Par Antoine Maurice
Ce mois-ci, le café a rencontré pour vous Fabrice Bruchon et Frank Sacco, professeurs d’EPS dans l’académie de Créteil et développeurs du PackEPS. Ils sont également webmestres du site EPS de Créteil, et fortement investis dans le GREID-EPS depuis une dizaine d’années. Ainsi, nous avons voulu en savoir un peu plus sur le PackEPS !
En quelques mots : pouvez-vous nous présenter le PackEPS ?
Aujourd’hui le PackEPS est une suite logicielle de 6 produits.
Le logiciel CollègeEPS : renseigné en collège par les équipes pédagogiques EPS.
Le logiciel LycéeEPS : renseigné en Lycée + voie Professionnelle (CFA…) par les équipes pédagogiques EPS.
Le logiciel BaseElèves qui est un petit module permettant de recréer rapidement la liste des élèves de l’établissement à partir d’excel ou de fichiers de texte (pour les établissements privés ne disposant pas de Sconet).
Le logiciel AcadémieEPS qui est utilisé par les IPR EPS, les Conseillers Techniques EPS, les services départementaux et/ou régionaux EPS. En fait, ce logiciel récupère toutes les informations saisies sur CollègeEPS / LycéeEPS et ainsi, offre des dizaines d’outils statistiques pour un aperçu en temps réel de l’Académie (données sur les emplois du temps, les pratiques d’AS, les programmations d’APSA, les validations de compétences en collège, les inspections, les vœux de stage PAF…). Ce logiciel permet donc le pilotage de la discipline (préparation de l’offre de stage PAF à N+1, organisation des inspections…)
Enfin, les logiciels CommissionEPS et CommissionProEPS s’occupent des notes aux examens d’EPS (CAP, BEP, Baccalauréat général et technologique, bac professionnel) qui sont saisis sur LycéeEPS, et transmises aux commissions d’harmonisation des notes. Grâce aux logiciels du PackEPS, ces commissions peuvent analyser toutes les données à travers divers filtres statistiques (comparaison filles / garçons, filtre par département, bassin…, tris par APSA, pas série d’examen, Graphes par nuage de points, comparaisons de graphes (Etablissement / académie…). Ces données statistiques permettent à la commission d’harmonisation de statuer sur les modifications éventuelles de notes à prendre en compte.
Le pack EPS c’est aussi une longue histoire ?
Effectivement depuis près de 15 ans l’académie de Créteil s’est penchée sur les outils informatiques pour le traitement des données de notre discipline. Tout a commencé par de simples fiches Excel qui servaient à la remontée et au traitement des notes d’examen en EPS.
Puis des logiciels plus performants ont pris la relève (WinExam, par Christian CLUZEL)
Enfin, lorsque nous avons pris la relève, nous nous sommes penchés dans un premier temps sur des outils qui traiteraient toute la partie administrative de l’EPS, et pas seulement la partie évaluation. Ces outils devaient permettre d’éviter les redondantes saisies papier qui étaient demandées chaque année à chaque équipe EPS.
Dans un deuxième temps depuis 3-4 ans, nous nous sommes attachés à développer un maximum d’outils permettant cette fois aux équipes de trouver un intérêt personnel à l’utilisation du PackEPS (qui jusque là ne servait « qu’aux autres »).
Tout au long de l’année le PackEPS propose donc des solutions permettant de faire gagner du temps non seulement au coordonnateur, mais aussi à chaque enseignant EPS (fiches d’appel automatisées, compatibilité avec des dizaines de fiches Excel préformatées (gestion de cross, évaluations cap / bac…), création de dossards, profil de classe…).
Au-delà de l’outil administratif, c’est maintenant également un outil pédagogique.
Quelles sont les nouveautés du pack 2010 ?
Cette année nous nous sommes penchés sur 2 dossiers essentiels :
L’exploitation des outils nomades (PocketPC, TabletPC, Eee-PC) à travers la création du « PocketPackEPS » : ce nouveau logiciel permet d’avoir en permanence le PackEPS sous la main, et donc de pouvoir faire les appels depuis les installations sportives, et de transmettre éventuellement directement la fiche d’appel par SMS ou mail à la vie scolaire.
La gestion des nouvelles exigences des textes collège, autour de la validation des compétences en niveau 1 et 2 : ces nouveaux textes imposent un suivi précis de chaque élève de la 6° à la 3°, dans chaque APSA. Seul un outil informatique permettra de gérer efficacement ce suivi. Nous avons donc développé unmodule dans CollègeEPS qui permet à chaque enseignant en fin de chaque cycle de valider en quelques secondes les niveaux atteints dans l’APSA. Les données sont stockées pendant toute la scolarité de l’élève.
Au-delà de ces nouveautés majeures, des dizaines d’autres outils permettent d’améliorer la gestion de l’EPS au quotidien (édition de documents, analyses statistiques, fiches compatibles Excel, interface avec l’UNSS…)
Pouvez vous nous présenter une des applications qui pour vous est révélatrice de l’utilité du Pack EPS ?
Le mieux est peut-être de décrire la journée type d’un TZR arrivant dans un établissement qu’il ne connaît pas, dont le collègue à remplacer n’a pas pu communiquer ses précédents cours de l’année, mais dont l’équipe EPS utilise le PackEPS :
La veille du premier cours, le TZR demande une sauvegarde du PackEPS au coordonnateur EPS, qui lui aura créé un compte professeur.
Il ouvre la page des emplois du temps : il connaît exactement l’emploi du temps du collègue qu’il remplace, avec les APSA et installations.
Il ouvre la page des installations : il accède alors à l’adresse de chaque installation sportive. Les boutons [Plan] et [itinéraire] lui affichent sur GoogleMaps les cartes de la ville, et l’itinéraire à suivre de l’établissement jusqu’à chaque installation.
Comme il ne connaît pas encore les élèves, il sélectionne chaque classe et demande une analyse du profil de classe : il sait alors par exemple que sur le cycle de lutte de la 4°4, 18 élèves ont déjà vécu 2 cycles en 6° et 5°, et 6 élèves ont déjà eu un cycle en 5°. Il note par ailleurs que 3 élèves font de la lutte en AS. Ces données lui permettent alors de prévoir un cycle de travail debout, où il pourra confier des responsabilités à 3 élèves qui maîtrisent l’activité. Pas besoin d’une évaluation diagnostique en repartant de zéro comme si chaque élève ne connaissait rien à la lutte.
Il édite alors ses listes d’élèves, les transfère éventuellement vers Excel où il a déjà des fiches préformatées d’évaluation en lutte.
Il transfère ses données sur son PocketPC : dès le premier cours, il peut faire l’appel, il a l’historique des oublis d’affaires, absences, punitions, etc… que son collègue avait déjà saisis dans le trimestre.
Le Mercredi, il doit emmener une équipe à une compétition d’AS : il a accès directement à la liste des licenciés de l’établissement, peut éditer un publipostage de convocation de chaque élève, éditer la liste des élèves dont il aura la responsabilité, avec leur n° de licence UNSS.
Par cet exemple, on voit que le collègue a économisé tout le temps d’habitude nécessaire pour rassembler les informations minimales lorsqu’on arrive en remplacement dans un établissement (emplois du temps, listes de classes…), mais surtout on notera qu’il est directement efficace sur le terrain avec ses élèves.
Quel est l’accueil de la part des collègues concernant le pack EPS ? Combien d’établissements fonctionnent avec ?
Nous n’avons pas de chiffres précis sur le nombre d’utilisateurs : dans chaque académie dans laquelle l’inspection pédagogique a diffusé le PackEPS (Créteil, Versailles, Besançon, Dijon, Guadeloupe, et dernièrement Nice), ce sont évidemment 100% des établissements (collège et/ou Lycée) qui utilisent le logiciel, puisque les documents papier classiques ne sont plus recevables.
Au-delà de ces utilisateurs, nous avons également eu des demandes individuelles d’équipes EPS de 11 autres académies. Comme il n’y a pas de retour demandé et que l’utilisation est 100% libre, dans ces académies nous ne savons pas si le Pack est utilisé par une seule équipe pour par des dizaines d’établissements.
Quant à l’accueil de l’outil, celui-ci a progressivement évolué au cours des années. Lorsque c’était un outil purement administratif de remontée d’infos, il n’y avait pas de réel enthousiasme, si ce n’est de la part de coordonnateurs qui optimisaient leur temps de traitement de l’information.
Aujourd’hui les réactions diffèrent en fonction des profils d’utilisateurs.
Dans les académies où le PackEPS est « imposé » par l’inspection, on observe généralement que les collègues qui ne maîtrisent pas du tout l’outil informatique ont du mal à « rentrer » dans le PackEPS, et n’y voient pas vraiment de gain de temps en retour. C’est le reproche classique qu’on entend : ces collègues trouvent qu’ils passent plus de temps à saisir le PackEPS, qu’ils ne le faisaient auparavant. Ils saisissent les données obligatoires en début d’année, puis ne retournent pas sur le PackEPS avant l’année suivante. Lorsque l’outil est consacré comme une contrainte administrative, c’est le coordonnateur qui est chargé de saisir l’intégralité des données de chaque collègue : dans ce cas la tâche est lourde, et comme les autres collègues n’utilisent pas l’outil, les gains en retour ne sont positifs que pour le coordonnateur s’il l’utilise ensuite au quotidien. En revanche, lorsque toute l’équipe EPS s’est penchée sur l’outil et en a analysé les fonctionnalités, l’accueil est tout autre : chacun traite sa partie personnelle (les informations minimales à saisir prennent en moyenne 15min à 45min par prof en début d’année), puis le PackEPS, installé sur une machine en salle EPS, est utilisé tout au long de l’année.
Dans les académies où le PackEPS n’est pas imposé par l’inspection, l’accueil est immédiatement positif, puisque dans ce cas les équipes qui décident d’utiliser le PackEPS partent d’une démarche volontaire, et cherchent les outils qui les intéressent directement.
Enfin il y a les utilisateurs spécifiques : les correspondants de districts chargés de proposer les stages PAF EPS pour l’année suivante, les Conseillers Techniques chargés de convoquer les collègues aux jurys des épreuves ponctuelles en fin d’année, les services UNSS, et surtout les commissions d’harmonisation aux épreuves d’EPS (CAP, BEP, Bac) : tous ces utilisateurs traitent en quelques minutes des données qu’ils mettaient jusque là des heures à rassembler avec la technique « papier-crayon »
Ca et là nous entendons également que ces logiciels seraient des outils de contrôle, de flicage. Il faut bien avoir conscience que nous avons juste changé l’outil : il a toujours été demandé aux équipes EPS de faire remonter leurs emplois du temps, leur programmation d’APSA, leur nombre de licenciés en AS. Avant on remplissait des feuilles A3 au crayon et à la gomme, maintenant on coche des cases au clavier et à la souris…
De plus le PackEPS reste un outil déclaratif : même si un enseignant ne fait en réalité qu’1h d’AS par semaine, il pourra toujours déclarer qu’il en fait 3h chaque mercredi.
La grosse différence est qu’auparavant toutes ces données étaient complètement inexploitables statistiquement, et que maintenant les outils de traitement du PackEPS permettent à l’Inspection Régionale de vraiment piloter la discipline (on voit que la lutte est traitée à 85% en niveau 1 en 6°-5°, mais seulement à 15 % en 4°-3° ? l’Inspection propose alors un plan de formation axé sur la « lutte debout, niveau 2 ».)
Pour la petite histoire : on se souvient, il y a 3 ans, que les forfaits d’AS ont été menacés, lorsque l’idée avait été avancée de ne pas octroyer de forfaits aux équipes qui n’auraient pas un nombre minima de licenciés. Le ministère s’était basé sur les données brutes remontées sur le serveur UNSS : 500 élèves, 50 licenciées, 5 profs = 10% de licences, 10 élèves par prof. Très insuffisant a priori, mais cela ne traduisait pas forcément la réalité du terrain : la plupart des équipes proposent des entraînements d’AS à d’autres créneaux que le simple mercredi, ce qui permet aux élèves d’avoir plusieurs entraînements dans la semaine avec plusieurs enseignants dans plusieurs APSA. L’inspection de Créteil, consciente de la vision tronquée qu’offraient les statistiques brutes, nous avait alors demandé de développer un module qui fasse ressortir les réalités du terrain. Notre module de cahier d’AS, basé sur les fiches d’appel en AS, permettait alors de repérer que même avec 50 licenciés et 5 profs, on pouvait avoir des effectifs de plus de 20 élèves par profs, lorsque les entraînements étaient étalés sur la semaine. Cette remontée grâce au PackEPS a complètement modifié la vision extérieure des AS, et montré au contraire le dynamisme des équipes qui avaient trouvé des solutions.
On connaît les difficultés d’intégrer les TICE à l’école et encore plus en EPS, comment ressentez-vous cela ? Y a-t-il eu une évolution ?
Vous parlez de difficultés d’intégration… il n’est absolument pas « difficile » d’intégrer les TICE dans un enseignement, dès lors que l’enseignant est formé et qu’il dispose des outils et ressources pour le faire. La formation des enseignants sur ces outils qui restent nouveaux pour une bonne partie d’entre eux a été (et reste) à mon avis la grande faille de l’approche des TICE dans le système éducatif. C’est en ce sens que je n’aurais pas classé les priorités du rapport Fourgous dans cet ordre : il propose en 1 d’équiper tous les établissements, en 2 de former les enseignants, et en 3 de créer des outils pour utiliser le matériel. Pour moi, tant que les enseignants ne sont pas formés et que les outils n’existent pas (logiciels…), il ne sert à rien d’investir dans des millions d’euros d’équipements. On sait qu’il existe de nombreux établissements suréquipés en T.N.I, vidéoprojecteurs, ordinateurs portables, caméras numériques… qui prennent la poussière parce que les équipes pédagogiques n’ont pas reçu la moindre formation à l’utilisation PEDAGOGIQUE de ces outils. Tout au mieux une formation technique, mais un usage efficace des TICE demande bien plus qu’une simple connaissance technique de l’outil.
Aujourd’hui les outils techniques sont optimisés et accessibles financièrement (caméras numériques, ordinateurs ultralégers / puissants / autonomes, vidéoprojecteurs miniaturisés, PDA communiquants…), des communautés d’enseignants ont créé et mutualisé des centaines de ressources pédagogiques faciles d’accès (feuilles de calcul, logiciels (PC/PDADurée, PC/PDATestVMA…)). Il reste juste aux enseignants à s’approprier ces outils et ressources… donc à être formés ou à s’autoformer.
Dès lors, pour cette communauté d’enseignants qui a pris le temps de se former, ou eu la chance d’être formée, mieux qu’une évolution, je crois qu’on assiste à une véritable « révolution copernicienne » autour des TICE :
Le schéma de réflexion des collègues passe progressivement de : « J’ai une caméra vidéo, j’ai un cours de gymnastique programmé, je fais mon cours comme d’habitude, mais je prends 5 minutes pour tenter de réussir à filmer quelques élèves (mais je ne sais pas à quoi ça peut bien me servir), pour pouvoir dire « j’ai fait des TICE ».
à : « J’ai un cours de gymnastique programmé, je veux optimiser l’apprentissage des élèves grâce à des feedback instantanés permettant une régulation en temps réel, j’exploite donc la vidéo et l’ordinateur portable, et je restructure complètement mon cours autour de ces retours d’informations et régulations immédiates. »
Dans cette (r)évolution, l’outil TICE devient le moyen de la pédagogie, et non-plus l’objet de la pédagogie. Tant que cette transition n’est pas faite, les TICE restent une contrainte pour tous.
Les différents liens
Présentation du pack eps
http://eps.ac-creteil.fr/spip.php?article448
Le site du PackEPS, qui présente des dizaines de didacticiels et démonstrations vidéo sur chaque fonctionnalité des logiciels.
http://eps.ac-creteil.fr/packeps/
Un forum spécifique existe également