Par Gardy Bertili et Gabrielle Lamotte
LES QUESTIONS DEMEURENT
Et la note de vie scolaire ?
Difficile encore de trouver mille vertus à la note de vie scolaire : entre les comptabilités d’apothicaire, de demi-point en demi-point, les moyennes démarrant à 20 desquelles on défalque les manquements au règlement intérieur, d’autres qui partent de 10 pour se valoriser à travers les comportements dits citoyens, la note de vie scolaire laisse parfois un goût d’inachevé.
En février dernier, le rapport Herbeuval tirait un premier bilan de son application : il avançait que 90% des établissement scolaires avaient attribué une note de vie scolaire à leurs collégiens, qui obtenaient dans leur grande majorité une moyenne supérieure à 15 sur 20.
Les inspecteurs préconisaient qu’on couple la note chiffrée d’une appréciation écrite et que soit «évalué « à moyen terme l’impact de la note de vie scolaire sur la réduction du nombre des incivilités et des actes de violence. »
Les associations de parents d’élèves ont interpellé le ministre et l’ont questionné, rendues inquiètes par le « cafouillage » ou les balbutiements des débuts. Mais en fin d’année scolaire, les questions demeuraient entières.
Rapport Herbeuval :
http://media.education.gouv.fr/file/89/4/4894.pdf
Dès novembre, la FCPE du 93 appelle au boycott :
http://www.fcpe93.org/index.php?option=com_content&task=view&id=61&Itemid=1
Opposition de la FCPE du 92 :
http://www.fcpeputeaux.com/2006/11/index.html
Le Figaro du 22 novembre 2006 : « La note de vie scolaire suscite des inquiétudes syndicales »
http://www.lefigaro.fr/france/20061122.FIG000000058_la_not[…]
En mars 2007, Sud-Education propose aux parents un modèle de lettre à adresser au principal :
http://www.sudeducation.org/article1857.html
L’opposition ne faiblit pas au mois de mai : « La note de vie scolaire reste contestée dans les collèges » dans le Monde du 15 mai.
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ac[…]
LA RELEXION DE RENTREE
UN CONSEIL POUR LA RENTREE : PAS DE CONSEILS – SIMPLEMENT SOYEZ VOUS-MÊMES !
Cette année, j’ai envie de me livrer à un exercice particulier. En lieu et place des traditionnels conseils de pré-rentrée et de rentrée qui facilitent la prise de fonction des nouveaux et/ou des plus « murs » conseillers principaux d’éducation, conseils rébarbatifs et qui pullulent dans différentes revues ou livres spécialisés, je souhaite concentrer ma contribution sur deux aspect spécifiques : agir libre et fidèle à soi-même et les discours de pré-rentrée et de rentrée. Ce dernier aspect sera développé lors du prochain dossier du café pédagogique.
I) Rester maitre et fidèle à soi-même
Après quelques années d’exercice de ce métier, il me semble que le premier conseil que l’on puisse sincèrement tenter de dispenser à un CPE qui prend ses fonctions ou qui s’y confirme, c’est apprendre à se connaître, à maîtriser ce qui le pousse à embrasser ce métier, ses motivations profondes, ses convictions personnelles, les valeurs et l’éthique qui le font mouvoir.
Cette réflexion exige un exercice difficile de liberté, de prise de distance mais elle exige aussi que l’on s’inscrive dans le cadre collectif, car sa propre liberté de mouvements, de réflexion, de pensées, d’actions ou même de propositions n’est pas désincarnée, elle s’inscrit dans une œuvre collective, elle dépend de celle des autres, des marges dont on peut et sait jouir, et même de ses capacités ou aptitudes d’ouverture, et surtout de pragmatisme compte tenu des réalités ambiantes (public scolaire, public professoral, marges offertes par la direction …).
Se connaître, apprécier ses qualités et ses défauts, réfléchir sur ses motivations permettent justement aux autres de mieux vous cerner, de mieux travailler avec vous. Il s’agit donc de ne pas farder ses propres traits, de ne pas travestir le sens que l’on attribue à sa propre implication, il s’agit de penser librement pour entraîner avec vous collègues et les autres.
Rester soi-même consiste donc à ne pas sombrer dans de faux-semblants, à ne pas vouloir plagier l’attitude des autres, à ne pas vouloir suivre un cheminement de pensées ou d’actions auquel on ne souscrit pas ou l’on ne croit guère, à faire valoir ce que l’on pense, à être déterminé face à des valeurs fondamentales, à vivre sa fonction selon l’éthique .
Cet exercice de liberté, certes, est parsemé de contraintes, d’épines et d’exigences , notamment il vous revient de vous poser la question suivante : mon action a-telle du sens, pour qui, pourquoi, dans quel contexte, ? Me fais-je bien comprendre ? Quel sens que je donne à mon travail ? Chacun de mes actes est-il sous tendu par les valeurs de l’éducation nationale et du service public d’éducation si spécifique ? Ai-je le souci du service public ? Ai-je le souci de penser l’intérêt général ? Ai-je le souci d’être au service de la réussite personnelle, éducative, pédagogique de chacun des élèves dont j’ai la charge ? Quels sont mes projets ? Quelles sont mes valeurs personnelles fondamentales auxquelles je ne saurai jamais déroger ? Pourquoi j’ai choisi d’exercer ce métier ? Ce choix est-il libre ou s’est-il déterminé en fonction de besoins économiques ou autres ?
Etre soi-même consiste à ne pas se livrer à des effets de mode, mais à suivre ses traces tout en se confrontant à l’altérité. Il ne s’agit point de s’isoler, surtout pas, le CPE doit tout entreprendre pour fuir le risque de l’isolement dans lequel on peut tenter de le mettre ou qui peut lui sembler, à lui aussi, confortable. Bien au contraire ! Rester soi-même vise à dire les choses, à faire valoir ses idées, à éviter la démagogie pour plaire. Lorsqu’il s’agit de défendre des valeurs porteuses et l’éthique fondamentale, il faut oser.
Oser dire, oser faire, oser agir. Oser sans renier, sans nier les autres, oser tout en écoutant, tout en pensant, tout en agissant avec et aux côtés des autres. Mais oser sans s’oublier soi-même, ce qui fait que vous êtes ce que vous êtes avec vos qualités, vos faiblesses, votre « foi » et vos limites.
Il faut oser se faire entendre, même au risque de paraître difficile, même au risque de passer pour l’empêcheur de tourner en rond, même au risque de déplaire, même au risque de ne pas être moderniste, de ne pas être dans le coup. Même au risque de passer pour un intelligent ou un psychologiquement fragile ou pour un psycho rigide. Des coups bas, des contorsions, de la concurrence, il y en aura, vous en ferez l’objet, d’où la nécessité de savoir où l’on va, pourquoi l’on va, avec qui, etc.
Il faut oser tout en ayant le sens de la rigueur et appliquer le discours de la méthode.
Il ne faut pas se crisper face à cet exercice, face aux difficultés, et tout en demeurant flexible, ouvert, sensible, il faut accomplir ses tâches, sa fonction tout en soutenant sa propre vision, sans pourtant voguer dans l’aveuglement. Pour exercer la place de pivot, d’interface dont est jaloux tout CPE –même si cet argument de pivot peut être discutable et remis en cause tant l’ établissement scolaire fonctionne avec des rouages complexes- il doit être au cœur de l’action mais ce n’est pas qu’un homme d’action.
Le CPE pense, réfléchit, prend du temps, observe de la distance, acte sa réflexion, confronte au pragmatisme ses propositions mais doit aussi prendre le risque d’anticiper, de dépasser le pragmatisme, de faire évoluer les réalités présentes ou actuelles.
Le CPE, pour avoir cette place de force de propositions, conseiller technique du chef d’établissement, conseiller principal ou expert en éducation pour les élèves et les parents, ne doit pas se contenter de faire, il ne doit pas affectionner les intrigues, il ne doit pas chercher à panser , il doit tout en s’attachant de ce que pensent, de ce que disent et de ce que souhaitent les uns et les autres, se positionner, afficher une claire et précise posture, il doit mettre une certaine intensité à son implication .Il doit penser et agir dans la clarté et dans la transparence (voire dans la « lumière ou luminosité).
Cet exercice et cette volonté de liberté, de rester soi-même , d’agir en conformité aux valeurs du service public d’éducation et des siennes (qui peuvent quelques fois se contredire, s’opposer ou se questionner….) doivent être lancinantes, obsédantes mêmes, pour que le CPE incarne l’exigence intellectuelle, l’exigence de l’action qui vise l’intérêt général.
Sans être rigide, fermé, le nouveau ou confirmé CPE aura à cœur de combattre les démons de popularité, de la sinistrose, il écartera aussi bien dans sa gestion de l’équipe vie scolaire, dans son rôle de conseiller technique, dans son expertise au quotidien, toutes les velléités de capitulation. Il veillera à associer sans chercher à récupérer, à se mettre à distance des conflits d’intérêts particuliers, il se désintéressera de la volonté de se transformer ou de se laisser transformé en petit chef, il aura le souci de penser que chacune de ses actions s’applique sur du matériau humain, et en tant que tel, l’homme, élèves ou adultes, reste faillible, pervers, piégeur, facétieux, fallacieux, fragile mais aussi perfectible.
Le CPE doit croire au changement : à son propre changement dans l’expérience de l’exercice de son métier, mais aussi au changement de chacun de nous. Cette capacité de changement, d’évolutions positives est intimement liées aux valeurs de l’humanisme. Et le CPE est un humaniste !
Le CPE doit garder devant lui, et son indépendance d’esprit, d’action, ne doit être reniée sous aucun prétexte, il doit rester jaloux de sa liberté d’homme, d’humaniste. Il lui faut croire en lui pour croire dans ses collègues et dans l’institution. IL lui faut croire dans ses collègues et dans l’institution pour croire en lui. L’école, ciment social, lien intergénérationnel, passeur d’héritages culturels, l’école lieu d’instruction, de formation mais de libre arbitre, il la façonne avec les autres. Il ne peut pas aider à façonner le libre arbitre s’il n’est nullement dépositaire du sien.
Finalement, la volonté de s’abstenir de conseils se transforme en conseils : rester soi-même et penser son métier. Mais c’est un conseil inhabituel par rapport aux conseils pratiques attendus et que vous pouvez retrouver dans le guide de rentrée de l’année dernière ou ailleurs.
Excellente rentrée et année scolaires à toutes et à tous !
Gardy BERTILI