Par Françoise Solliec
De nombreuses collectivités et académies se sont aujourd’hui investies dans la mise en place d’espaces numériques de travail dans les établissements du second degré. Cependant le choix et l’utilisation de ces ENT, qui devaient être initialement déployés dans les établissements français à la rentrée 2007, représentent en fait pour beaucoup une aventure qui est loin d’être achevée.
Un outil au service de la communauté éducative et de ses partenaires
Un ENT dans un établissement, c’est d’abord une plate-forme électronique, accessible de partout à tous ceux qui y sont inscrits, personnels exerçant dans l’établissement, élèves, familles et partenaires de l’établissement (tuteurs de stage, éducateurs, inspecteurs, etc). C’est l’établissement qui décide à qui il donne accès et quels sont les services disponibles pour chacun. C’est, en général, la collectivité de rattachement (conseil régional ou conseil général) qui en assure le coût et le fonctionnement.
On y trouve quatre grands types de services :
des outils de communication, messagerie, chat, forums ;
l’accessibilité à un espace documentaire où l’on peut déposer des fiches techniques, des notes de cours, des corrigés de devoir, des commentaires de lecture, des comptes-rendus de sortie, des travaux d’élèves, etc.
un agenda – emploi du temps sur lequel on peut porter des informations utiles, des actualités sur la vie de l’établissement et donner une visibilité du travail des élèves au cours de l’année ;
des services de vie scolaire et pédagogique, tels les relevés de notes ou d’absences et les cahiers de textes virtuels.
L’ENT a également vocation à servir de passerelle vers d’autres types de services tels des ressources numériques d’éditeurs ou des services de gestion des personnels.
Des produits industriels …
Avec des contraintes techniques fortes, identification unique mais sécurisée d’un très grand nombre d’utilisateurs, accessibilité de partout à tout moment, alimentation complexe d’informations, possibilités importantes de stockage, l’ENT est un objet technologique très évolué, dont les différentes versions proposées aujourd’hui industriellement ou localement, quoiqu’en grand progrès par rapport aux versions antérieures, sont encore loin d’être parfaites.
Dès 2003, l’action conjointe du ministère de l’éducation nationale et de la caisse des dépôts et consignations, CDC, a permis de cadrer très fortement le concept d’ENT. Un schéma directeur a été élaboré, une cellule d’animation et de suivi à l’échelle nationale a été mise en place et des documents d’accompagnement ont été produits, afin de guider les académies et les collectivités dans les procédures lourdes et complexes de marché à passer pour pouvoir expérimenter ou déployer un ENT.
Plusieurs sociétés ou consortiums ont répondu sur les quatre dernières années aux différents appels d’offres avec des produits offrant des fonctionnalités de plus en plus similaires. Sans prétendre être totalement exhaustif, on peut citer, par ordre d’apparition à peu près chronologique :
Scolastance de la société Infostance, équipant, en partenariat avec diverses sociétés, les établissements alsaciens et lorrains et expérimenté en Ile-de-France, Haute-Marne et Haute-Normandie ;
Imagine Picardie du groupement Plumtree-Unilog, équipant les établissements du second degré de Picardie ;
K-d’école du groupement Kosmos, IBM, Contact Office, équipant les établissements de la région Midi-Pyrénées et expérimenté notamment en Ile-de-France, dans le académies d’Aix-Marseille et de Limoges ;
Netcollège et Netlycée du groupement ITOP Jeriko, expérimentés notamment en Ile-de-France et en Haute-Normandie, dans l’Isère, la Haute-Marne et les Alpes-Maritimes ;
Collaba du groupement BVS Orange, notamment présent en Ile-de-France, dans les Alpes Maritimes et en Savoie.
Enfin, une solution libre, Eliot, de la société Fylab est expérimentée depuis un an en Ile-de-France.
et des solutions locales…
Même si la plupart des produits développés localement pour répondre en général à des besoins pédagogiques n’ont pas survécu à l’épreuve de l’industrialisation, comme le cartable électronique de Savoie ou les plates-formes Argos de Bordeaux ou Portée de Poitiers, on trouve encore quelques solutions particulières, en général issues d’environnements de travail collaboratif. On citera notamment laclasse.com élaborée à l’initiative du conseil général du Rhône, Cyberbureau collèges dans le département de la Loire, Phare dans l’académie de Rennes et le cartable en ligne dans l’académie de Créteil.
pour une aventure qui sera longue.
Aujourd’hui on dénombre un peu moins de 200 établissements du second degré équipés d’une solution industrielle. Même en tenant compte des expérimentations non recensées et des solutions locales, l’ENT est encore très loin d’avoir pénétré les quelque 12 000 établissements potentiellement concernés.
Pour ceux qui l’utilisent régulièrement, l’ENT révolutionne la communication dans l’établissement et induit une nouvelle relation entre la communauté scolaire et les familles. Petit à petit, des usages pédagogiques se développent, parfois plus rapidement que l’évolution des fonctionnalités ne le permettrait confortablement.
A cette rentrée, le ministère et la CDC considèrent que six projets sont en voie de généralisation, huit en déploiement pilote et huit en étude de faisabilité, concernant dix-sept académies sur trente.
Pour les projets ENTEA (académie de Strasbourg), ENT Auvergne (région Auvergne), ENT Midi-Pyrénées (région Midi-Pyrénées), Imagine (région Picardie), ENCORE (région Ile-de-France) et TEN (département de la Haute-Marne), une décision de généralisation a été prise et les cinq ou six prochaines années verront le déploiement d’un ENT dans tous les établissements relevant de l’académie ou la collectivité porteuse. Dans certains cas, le produit définitif a été choisi, comme à Strasbourg, dans d’autres, comme en Ile-de-France, il reste encore à construire l’appel d’offres, en sachant que le choix sera d’autant plus compliqué que plusieurs produits auront été expérimentés.
Mais le choix, finalement, est aujourd’hui, en termes d’usages, presque secondaire. Contraints par le schéma directeur et la pression des utilisateurs, les produits offrent des services relativement comparables.
Comme nous l’écrivions après la réunion des porteurs de projet en juillet dernier, Le tour d’horizon des quinze projets actuellement accompagnés et le recensement des usages de plus en plus diversifiés qu’ils font naître, montre bien que l’implantation des ENT entre dans une phase de maturité. Les premières préoccupations concernant le choix et les performances des plates-formes sont largement dépassées et on se consacre maintenant à la problématique de la généralisation. Les questions portent sur à quel rythme, avec quels apports respectifs de l’Etat (académies) et des collectivités et comment induire plus rapidement la conduite du changement pour faire pratiquer l’ENT à tous. Cela ne va pas sans difficultés ni tensions et certains choix initiaux ne survivent pas à la massification, mais peu à peu une démarche émerge et des pratiques se retrouvent d’un territoire à l’autre. Les conséquences pédagogiques en sont nombreuses, notamment en ce qui concerne la formation des personnels et le dépassement du cadre de la classe dans le travail de l’élève. Elles méritent que l’on y revienne en détail, nous le ferons à la rentrée.
Si nous décidons de décrire plus précisément, dans ce dossier du Café pédagogique consacré aux ENT, l’expérience de l’académie de Strasbourg, c’est qu’elle est actuellement la plus aboutie et permet le recul le plus important, aussi bien sur la mise en place concrète de l’ENT que sur son accompagnement nécessaire et les évolutions induites. A titre de comparaison, nous rappelons le bilan d’étape effectué en mai dernier en Ile-de-France et la description des usages pédagogiques de l’ENT dans l’un des plus avancés de ses 15 établissements expérimentateurs.