Christine, Jean, Frédéric et tous les autres. Le 3 octobre des rassemblements, des grèves, ont lieu dans 55 départements pour dire sa solidarité avec ces enseignants qui sont morts des souffrances de l’école. Une mobilisation qui semble d’autant plus nécessaire que l’éducation nationale compte utiliser le suicide de C Renon pour faire passer ses projets et a déjà programmé la suppression des organes permettant aux enseignants de saisir l’institution.
« Ce nouveau drame met une fois de plus en évidence la dégradation des conditions de travail dans l’éducation nationale. Les réformes successives mises en œuvre, malgré l’opposition quasi unanime du corps enseignant, la désorganisation permanente, les nouvelles formes de gestion, nées du New Management, ont des effets dramatiques sur les personnels. Les collègues disent avoir l’impression de ne plus pouvoir faire leur travail correctement et ils se sentent abandonnés par l’institution. La souffrance advient lorsqu’on ne parvient plus à donner du sens à notre mission pédagogique ». Ces mots du Snes Fsu concernent un nouveau cas de suicide. Frédéric Boulé, un professeur de SVT de Valbonne (06), s’est donné la mort fin septembre.
Ce sont les mêmes mots qui ont accompagné le décès de Christine Renon avec la fatigue générée par la masse de travail exigée d’une directrice à qui on a supprimé toute aide administrative. Frédéric et Christine ne sont pas seuls. Des enseignants rappellent Jean Willot, décédé en mars 2019, Jean Pascal, en juin, ou encore cette professeure des écoles qui a fait une tentative en septembre dans les Bouches du Rhône.
Quand il s’agit d’expliquer le suicide de C Renon, l’intersyndicale du 93 (CGT, Se Unsa, Snuipp, FO, Sud, Cnt, Sgen Cfdt) trouve les mêmes mots. « L’institution est responsable par des réformes à marche forcée, rejetées par l’ensemble de la profession…; par la mise en oeuvre de ces réformes sous la pression de la hiérarchie, au mépris parfois de nos valeurs professionnelles, notre éthique: par des méthodes de management aliénantes..; par une gestion centralisée et défaillante des remplacements..; par une standardisation de nos pratiques professionnelles; par des injonctions permanentes qui nous transforment en de simples exécutant.es; par la surcharge de travail que cela génère et qui pèse sur chaque collègue ».
Le 3 octobre , pour l’enterrement de Christine, de nombreux enseignants vont réagir dans le premier et le second degré. En Seine Saint Denis 150 écoles seront fermées , selon le Snuipp Fsu, et 60% des enseignants du premier degré seront en grève. Une marche blanche est organisée le matin et une manifestation de soutien au CHSCT l’après midi.
Mais des événements ont lieu dans 55 départements. Cela peut prendre la forme d’une grève (en Haute Garonne par exemple). Mais le plus souvent ily aura des rassemblements devant la DSDEN. En Loire Atlantique les enseignants se rassembleront devant chaque école pour échanger avec les familles. Dans le Gers ils ont envoyé un courrier aux familles avant de manifester à Auch. Dans l’Oise un dress code est prévu pour la manifestation.
Parce qu’il faut bien dire que l’institution n’est pas à la hauteur du drame. Oublions la DRH de Montpellier qui pronait en juin l’euthanasie pour les professeurs en reconversion. Il y a plus inquiétant. D’abord la tentative d’utiliser le suicide de C. Renon pour remettre en selle le vieux projet des EPEP. Le même procédé, les mêmes acteurs, la même politique que pour les EPSF…
Et puis il y a la suppression des CHSCT. Aujourd’hui c’est l’endroit où les enseignants se font entendre face à ces faits graves que sont les suicides ou encore la catastrophe industrielle de Rouen. Et effectivement ils sont saisis en ce moment dans plusieurs départements et ils obligent l’institution à réagir. Or il faut bien dire que ce qu’a prévu l’institution, au nom de l’efficacité, c’est leur suppression. La loi de transformation de la fonction publique va les faire taire à jamais.
Face à cela la pétition « plus jamais ça » lancée par l’intersyndicale dépasse les 80 000 signatures en 24 heures. La journée du 3 octobre sera t-elle un tournant ?
François Jarraud