Par François Jarraud
La lutte contre l’échec scolaire justifie-t-elle des « parcours différenciés » et la fin du collège unique ? C’est la question que pose l’existence des 4èmes et 3èmes agricoles. Leurs 31 500 élèves passaient totalement inaperçus jusqu’à ce que l’UMP mette à l’ordre du jour de la campagne présidentielle la disparition du collège unique et l’ONEA (Observatoire national de l’enseignement agricole) à l’ordre du jour d’un colloque, le 19 janvier, une étude sur leur efficacité.
Cela existe-t-il : des 4èmes et des 3èmes « agricoles » au pays du collège unique ? Les 4èmes et 3èmes « techniques » ont disparu depuis des années de l’éducation nationale. Elles survivent dans l’enseignement agricole où elles scolarisent à peu près 2% des élèves de 4ème et 3ème. En ouvrant le colloque, Henri Nallet, président de l’ONEA, rappelle le profil de ces classes : des effectifs réduits, des équipes pédagogiques très impliquées, habituées à la pluridisciplinarité, bien ancrées dans le territoire. Pour lui, « le collège unique peut ne pas être uniforme ».
L’ancien recteur André Legrand a rappelé que ces classes étaient vouées à disparaitre. Mais elles ont réussi à survivre à cause de leur rôle de remédiation. Il pose quand même la question de leur réussite. « Est-ce un échec ou une réussite le fait d’amener les élèves au niveau 5 de formation (soit un Cap ou bep) ? Pour lui, il est difficile d’espérer mieux pour ces élèves et l’expérience de leur parcours apporte des raisons d’espérer.
Pour Eric Charbonnier, direction de l’éducation de l’OCDE, justement l’échec scolaire est le problème majeur du système éducatif français. Les études PISA montrent que le pourcentage d’élèves en échec augmente : il est passé de 15 à 20% depuis 2000. Or d’autres pays ont su au contraire améliorer leur situation avec des politiques scolaires, comme en Allemagne, ou sociales, comme au Portugal. Un des problèmes majeurs de la France tient à la formation des enseignants, bonne sur le plan académique mais insuffisante sur le plan pédagogique. Globalement l’OCDE est hostile aux systèmes éducatifs à orientation précoce. Elle est favorable au collège unique mais pas forcément à vitesse unique.
Il faudrait donc que le collège unique sache s’adapter à des parcours différenciés. C’est ce que croit Roger François Gauthier, inspecteur général, qui voit dans le socle commun la souplesse et la force nécessaires à cette évolution.
Inspecteur de l’enseignement agricole, il revenait à Jean-Gabriel Poupelin de clore la table ronde avec une vive défense des 4èmes et 3èmes agricoles. »Les jeunes de ces classes sont en échec scolaire et ils ont besoin d’une orientation précoce », affirme-t-il. L’échec scolaire développe chez ces jeunes une image très négative d’eux -même. « Avant d’être pédagogiques, les problèmes de ces élèves sont éducatifs ». Il faut d’abord leur redonner confiance en eux-mêmes. Or les structures de l’enseignement agricole sont capables d’apporter les bonnes réponses : des enseignants très impliqués avec une pédagogie appropriée.
L’étude réalisée pour l’ONEA dresse un bilan contrasté. Positif sur la reconstruction de ces jeunes qui s’insèrent dans les établissements, renouent avec les adultes et avec l’école. Ces classes semblent donc parfaitement jouer un rôle réparateur. Mais le bilan scolaire final est très nuancés. Pour ceux qui sont entrés en 4me agricole, au bout de 4 ans,19% restent sans diplôme, 26% n’ont que le brevet, la moitié obtient un diplôme de niveau 5 (cap agricole ou bep agricole). Des résultats qui pourront être lus par certains comme justifiant l’élargissement la mise à mort du collège unique et par d’autres comme une aggravation des inégalités sociales et me déni de l’éducabilité. Dans le monde agricole come ailleurs quel avenir permet des formations de niveau 5 ?
François Jarraud
Voir aussi
Renouer avec l’école : les 4e et 3e de l’enseignement agricole, un exemple à la loupe