Jacques Nimier : les facteurs Humains dans l’enseignement
Quand on arrive sur le site de Jacques Nimier on a une impression étrange de dépaysement. Ca tient sans doute aux couleurs, aux nombreuses illustrations. Certainement à l’ordre tout personnel qui habite le site : des liens très nombreux, qui sont autant de questions » dérangeantes » : » instruire ou éduquer ? « , » la motivation ? « , » l’autre ? « , » comment réagir devant l’angoisse des jeunes ? « . Toutes ces questions résonnent dans la tête d’un enseignant. Finalement on comprend que ce site extraordinairement riche et enrichissant reflète une expérience et une personnalité profondément humaines. Le site de Jacques Nimier traite des facteurs humains dans l’enseignement.
– Comment vous présenter Jacques Nimier ?
– Quelqu’un qui a passé sa vie à travailler dans la formation d’enseignants : comme animateur d’I.R.E.M., comme formateur de M.A.F.P.E.N, comme Directeur adjoint d’un I.U.F.M., comme auteur de livre (La formation psychologique des enseignants) comme intervenant pour des formations d’enseignants dans divers pays (Portugal, Tunisie, Suisse, Luxembourg…) et qui, une fois à la retraite, a trouvé qu’Internet pouvait être un moyen de continuer à partager son expérience de façon adaptée (assis sur une chaise et à son rythme !) avec ceux qui en avaient envie.
– Que propose votre site ?
– Une occasion de réfléchir aux questions psychopédagogiques qui posent souvent problème actuellement : la violence de certains jeunes, la difficulté de » motiver » les élèves, le danger des sectes, le stress des enseignants et des élèves, les T.P.E., les maths, etc. Il offre des services : exercices de formation, livres présentés par thèmes, sites, échanges…
– Peut-on former les enseignants à l’écoute de leurs élèves par Internet ?
– Non bien sûr ! Mais on peut permettre aux personnes formées de conceptualiser certaines pratiques, certaines expériences et leur faire découvrir de nouvelles pistes. Pour les autres, le site peut donner envie de se former en montrant que l’écoute n’est pas si simple qu’on le pense au premier abord et qu’elle est fondamentale pour un enseignant actuel. Qu’il est possible de progresser dans ce domaine comme dans les autres.
– Comment l’école pourrait-elle se centrer davantage sur les élèves, les
apprentissages et l’écoute ?
– En permettant aux enseignants eux même de trouver des lieux où ils seront écoutés, entendus, et reconnus pour des personnes. Après ils pourront en faire autant dans leur classe. Les » groupe d’analyse des pratiques » pourraient être l’amorce de ces lieux s’ils sont animés par des personnes compétentes dans ce genre d’animation.
– Les dernières réformes ont institutionnalisé les espaces de dialogue avec les jeunes avec la mise en place de l’ECJS. Elles ont mis l’accent sur les apprentissages personnalisés avec les T.P.E. Cette approche institutionnelle est-elle la plus efficace ?
– Ce n’est pas un problème d’efficacité qui se pose en premier. C’est une question d’adaptation à l’évolution des savoirs qui ne sont plus morcelés comme dans le passé mais qui sont en interaction continuelle. Ensuite l’efficacité dépendra de l’adaptation des enseignants à cette nouvelle présentation des savoirs. Il faudra sans doute un certain temps, mais le changement est indispensable.
– Finalement vous êtes optimiste sur l’évolution de l’école ?
– C’est peut-être beaucoup dire ! Mais je refuse la vision d’un grand méchant loup qui anime des complots contre les profs ou contre les élèves ou contre les parents, la vision d’un état tout-puissant qui pourrait provoquer le grand soir de la révolution de l’enseignement ou la vision d’une corporation d’enseignants attardés et cramponnés à leurs avantages, leurs privilèges et qui refusent tout changement. La vision que j’ai c’est celle d’ « un système » qui n’est soumis à personne sinon à ses lois d’homéostasie, d’évolution et d’interactions avec d’autres systèmes.
Aussi ne suis-je pas étonné qu’il faille du temps pour faire évoluer quoi
que ce soit. Du reste souvent on râle parce que les choses ne bougent pas
assez vite et quand il s’agit de soi on sait bien qu’on n’a pas envie de
changer ou en tout cas on réclame du temps!
En 1967 je dérangeais les tables de ma classe de maths pour faire travailler
les élèves de terminale C en groupe et c’était une quasi révolution. Maintenant on institue les T.P.E. et le travail en groupe. En 1976 je faisais paraître un livre « Mathématique et Affectivité » sous les quolibets de certains. Ce matin à France Inter il y avait une heure d’émission sur le « vécu affectif des maths ».
En 1991 je lançais les groupes de suivi et d’analyse de la pratique à l’I.U.F.M. de Reims avec la révolte des étudiants et le scepticisme de mon Directeur et maintenant ceci est repris dans les textes officiels de la réforme des I.U.F.M.
Alors ? Il suffit d’attendre ! Bien sûr c’est important de lancer des idées
mais il faut savoir qu’il faut du temps. Tout ce qui touche la personne
demande du temps, contrairement aux découvertes techniques qui peuvent aller
très vite!
Jacques Nimier
Jacques.nimier@wanadoo.fr
http://perso.wanadoo.fr/jacques.nimier