Organisé par le Conseil scientifique de l’éducation nationale et piloté par son président, S. Dehaene, le colloque du 1er décembre vise pas moins qu’à changer « les conditions de travail » et les « pratiques » des enseignants. N’y cherchez pourtant pas d’enseignants. Il n’y en a pas. Ne cherchez pas de chercheurs sur la formation des enseignants. Il n’y en a pas. Ne cherchez pas de spécialistes des sciences de l’éducation. Il n’y en a pas. Ne cherchez pas de spécialistes des disciplines. Il n’y en a pas. Ne cherchez pas de didacticien. Il n’y en a pas. Mais alors il y a qui dans ce colloque ? Et pour quoi faire ?
Repenser les missions des enseignants
Le « colloque scientifique Quels professeurs au 21ème siècle » affiche des ambitions. Il s’agit de « mener une réflexion profonde sur l’avenir du métier des professeurs pour comprendre comment évoluent leurs missions, comment les manières d’enseigner se transforment ». Quatre thématiques sont annoncées avec pour chacune une table ronde.
La première thématique veut « repenser les missions des professeurs » et revoir les « pratiques pédagogiques et méthodes d’évaluation » des enseignants. C’est pour cela que sont invités à la table ronde une professeure d’économie de Dauphine, et deux professeurs de psychologie sociale.
La seconde table ronde traite du recrutement des enseignants, de leur mobilité et de leur formation. C’est pour cela que sont réunis deux chercheurs en sciences cognitives dont Franck Ramus qui va définir le nouveau référentiel de compétences du professeur du 21ème siècle.
On vous fait grâce des autres tables rondes. Cette conférence se veut le point d’orgue du « Grenelle de l’éducation ». Elle sera close par JM Blanquer qui pourra peut-être définir sa vision du professeur de l’avenir proche.
Table rase de la culture et des valeurs des enseignants
Difficile de ne pas reprendre l’image d’Attila pour la plaquer sur ce colloque. Le conseil scientifique a fait table rase des enseignants et de leurs représentants réduisant les uns à des objets et les autres sans doute à des vestiges. Le colloque va définir le métier d’enseignants sans aucun regard sociologique, sans aucune intervention de chercheurs en sciences de l’éducation. N’en doutons pas c’est ce que signifie pour ses organisateurs l’adjectif « scientifique » dont ils ont affublé leur « colloque ».
Là où ils ont raison c’est que ce colloque est bien le point d’orgue des ateliers du Grenelle. C’est à des rugbymen, à une policière, à un DRH d’un grand groupe privé, au dirigeant d’un lobby religieux, à un psychiatre des armées, à une professeure de sciences de gestion que l’on a confié dans ces ateliers la tâche de redéfinir la revalorisation des enseignants, leur formation ou la pédagogie de l’éducation civique.
On est dans la même ligne avec ce colloque qui adresse un colossale pied de nez à la profession enseignante, à sa culture professionnelle, à ses valeurs et à ses intérêts. A la veille de cet événement on peut craindre que ces spécialistes de tout sauf de l’enseignement soient réunis pour soutenir un projet politique, celui du ministre. JM Blanquer s’est longuement exprimé sur la transformation qu’il souhaite pour le métier enseignant. Il l’a fait dans ses livres mais aussi comme ministre par exemple à Nancy.
C’était à l’époque où il était question d’une loi de programmation pour amortir la violence de la réforme des retraites. Celle ci pourrait être remise sur les rails. Mais malgré tous ses appels du pied, celle là semble sous l’eau. Pour changer le métier enseignant il faut y intéresser les professeurs. Or le ministre pour le moment n’a rien à offrir. Alors tout ça pour rien ?
François Jarraud