Par François Jarraud
Quel projet éducatif pour le candidat François Hollande ? En visite à Pierrefitte (93), vendredi 13 janvier, le candidat socialiste a choisi les thèmes de la violence scolaire et du décrochage pour aborder cette question. Il parle de sécurité, de fermeté et d’éducabilité. Un discours qui peut rassembler sur un projet d’école à la fois enseignants et parents.
« Notre responsabilité, notre devoir par rapport aux enseignants, aux élèves, aux parents c’est d’assurer non seulement une sécurité mais de faire en sorte que ceux qui ont des comportements qui peuvent les conduire a des actes graves puissent être accompagnés et parfois écartés de l’établissement pour mieux y revenir ». François Hollande promet aux enseignants et aux parents de rétablir la sécurité à l’école en maniant à la fois la punition et la rééducation. Avec un objectif : lutter contre le décrochage, ne pas tolérer les sorties sans qualification.
La visite de François Hollande à Pierrefitte (93) commence dans les locaux de l’association AFPAD (Association pour la Formation, la Prévention et l’Accès au Droit). Il écoute longuement les responsables de l’association, d’anciens élèves exclus de leur collège et accueillis par l’AFPAD, des élus locaux, des parents et des cadres de l’éducation nationale. Il pose des questions, s’intéresse et plaisante. L’AFPAD fait de la médiation. Elle accueille les élèves exclus d’un des collèges de la ville et les remet sur les rails. Mais elle ne le fait pas seule. L’AFPAD est présente dans le collège et c’est là aussi que les élèves exclus viennent tous les matins de leur temps d’exclusion travailler. Cette formule du « fil continu » ne va pas de soi. Pour les enseignants, comment prendre le risque de croiser dans la cour un élève qui a été exclu après un incident grave ? L’AFPAD a des solutions techniques (en l’occurrence des horaires décalés) mais surtout humaines. L’AFPAD réunit les parents et les aide à faire face à la situation et à entrer dans l’école. Elle fait un gros travail avec les élèves pour que la sanction soit comprise et que le jeune dépasse son ressentiment. Pendant toute la durée de l’exclusion il continue à faire du travail scolaire donné par les enseignants. Il peut encore être suivi plus tard grâce à d’autres activités de l’association comme un atelier théâtre fort prisé. L’association a aussi tissé de vrais liens avec les enseignants, qui animent des ateliers AFPAD. Elle est soutenue par la ville de Pierrefitte et le département de Seine-Saint-Denis, par exemple pour des crédits de voyage qui sont vécus par les jeunes comme un signe de confiance. C’est tout ce travail qui permet à l’AFPAD d’afficher de bons résultats. Un CPE, un chef d’établissement étaient là pour en témoigner et parler aussi de leur étonnement quand, arrivant à Pierrefitte, ils ont trouvé ce dispositif. Les exclusions et les conseils de discipline sont en baisse et seules les guerres entre cités semblent limiter l’influence positive de l’AFPAD. Mais les plus beaux résultats étaient portés par les élèves passés par l’AFPAD. Autour de la table tous étaient maintenant en lycée avec des formations en série S avec de vrais projets.
Sarkozy a aggravé l’insécurité dans les établissements. Puis devant les élus et ses partisans, à la mairie de Pierrefitte, le ton change. » Il y a eu une politique qui a conduit a relâcher l’effort. Les 70 000 suppressions de postes de ces 5 dernières années ont forcement eu des conséquences sur l’encadrement, sur la surveillance ». F Hollande dénonce « la division par deux du nombre de surveillants depuis 2004 ». Il évoque la suppression de la formation initiale des enseignants. De ce fait, « pour beaucoup de personnels de l’éducation il n’est pas simple de régler des questions aussi lourdes ». Enfin il critique aussi « la disparition de la carte scolaire qui fait qu’on a concentré dans les mêmes lieux les mêmes problèmes. Comment s’étonner que cela ait des conséquences fâcheuses ? » Pour lui, « la violence à l’école augmente et s’intensifie. En deux ans le nombre d’incidents graves dans les établissements a progressé de 20% ». Les chiffres ministériels de SIVIS donnent 10,5 incidents graves dans les EPLE en 2008-2009 pour 1000 élèves, 11,2 en 2009-2010 et 12,6 en 2010-2011. Mais dans quelle mesure les enregistrements du fichier ministériel SIVIS sont-ils fiables ?
Plus de décrochage. L’idée maîtresse de François Hollande c’est de ne pas rompre le fil éducatif tout en sécurisant les établissements et en sanctionnant. « Aucun élève ne doit être en rupture », dit-il. « Aucun ne doit être exclu pour qu’il puisse lui même se dire qu’en définitive c’est le système qui l’a mis de coté. Le rôle de l’Etat c’est de faire qu’aucun ne se sente exclu de l’éducation nationale. Il faudra agir pour la sécurisation des établissements. Ce qui compte c’est de mettre en place des moyens humains ». Il veut parallèlement lutter contre le décrochage. « C’est un gâchis formidable sur le plan financier et humain. On met des moyens pour que les élèves puissent être qualifiés et 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans qualification ! J’ai pris l’engagement qu’aucun jeune de 16 à 18 ans ne se trouvera sans solution ».
Six propositions. Pour cela F Hollande fait six propositions. La première c’est « augmenter le nombre d’adultes dans les établissements les plus difficiles ». Par adultes, il veut dire enseignants (« Comment imaginer une école avec toujours moins d’enseignants et toujours plus de savoir à transmettre ? »), mais aussi des personnels de la vie scolaire, de santé ou des assistantes sociales.
François Hollande veut aussi créer un nouveau métier. « Il y a un nouveau métier qu’il conviendra d’introduire dans nos établissements. C’est le métier chargé de la prévention et de la sécurité dans les établissements qui sera affecté de façon permanente dans les lieux où il y a le plus de difficultés. Nous aurons dans les établissements un personnel formé, en lien avec les équipes pédagogiques qui pourra prévenir les phénomènes de violence ». Vincent Peillon, chargé de l’éducation dans l’équipe de F. Hollande précisera qu’il s’agira de fonctionnaires et de personnels éducatifs et non de policiers.
« Il faudra revoir le mode d’affectation des personnels« . F. Hollande veut affecter des personnels expérimentés dans les établissements. On sait que le système actuel dirige les nouveaux enseignants vers ces postes. Luc Chatel a aussi mis en place une procédure d’affectation extraordinaire pour les établissements Eclair sans qu’il soit certain qu’elle puisse vraiment alimenter les établissements. Interrogée par le Café, l’équipe de F Hollande n’a pu indiquer par quel moyen elle changera les règles d’affectation. Probablement cela doit faire encore l’objet de négociations avec les syndicats.
Dans la formation initiale des enseignants, « qui sera rétablie » seront prévus des modules pour apprendre à gérer les conflits. Le travail en équipe entre enseignants mais aussi avec les autres acteurs (policiers, justice, associations, élus locaux, assistantes sociales etc.) sera favorisé. Mais là aussi rien de précis n’a filtré.
Généraliser des dispositifs comme l’AFPAD. » Ce que vous faites ici en Seine-Saint-Denis devra être généralisé », déclare F Hollande. « Pour le moment c’est le Conseil général qui le fait au titre des collèges mais nous avons aussi à le faire au titre des lycées » Ce sera une politique « où l’Etat, les collectivités locales, les associations agiront ensemble pour accompagner les jeunes ».
« J’ai pris l’engagement qu’aucun jeune de 16 à 18 ans ne se trouvera sans solution« . Pour lutter contre le décrochage, François Hollande promet que tout jeune sera accueilli dans « une formation qualifiante, par apprentissage ou professionnelle, ou mis dans un dispositif y compris avec le service civique ». Ou encore dans une école de la deuxième chance. François Hollande veut aussi « intégrer le travail personnel dans les établissements ». « Que l’accompagnement soit sur le lieu même de la transmission du savoir. Pour que les enfants des familles les plus pauvres soient suivies davantage que les autres ».
La prochaine étape du candidat en matière d’éducation c’est sa rencontre officielle avec les syndicats le 23 janvier. Ce sera peut-être le moment de mettre en avant face à N. Sarkozy un programme global pour l’Ecole et le métier enseignant. Pour, François Hollande, » la confiance est la condition indispensable pour le redressement ».
Luc Chatel a immédiatement réagi aux déclarations de F. Hollande. « François Hollande prouve aux Français qu’il n’a aucune idée personnelle sur l’éducation », a-t-il déclaré. Le ministre estime que lui-même a mis en place des mesures sur les sujets abordés par F Hollande comme l’affectation des personnels, la lutte contre l’insécurité, la prise en charge des élèves difficiles et les décrocheurs. Il rappelle notamment les Etats généraux de la sécurité à l’école, qui ont abouti à lancer une réflexion dans l’institution sur le harcèlement scolaire, des équipes mobiles intervenant dans les établissements et un programme de formation. Il a rappelé « les policiers référents » et déclaré que « chaque nouvel enseignant est désormais formé à la tenue de classe », une formation qui dure une ou deux journées juste avant la rentrée… Quant à Salima Saa, secrétaire nationale de l’UMP elle a déclaré : « on ne resoudra pas les questions d’échec scolaire et de suivi des jeunes en difficulté sans changer le système du collège unique… Attaquons nous au collège unique pour éviter que les élèves les plus fragiles ne soient oubliés jusqu’en fin de troisième. Quand il est déjà trop tard ». Elle rappelle ainsi la différence entre les deux projets socialistes et UMP. Pour l’UMP la solution aux élèves perturbateurs, faibles ou décrocheurs c’est la pré-orientation dès la 4ème vers des filières de relégation.
François Jarraud
Liens :
L’association APCIS dans le 93