Par Jean-Louis Auduc
Pour Jean-Louis Auduc, ancien directeur d’un IUFM, le projet de loi Grosperrin n’attaque pas que les IUFM. Il prépare la privatisation de la formation des enseignants et dit adieu à toute formation professionnelle des enseignants.
Le gouvernement en choisissant en urgence de mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale le 8 février 2012 la proposition de loi du député UMP Grosperrin visant notamment à supprimer toute référence aux IUFM dans les différents textes existants, montre sa volonté d’éradiquer, d’effacer toute trace de l’existence d’une structure chargée de la formation initiale des enseignants. Le démantèlement de la structure IUFM avec la mise en place de la « mastérisation » sous sa forme actuelle et la suppression de l’année professionnalisante de stage en alternance n’avaient donc pas suffi !
Il est vrai qu’un certain nombre d’universités (hélas, pas toutes !) avait, pour donner du contenu et du sens à la mise en place de modules professionnalisants dans les masters notamment du premier degré, maintenu la structure IUFM tout en l’intégrant.
Cela est donc apparu inadmissible aux yeux du gouvernement actuel qui montre ainsi qu’il pense qu’enseigner n’est pas un métier et qu’on peut pour cette fonction recruter n’importe qui à Pôle Emploi, comme cela a été fait dans plusieurs académies. Il montre ainsi également quelle conception autoritaire, il a de l’autonomie des universités qui se voient refuser explicitement la possibilité de conserver une structure IUFM , regroupant un potentiel de formateurs intervenant dans les différents masters enseignement.
Il s’agit donc bien d’effacer toute trace de ce qui pourrait ressembler à la structuration d’un ensemble de personnels chargés de mettre en œuvre une formation professionnelle des enseignants. La finalité du projet de loi soumis à l’Assemblée le 8 février est donc claire : c’est la notion même de formation professionnalisante pour les enseignants qu’il s’agit d’éradiquer.
Mais le texte du projet de loi va plus loin.
Non content de rayer d’un trait de plus les IUFM, il enregistre le souhait de voir se mettre en place des structures concurrentes des universités publiques pour la préparation des masters enseignement…. La formule du projet de loi comporte, en effet, la rédaction suivante : « notamment par les universités » , ce qui juridiquement pourra permettre le développement de nombreuses structures privées pour préparer les « masters enseignement »…On sent ainsi la volonté gouvernementale de développer le secteur privé marchand dans le supérieur, un secteur qui concerne déjà en 2010 près de 18% des étudiants…
Le gouvernement en approuvant cette proposition de loi marque également sa volonté de contourner la décision du Conseil d’Etat du 28 novembre 2011 qui avait annulé le décret du 12 mai 2010 comportant notamment le référentiel des dix compétences composant le métier enseignant.
En ne reprenant pas explicitement ses dix compétences, le gouvernement marque non seulement son mépris des gestes professionnels composant l’exercice du métier enseignant, mais il fragilise également l’épreuve des concours de recrutement « Agir en fonctionnaire et de façon éthique et responsable » qui s’appuie sur la compétence 1 de ce référentiel. Mais, il y a peut-être là une certaine cohérence….
Est-ce vraiment de la part d’un gouvernement, une démarche éthique et responsable par rapport à l’avenir du pays que de refuser d’avoir des enseignants bien formés pour permettre un e meilleure réussite de tous les élèves ?
Jean-Louis Auduc