Des tableaux Excel aux cahiers de classe. C’est le chemin que les IPR vont devoir faire pour répondre aux demandes de Vincent Peillon. Le ministre de l’éducation nationale a réuni le 17 mai les IPR pour annoncer un « recentrage » de leurs missions vers la formation des enseignants. Le ministre va également les réintégrer dans la gouvernance académique et la construction des programmes. C’est à la fois la rupture avec ce que Chatel et même Allègre avaient fait et la revanche des inspecteurs.
En février, V Peillon avait réuni les 1400 inspecteurs de l’éducation nationale dans le grand amphithéâtre du Centre Assas (Paris II). Pour réunir les inspecteurs du second degré (IPR), le ministre a loué la Mutualité le 17 mai. Un millier d’IPR (1041 exactement), des recteurs, des inspecteurs généraux, s’entassent dans cette salle historique pour une « journée pas ordinaire » comme dit Vincent Peillon.
Recentrage sur la formation
« Il n’y aura de refondation que quand l’Ecole mettra en avant la pédagogie. Vous êtes au premier rang de celle-ci… Je sais comment une avalanche de tâches administratives vous inquiète. Ce temps est fini », annonce V. Peillon. « Vous n’êtes pas la cohorte d’un Léviathan administratif ». Le ministre veut libérer les inspecteurs des tâches bureaucratiques qui les tient enfermés dans leur bureau pour les utiliser sur le front de la pédagogie.
« Je souhaite que soyez impliqué dans les ESPE et la formation des enseignants. Vous devez vous imposer dans ces écoles ». Le ministre promet aux inspecteurs de les soutenir dans leur prise de pouvoir dans les ESPE, les futures écoles de formation des professeurs. Les inspecteurs devront aussi faire de la formation continue des enseignants. Déchargés, on ne sait comment, des tâches bureaucratiques, V Peillon veut que els IPR accompagnent les enseignants dans la mise en place des réformes à venir, celles du collège, du lycée et de la voie pro.
Redonner aux IPR leur place dans la gouvernance académique
D’Allègre à Luc Chatel la place des IPR dans la gouvernance du système n’a cessé de reculer. Allègre voulait abaisser l’Inspection générale et derrière eux les corps d’inspecteurs accusés d’immobiliser le mammouth. La confection des programmes leur a dès lors échappée jusqu’à passer dans des mains anonymes sous Darcos et Chatel. Luc Chatel est allé plus loin. Dans un décret de janvier 2012 il a réorganisé les services académiques en créant les DASEN et supprimant les doyens des IPR. Entre le recteur et les enseignants, il n’y a plus des inspecteurs d’académie et des corps d’inspection dialoguant directement avec le recteur. Mais des chefs de service donnant instruction aux inspecteurs. La réorganisation administrative se fait sur le modèle des autres administrations dans les départements. Elle efface les corps pédagogiques pour en faire des relais d’une administration.
Le 17 mai, Roger Keime, secrétaire général du SNIA IPR Unsa souligne que « dans la mesure où les textes en vigueur ne nous reconnaissent aucun rôle dans le pilotage en académie, le discours sur la priorité donnée au pédagogique ne se traduit pas encore dans les faits ». Une critique partagée par l’autre syndicat d’IPR, le SIA. En décembre 2012, après la démission de 4 IPR de l’académie de Rennes, Roger Prospérini, secrétaire général du SIA demandait « l’évolution du pilotage des académies (qui) doit être recentré sur le pédagogique… Il est indispensable que les IA IPR soient partie prenante des décisions ».
« Vous devez être dans la gouvernance académique », répond Vincent Peillon. « Des décisions seront prises », affirme-t-il. Un décret pourrait prochainement modifier le texte de 2012.
Un défi et des inquiétudes
Sur Twitter, des enseignants ont réagi négativement à ces annonces craignant d’avoir davantage les IPR sur le dos. D’autres jugent négativement la présence des IPR dans les ESPE. » L’intervention des IPR dans les IUFM a été une catastrophe, quelles que soient les disciplines concernées. Ils ont tout rigidifié et sclérosé. Les IPR, dans un très grand nombre de disciplines ont des conceptions de la pédagogie totalement conservatrices » affirme un enseignant. C’est aussi l’opinion des sénateurs qui présentent un amendement à la loi d’orientation visant à les envoyer en formation.
Si les syndicats d’inspecteurs sont intervenus pour affirmer qu’ils se reconnaissent dans ces responsabilités pédagogiques, cette capacité dans tous les domaines n’est pas assurée. Ainsi les rapports de l’Inspection générale sur la Corrèze et les Landes soulignent que les enseignants inspectés utilisent très rarement les TICE en présence de leur inspecteur même quand ils sont usagers quotidiens de ces technologies. Cela donne à penser que les enseignants sont persuadés que les IPR sont hostiles au numérique.
François Jarraud