« On est à un tournant. L’heure est grave. On est déterminé à ne pas laisser détruire la Fonction publique ». Le 16 mars, l’Intersyndicale Fonction publique a sonné le tocsin pour les fonctionnaires. L’intersyndicale, qui regroupe 7 fédérations (la FSU , les Autonomes (FA), Solidaires, FO, la CGT, la CGC et la CFTC) estime que le gouvernement est décidé à remettre en cause le statut des fonctionnaires et à faire ce qu’il annonce depuis des mois : individualiser les rémunérations, recruter des contractuels à la place de fonctionnaires, privatiser des pans entiers de la Fonction publique. Le ton était grave vendredi 16 pour appeler les agents à participer à la grève du 22 mars.
Le gouvernement et le changement de société
« On considère que l’on est à un tournant avec des mesures structurantes annoncées qui auraient des conséquences lourdes », déclare Bernadette Groison en ouverture du point presse. « Des conceptions différentes de la Fonction publique s’affrontent. Le gouvernement veut mettre fin à notre modèle social avec l’individualisation pour les agents et la remise en cause du dialogue social ».
A l’appui de leur dires, les fédérations rendent compte à la fois des difficultés pour rencontrer le secrétaire d’Etat à la fonction publique et les déclarations du Directeur général à la Fonction publique, voire du ministre G Darmanin.
« Il y a de fortes chances pour qu’à l’avenir l’emploi public soit contractuel et non statutaire », aurait déclaré le Directeur général de la Fonction publique, selon Christian Grolier (FO Fonction publique. POur lui, les retraites seront systématiquement remplacées par des contractuels et cela détruira le statut. « On entre dans la précarisation de la Fonction publique. Il n’y aura plus de garantie de carrière. Il y aura la rémunération au mérite et la possibilité de privatiser des missions ». La Fonction publique compte déjà près d’un million de contractuels soit 17% des agents.
Nathalie Makarski, de la CGC, est « très choquée par le documentation d’orientation qui demande la fusion des comités techniques et des CHSCT.. Les CHSCT ont leur importance :les conditions de travail se dégradent et c’est au CHCT que les problèmes sont abordés ».
Denis Turbet Delof, de Solidaires, évoque la dégradation du dialogue social. Les syndicats ont du mal à rencontrer le secrétaire d’Etat et quand il fixe rendez vous il n’est pas toujours là. « Nos arguments ne sont jamais retenus », estime-t-il. Les syndicats ont el sentiment que le dialogue n’existe que dans le but de convaincre les syndicats du bien fondé des décisions gouvernementales mais jamais dans l’autre sens.
Enfin il y a les problèmes de salaire, avec le « report » du PPCR, le gel du point, la journée de carence, la hausse de la CSG sans l’augmentation de salaire obtenue dans le privé.
Un tournant annoncé clairement par le gouvernement lui même
A vrai dire le gouvernement ne fait pas mystère de rompre avec la gestion actuelle des fonctionnaires. Depuis plusieurs mois, JM Blanquer affirme sa volonté de payer les enseignants au mérite et d’accorder aux chefs d’établissement le pouvoir de recruter et d’affecter les enseignants. Depuis le 1er février, on sait que ce n’est pas sa volonté propre mais la déclinaison dans l’Education nationale d’une réforme du statut des fonctionnaires que le premier ministre souhaite.
E. Philippe, le 1er février , a dit qu’il va lancer le chantier de la « rémunération plus individualisée ». « Une part de la rémunération (de l’agent) doit être liée au mérite et à l’atteinte des résultats individuels et collectifs »,a-t-il déclaré. C’est bien l’idée de la paye au mérite. Il veut aussi donner plus de pouvoirs aux managers, comme les chefs d’établissement. « Il s’agit de donner » plus de liberté et plus de responsabilité pour les managers publics… Au niveau central comme déconcentré, les managers publics, dont l’implication et la responsabilisation sont déterminantes pour la réussite de la transformation publique, ne disposent pas aujourd’hui des leviers nécessaires à l’exercice de leurs missions… En tant qu’employeurs, leur capacité d’initiative et leur marge de manoeuvre apparaissent excessivement contraintes ». Le gouvernement veut leur donner notamment » plus de souplesse dans leurs recrutements ».
Cette souplesse n’étant pas possible avec le statut des fonctionnaires soit il faut le changer soit il faut le contourner en ne recrutant plus que des contractuels, solution retenue pour les cheminots. Ces contractuels sont choisis par le chef d’établissement, licenciables et utilisables à volonté et coûtent nettement moins chers.
140 manifestations le 22 mars
Les syndicats estiment que le gouvernement va opérer un changement de société et qu’il faut s’y opposer. Pour cela ils espèrent une forte mobilisation le 22 mars. Ils ont organisé 140 manifestations le 22 mars, soit un nombre nettement plus important que d’habitude. Ils annoncent aussi qu’ils n’en resteront pas là. Ils décideront le 27 mars de la suite du mouvement.
François Jarraud
Déclaration du premier ministre
Blanquer : les enseignants recrutés par les chefs d’établissement