L’une des priorités du système éducatif est de porter une plus grande attention au suivi des élèves en difficulté. A l’heure où de nombreuses réponses pédagogiques sont proposées dans ce domaine, il est intéressant de se demander comment les documentalistes peuvent accompagner les élèves vers la réussite scolaire.
Christine Dobrowolski, professeur documentaliste au collège Saint-Exupéry (académie d’Amiens) a monté un projet de concours de lecture en ce sens, avec des élèves de 6e en difficulté scolaire, et une classe de double niveau (CM1-CM2). Pour mener à bien ce projet de liaison école-collège, elle s’est fortement appuyée sur l’ENT de son établissement, afin de développer l’autonomie et l’esprit d’initiative des élèves (piliers 6 et 7 du socle commun). Elle a partagé son expérience lors de son intervention au cours des 6e rencontres SavoirsCDI.
Dans l’entretien proposé, elle va plus loin, en nous expliquant les avantages et les limites de l’utilisation de l’ENT dans un projet avec des élèves. Elle a su utiliser d’autres outils, et mener diverses actions au sein de son établissement, toujours portée par l’idée d’amener les élèves à une plus grande autonomie.
Dans quelles circonstances est né le projet de concours de lecture à l’origine de votre intervention aux 6e rencontres SavoirsCDI?
Nous avons participé à un prix Littéraire né sous l’impulsion de Jérome Prévost, professeur documentaliste du CDDP de l’Oise. Ce prix a pour objectif de favoriser la lecture des élèves les plus fragiles, et de valoriser la liaison et la collaboration pédagogique entre le CM1-CM2 du primaire (=CM ci-après) et la 6ème, de faciliter les passerelles entre le primaire et le collège. Chaque année, 12 équipes pédagogiques (CM/6e) sont sélectionnées sur projet pour participer à ce prix. Les ouvrages sont financés par le Conseil Général.
Ce prix consiste à lire 5 albums (sélectionnés par des professionnels de la littérature de jeunesse) de septembre à mai, puis de sélectionner par vote un livre. Les votes de chaque équipe participante sont rassemblés fin mai et désignent le vainqueur de l’année. Chaque équipe pédagogique choisit les modalités de lecture et d’étude des livres.
Dans notre établissement, nous avons choisi de consacrer une heure par semaine (d’octobre à fin avril) au projet (lecture et étude des ouvrages). Le travail est collaboratif entre enseignants de CM et du collège. Chaque élève de CM ou de 6ème travaille sur les mêmes documents de préparation : les élèves de CM viennent dans l’établissement travailler avec la classe de 6ème durant trois heures, et une sortie commune est réalisée en fin d’année.
Comment l’ENT a-t-il été intégré dans ce projet? Qui l’utilise et comment? Dans quels buts?
La position géographique de notre collège et son partenaire de primaire (école de Tourly) placé en zone rurale très dispersée, excentré dans le département et dans l’académie ne favorise pas le partenariat. C’est pourquoi l’ENT (espace numérique de travail), a été très rapidement intégré au projet : nous souhaitions multiplier les échanges, et les partages de documents entre les élèves. Or le coût du transport engendré par une simple distance de 5 km ne permettait pas d’échanges réguliers. D’autre part, l’ENT déjà bien implanté et bien utilisé par les enseignants du projet est apparu comme un outil pédagogique fort utile et évident, notamment la partie concernant le groupe de travail et les forums de discussion. Cela offrait de nombreuses possibilités, cela permettait également aux élèves de CM de mieux appréhender le collège et son fonctionnement. Pour les élèves de 6ème un tutorat s’installait avec les futurs 6èmes.
L’ouverture de notre ENT à la classe de primaire donnait ainsi la possibilité de partager les documents réalisés en classe : (écrits, dessins) et de multiplier les échanges entre élèves.
Avez vous rencontré des difficultés liées à l’utilisation de l’ENT par les élèves ou autres personnes impliquées dans le concours? Lesquelles? Comment les avez-vous surmontées?
L’ENT est par définition un Espace de travail fermé réservé à une communauté choisie (ici tous les membres du collège). Il n’a pas été conçu pour s’ouvrir à l’extérieur. Néanmoins la technique était simple : le Conseil Général de l’Oise concepteur et responsable de l’ENT pouvait ouvrir cet espace à des personnes bien définies. Avec son accord, le professeur de lettres engagé dans le projet, également référent TICE du collège, a pu créer un compte classe destiné aux élèves de CM et de son enseignant. Nous avons choisi de créer un seul compte et non pas un compte par élève de CM. C’était plus pratique.
Dernière difficulté : former l’enseignant (professeur des écoles) à l’ENT et ses élèves.
Très rapidement, a émergé l’idée de former la professeur des écoles par notre référent TICE ; et les élèves de CM par nos élèves engagés dans le projet. La formation des élèves de 6èmes était déjà effective, réalisée début septembre par moi-même dans le cadre de la formation méthodologique des élèves entrant au collège, et des professeurs principaux. Nous avons utilisé le TBI nomade pour un meilleur apprentissage.
La première visite des CM du projet en janvier fut en partie consacrée à la formation des CM par les 6èmes (découverte du rôle d’un groupe de travail et forums de discussion crées par les élèves de 6èmes autour des livres). L’autre partie de la rencontre fut consacrée à la découverte du collège et des activités plus traditionnelles : étude des livres au CDI et de recherches documentaires sur les auteurs des prix des Jeunes Lecteurs.
En quoi l’ENT a-t-il permis de développer l’autonomie des élèves dans le cadre de ce projet de concours de lecture?
L’ENT est un outil disponible au collège mais aussi à la maison : là réside en partie les clés de l’autonomie d’un élève pour ce projet. Au CDI les élèves pouvaient régulièrement enrichir le forum de discussion en autonomie sans autorisation préalable, ils pouvaient faire de même à la maison.
Mais c’est seulement durant les heures consacrées au projet que les enseignants (ma collègue professeur de lettres et moi-même) autorisaient, après correction, la publication et le partage des documents réalisés en classe ou au CDI. Il y avait donc partage des tâches, autonomie dans les forums, supervision pour la publication des documents.
Mais rapidement nous avons constaté que les publications d’échanges dans les forums de discussion présentaient une certaine fragilité : pauvreté des échanges peu d’argumentation, phrases répétitives de peu d’intérêt (« j’aime bien, moi aussi j’ai bien aimé. »…), l’alimentation des sujets de conversation devait être relancée, la qualité des écrits nécessitait l’intervention régulière des enseignants, il fallait en plus corriger la masse de fautes d’orthographe !
Une constatation s’imposait : l’autonomie des 6ème reposait avant tout sur la motivation et leur implication dans le projet. L’outil ENT motive fortement les élèves au début du projet, mais seuls les élèves les plus motivés et les moins en difficulté se sont véritablement appropriés l’espace de travail.
Quelles sont les suites de ce projet, et les exploitations futures de l’ENT que vous envisagez avec les élèves?
Il est évident que nous avons souhaité reconduire le projet et même de l’élargir à de nouvelles classes de 6èmes et de CM. Une seconde professeur de lettres est intégrée cette année au dispositif, ainsi qu’une autre classe de CM du secteur située là encore à 7km du collège dans une autre commune rurale. L’expérience passée d’ouverture de l’ENT à d’autres établissements est un point fort du projet. Il n’est pas le seul, mais cette expérience de partenariat et d’ouverture de l’ENT apparaît pour nous comme indispensable et favorisant une certaine autonomie : cette autonomie est progressive et plus rapide pour certains. Grâce à cette expérience j’utilise plus souvent l’option groupe de travail dans l’ENT, et des forums de discussion. Cependant, forts de l’expérience passée, nous connaissons mieux les limites de cet outil d’échange : il doit être ponctuel et surtout constamment supervisé par les enseignants pour rester un outil d’échange et de partage de qualité, un outil supplémentaire pour l’acquisition progressive de l’autonomie dans le collège et la maison.
Participez-vous à d’autres projets, qui permettent de développer l’autonomie et l’esprit d’initiative des élèves? Avez-vous monté des projets liés à l’éducation aux médias par exemple?
J’ai la chance de mener de nombreux projets pédagogiques où l’autonomie, la formation à l’autonomie et la responsabilisation des élèves dans le collège ont une place centrale : j’ai participé à la création d’un projet de citoyenneté de formation des élèves à la sensibilisation de la violence scolaire « La formation par les Pairs » autour des conflits entre élèves. Ce projet perdure depuis plus de 7 ans dans notre collège, nous avons formé une soixantaine d’élèves médiateurs, et cette année, près de 15 élèves-médiateurs sont actifs dans notre établissement.
Le projet Médiation par les pairs consiste à former les élèves à intervenir et résoudre des petits conflits en cour de récréation, à aider les élèves en conflit sans l’aide d’un adulte. Il est basé autour d’animations pour proposer des outils de communication pour une meilleure relation entre élèves. Les capacités développées sont : l’écoute, la connaissance de soi et des autres, l’expression des sentiments et des émotions, la connaissance de ses besoins. Il s’agit d’aider les enfants à réfléchir sur ce qu’est un conflit, et leur montrer qu’il existe d’autres alternatives à la violence physique et verbale.
Je suis également à l’initiative d’un projet plus classique de création de radio scolaire : ce projet n’est qu’à ses débuts, mais je souhaite le porter sur plusieurs années. Il repose essentiellement sur la création de reportages podcastés par les élèves sur des projets réalisés par les élèves et les enseignants. La finalité est de valoriser les actions menées dans le collège car certains projets sont parfois méconnus.
Propos recueillis par Géraldine SALA
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