élèves d’écrire « Et pour vous, c’est quoi la poésie ? »
Annie Janicot propose donc d’utiliser un outil informatique édité par l’AFL, Idéographix, pour aider l’enseignante à construire une séquence d’activité dont le but est à la fois de donner du pouvoir aux élèves sur les textes (les leurs où ceux d’auteurs confirmés), de favoriser leur compréhension par un décorticage du texte à plusieurs niveaux, et d’aider l’enseignant à trouvers des pistes fécondes pour la réécriture.
Elle prend donc le parti de chercher à faire bouger leur conception de l’écriture, en confrontant leur production avec celle d’un auteur, Jean-Pierre Siméon (un des créateurs du Printemps des Poètes ou des ateliers du Chambon sur Lignon, auteur de « Aïe un poète » ou « Ceci est un poème qui guérit les poissons »). Elle extrait de ces ouvrages permettent d’extraire un corpus qui va être proposé à la lecture des élèves, avec le souci des les aider à le « lire » en profondeur. Les élèves vont donc être en présence de deux « textes » : l’un extrait d’un ouvrage de littérature, l’autre fabriqué par la compilation des textes des élèves, ayant en commun de tenter de répondre à la même question, « Qu’est-ce que la poésie ? »
Pour y « voir clair », l’enseignant va faire « mouliner » Idéographix pour faire apparaître les « statistiques » du texte des élèves et celles du texte de l’écrivain : nombre de paragraphes, de mots par phrase… Une première manière d’identifier les caractéristiques de chacun des textes : les phrases de l’écrivain sont plus complexes, la longueur moyenne de chaque mot est un peu supérieure, signe de l’emploi de mots plus rares.
En faisant éditer par Idéographix les différents dictionnaires (liste des mots du texte), on va identifier les mots les plus fréquents du texte, comparer les terminaisons… Autant de situations propices aux démarches exploratoires sur l’étude de la langue : l’outil permet d’imaginer à l’enseignant d’imaginer de nouvelles situations qui lui seraient impossible à mettre en œuvre s’il devait faire ce travail « à la main »… : on va pouvoir identifier les mots qui ne sont présents que chez un auteur, ce qui va aider les élèves à caractériser ses « traits d’écriture », les choix qui fait, les techniques qu’il utilise… « à partir desquelles on va pouvoir donner une contrainte nouvelle pour la réécriture (ici, « écrire un texte pour lequel la première phrase de chaque paragraphe devra comporter la négation « pas », ou « votre texte devra comporter trois pragraphes ou « vous devrez inventer une règle d’écriture »). Autant de pistes fécondes pour fabriquer quelques « poteaux indicateurs » pour aider l’élève à progresser dans son rapport à l’écrit… »