Par Jean-Louis Auduc
Pour Jean-Louis Auduc, le programme de François Hollande est une rupture mais aussi « qu’un début ». Il doit amorcer le débat nécessaire sur le métier d’enseignant et la formation, le rapport aux parents, les contenus et les programmes.
En rupture avec la « décennie des abandons » que nous venons de connaître, les propositions de F. Hollande concernant l’Education (5 propositions y sont consacrées sur les 60 propositions du candidat présentées le 26 janvier) rompent heureusement avec les suppressions de postes enregistrées ces dernières années.
Enfin est reconnu le fait que l’éducation n’est pas qu’un coût, mais qu’il s’agit d’un investissement, et très rentable, pour l’avenir. On est également heureux de voir notamment que le terme « pédagogique » n’est plus considéré par un politique comme un gros mot, que l’importance des filières technologiques et professionnelles qui ont , ô combien, contribué à accroître le nombre des bacheliers à 71% d’une classe d’âge et les titulaires d’un diplôme du supérieur à 50%, est reconnue, que la formation initiale des enseignants va être rétablie et que la scolarisation en maternelle à trois ans va à nouveau être un objectif de l’Etat.
Ces propositions marquent donc une rupture avec la politique actuellement suivie. Elles ne sont, pour moi, qu’un début, qu’un hors d’œuvre. Elles permettent que s’engage sereinement, le débat nécessaire à mener concernant la construction d’une école du XXIe siècle qui ne laisse personne de la maternelle à l’enseignement supérieur au bord du chemin, en construction des parcours diversifiés. Ce débat est indispensable, car la transformation de l’école est une nécessité ressentie par tous ses acteurs.
Trois débats m’apparaissent indispensables :
De quels enseignants avons-nous besoin et pour quel métier ? De quelles compétences l’école a-t-elle besoin pour jouer son rôle aujourd’hui et dans les années qui viennent ? Le métier enseignant a changé. L’hétérogénéité des classes s’est accentuée. Le système éducatif français a besoin de professionnels capables de transmettre et de prendre en compte la diversité des publics, de savoir organiser leur enseignement dans un environnement complexe : la diversité des publics d’élèves, la diversité des modèles éducatifs parentaux, les nouveaux moyens de communication, des devenirs professionnels en pleine évolution. La formation initiale doit être non seulement rétablie, mais les concours de recrutement doivent être profondément modifiés pour tenir compte des mutations nécessaires du métier enseignant. Les concours de recrutement d’enseignants doivent répondre à un triple défi :
– valider la connaissance des différents champs disciplinaires faisant partie des programmes d’enseignement ;
– déceler les qualités indispensables à l’exercice du métier enseignant
– commencer à travailler sur les compétences professionnelles nécessaires à l’enseignant.
Quels contenus, quels programmes d’enseignement, quelles organisations des différents niveaux et des parcours pour permettre à tous les élèves de comprendre le monde pour ne pas le subir ? Les contenus, l’organisation de notre système éducatif du XXIe siècle doit cesser de reposer sur la nostalgie d’une école qui sélectionnait et triait très tôt. Rappelons-nous qu’en 1975, juste avant la mise en place du collège unique, 40% d’une classe d’âge sortait du système éducatif qans aucune qualification. L’école du XXIe siècle ne se construira dans les vieux pots de l’école ségrégative des années 70.
Quelle place pour les familles et les élèves afin d’en faire de véritables acteurs du système éducatif ? La question de la construction de relations de confiance entre les parents et les enseignants est aujourd’hui une question centrale pour tous les établissements scolaires pour donner plus de sens à l’école. Toutes les recherches menées en France et à l’étranger montrent qu’un dialogue constant entre parents et enseignants, ce qui implique de ne pas « convoquer » les parents que lorsqu’il y a une difficulté », mais de les « inviter à venir parler de leur enfant », qu’une véritable coopération, les uns s’appuyant sur les autres, entre les familles et l’école, permet un meilleur apprentissage des jeunes et amplifie leur réussite.
Avec ces propositions, F. Hollande a semblé indiquer qu’il était prêt à ce débat et qu’il ne souhaitait pas en rester à un flou qui ne pourrait être que préjudiciable. Il faut mettre à l’ordre du jour la question du contenu de la professionnalisation du métier enseignant qui peut permettre de refonder un contrat clair entre la Nation et les enseignants, de redéfinir leurs missions et de conduire une vraie politique de recrutement, de formation des personnels, indispensable à mettre en œuvre dès la rentrée 2012.
Souhaitons que les semaines qui viennent permettent à ce débat nécessaire dans la campagne présidentielle de s’engager. C’est un enjeu indispensable pour l’avenir.
Jean-Louis Auduc