« La formation des élites est un domaine d’investigation à la fois central et polémique. Central parce que la fabrication scolaire de ce groupe social est un élément structurant des dynamiques économiques, sociales et politiques. Polémique car en France en particulier, il n’existe pas de consensus sur le rôle social des élites ni, par conséquent, sur les principes de leur sélection et de leur formation ». En présentant ce nouveau numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres (CIEP), Brigitte Darchy-Koechlin et Agnès van Zanten montrent l’intérêt d’une démarche comparative pour un sujet aussi brûlant. D’autant que « les limites de la méritocratie ont été mises en évidence par des études montrant la forte liaison entre l’appartenance sociale et la réussite scolaire d’une part, et entre l’appartenance sociale et l’accès aux positions les plus convoitées, à niveau de réussite comparable, d’autre part ». Cela alimente un vif débat sur l’évaluation, la sélection et la « discrimination positive ».
La revue étudie les procédés de sélection des élites dans une dizaine de pays : Etats-Unis, Japon, Brésil, Portugal, pays du Maghreb, Hongrie post-communiste. Et bien sûr la France marquée par un système qui sélectionne tôt et pour la vie et dont les filières sont contrôlées par les classes aisées. Il revient à Nathalie Mons de chercher les systèmes les plus performants dans la fabrication des élites scolaires. Pour elle, « il semble que seules certaines stratégies (sont) payantes. Ainsi la constitution de classes de niveau souples et non rigides, l’autonomie scolaire et non la décentralisation politique, les cours d’approfondissements pour les élèves « doués » s’ils se conjuguent avec des actions de remédiation et de tutorat destinés à tous les élèves, semblent constituer des cadres favorables au développement des élites scolaires. A l’opposé les politiques de libre choix dans le public, la création d’une nouvelle concurrence grâce au privé subventionné et l’organisation de filières d’enseignement hiérarchisées ne sont pas apparues comme des contextes positifs ». Il est à noter que les systèmes éducatifs qui visent à former une élite scolaire large sont plus efficaces : moins on sélectionne plus il y a d’élites.
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