Réformées en profondeur par une circulaire en 2011, les procédures disciplinaires restent un problème pour l’Education nationale, révèle le rapport de la médiatrice de l’Education nationale, publié le 30 mai. Le nombre des conseils de discipline n’a pas baissé, celui des exclusions également. L’Education nationale a toujours du mal à recaser les exclus et fabrique ainsi elle-même des décrocheurs. La médiatrice propose la délocalisation des conseils. La question de l’ordre scolaire reste posée.
Revue en août 2011, la politique disciplinaire de l’Education nationale ne semble pas avoir atteint ses objectifs, si l’on en croit Monique Sassier, la médiatrice de l’Education nationale, qui fait de ce point un des trois sujets de son rapport annuel. « Dans un certain nombre d’établissements rien n’a changé », dit le rapport qui souligne que « des établissements ne se sont pas arrêtés aux nouvelles mesures proposées. La principale mesure de 2011 était la création de « mesures de responsabilisation » qui semblent largement sous-utilisées. Cette mesure avait déjà pour objectif de « remplacer une mesure d’exclusion temporaire ou définitive ». La circulaire de 2011 limitait les exclusions temporaires à 8 jours « de façon à ne pas compromettre la scolarité de l’élève ». Mais il semble que là aussi la pratique se soit arrangée avec cette limitation. Le texte n’était pas exempt d’ambiguïté puisqu’il introduisait une procédure disciplinaire « automatique » en cas de « violence verbale » à l’égard d’un membre du personnel. Le chef d’établissement est aussi « tenu de saisir le conseil de discipline lorsqu’un membre du personnel de l’établissement a été victime de violence physique ».
Deux ans plus tard, les statistiques fournies par le rapport montrent que le nombre de conseils de discipline et d’exclusions sont plutôt à la hausse. Deux tiers des passages en conseil de discipline aboutissent à une exclusion. Or l’éducation nationale a bien du mal à rescolariser les exclus. De plus, souvent la mesure s’accompagne d’une « double peine » : l’élève exclu ne peut faire son stage professionnel et ne remplit plus les conditions de l’examen par exemple. L’Education nationale alimente alors le décrochage scolaire alors qu’elle a mis dans ses priorités la lutte contre ce fléau.
Les mesures proposées par la médiatrice sont-elles à la hauteur des enjeux ? Elle souhaite que chaque académie dispose d’un dispositif d’accueil des exclus, à l’image de ce que certains conseils généraux ont mis en place pour les exclus des collèges (la Seine Saint-Denis par exemple). Mais la plupart des propositions ne visent qu’à réduire administrativement le nombre des exclusions sans affronter le problème des jeunes qui ne supportent plus l’école.
Ainsi la médiatrice se demande « s’il est bien opportun que le chef d’établissement soit à la fois instructeur, juge, avocat et procureur au conseil de discipline ». Le conseil pourrait être présidé par un chef d’un autre établissement. Pour être plus clair, quelqu’un qui n’aurait pas à affronter à la sortie du conseil les réactions des enseignants… La médiatrice propose également le « dépaysement » du conseil par exemple au niveau du bassin d’éducation. Elle souhaite aussi qu’il y ait une obligation de retrouver une place pour l’élève exclu. « S’il y avait une obligation à recaser l’élève il y aurait moins d’exclusion ». En lisant le rapport qui montre comment les services académiques échouent à recaser les élèves on se demande si renvoyer cette obligation à l’échelon local est bien réaliste.
La tentation du « débrouillez-vous » est toujours bien présente à l’éducation nationale. Débrouillez vous les élèves pour suivre des enseignements pas forcément choisis dans un contexte de rupture sociale et politique. Débrouillez vous les professeurs avec des élèves qui ne sont pas en situation d’entrer dans les apprentissages. La question de la discipline est-elle soluble au niveau du médiateur ?
François Jarraud