Initier les élèves à l’opéra dès la maternelle, en REP+ de surcroit, n’est-ce pas un pari trop ambitieux ? Laetitia Machado ne le pense pas. Elle enseigne, depuis seize ans, à l’école maternelle Guy Môquet de Stains (Seine – Saint – Denis), située en REP+. Passionnée par l’Opéra, et par l’art en général, elle initie ses élèves de grande section à l’opéra depuis huit ans.
C’est un projet riche, comment l’articulez-vous ?
Laetitia Machado commence par une découverte de la Flûte enchantée de Mozart qui, selon elle, est « l’œuvre la plus accessible et la plus universelle de l’opéra ». Elle leur conte l’histoire tout en leur faisant écouter des extraits illustrant les morceaux les plus riches de cette œuvre fascinante et mystérieuse. Elle leur présente aussi plusieurs livres dont les illustrations se distinguent les unes des autres. Tout un travail pédagogique sur l’œuvre est initié : fiche récapitulant les différents éléments caractérisant les personnages, dictée à l’adulte de certains extraits de l’œuvre et, en arts visuels, les élèves peignent leur personnage ou leurs scènes favorites. Ces différentes productions sont ensuite exposées dans toute l’école. La conception de marottes, aussi, permet une mise en scène de certains passages de l’œuvre.
Cette première étape de découverte de l’œuvre passée, les élèves regardent le film de Bergman (1975) sur un grand écran, la classe ayant la chance de bénéficier d’un tableau numérique interactif (TNI). Ils s’émerveillent devant cette œuvre dont ils découvrent le format vidéo, loin de ce qui leur est proposé de nos jours.
L’enseignante lie le style musical au lieu. Elle leur fait découvrir l’opéra, salle de spectacle, lors d’une visite dont elle est le guide. La découverte des dorures majestueuses, et la splendeur de l’Opéra Garnier sont des moments forts pour ces petits élèves de Stains, qui visitent avec sérieux ce haut lieu de l’histoire culturelle de notre pays. Beaucoup de photos sont prises lors de cette sortie scolaire, elles sont ensuite partagées sur un blog avec les parents.
Après cette première approche d’une œuvre d’opéra, elle leur fait découvrir d’autres opéras tels que Carmen ou le Barbier de Séville. Ils réinvestissent ainsi tout ce qui a été appris précédemment. Leur vocabulaire est riche et nous oublions presque qu’il s’agit d’enfants de grande section. Les autres élèves de grande section profitent de cette initiation lors de moments de décloisonnements ou d’échanges entre pairs mais aussi lors de la visite de l’opéra à laquelle ils sont invités.
Votre projet semble complètement s’inscrire dans les « Projets d’éducation artistique et culturelle (PEAC) » ? Bénéficiez-vous de financements ?
« Nous avons bénéficié, pendant deux ans, de la subvention académique, soit sept cents euros alloués pour l’achat de matériel ou la participation à un spectacle. » La première année, l’enseignante a fait le choix d’investir dans des livres coûteux qu’elle utilise depuis. La seconde année, les élèves ont pu assister à une représentation à l’opéra Bastille.
Mais depuis six ans, elle ne sollicite plus cette contribution. En effet, les opéras Bastille et Garnier ne proposent ni ateliers ni représentations en lien avec le flûte enchantée et les premiers achats de livres lui suffisent. « Et puis en termes d’organisation, c’était assez compliqué de faire coïncider les dates proposées par les opéras et la possibilité d’avoir un car financé par la collectivité. »
Une année, la ville de Stains a proposé aux élèves d’assister à une représentation de l’opéra « La maison qui chante ». Après avoir découvert dans un livre-audio cette œuvre, les élèves ont assisté à la représentation au théâtre appartenant à la ville, le théâtre Paul Éluard. Un atelier, animé par l’une des chanteuses, a été mené dans la classe.
Votre projet ne s’arrête pas à l’opéra…
Laetitia Machado prolonge cette initiation par la découverte de la mythologie grecque. Elle saisit l’occasion de la visite de l’opéra Garnier pour faire découvrir à ses petits élèves les statues et peintures d’Apollon, les muses, la Pythie. « A l’Opéra Garnier, il y a beaucoup de représentations de la mythologie, c’est l’occasion de faire le lien avec la découverte de la mythologie grecque » explique-t-elle. De cette découverte découle tout un travail sur la mythologie, les dieux, qui débouche sur la découverte du musée du Louvre lors d’une visite axée sur les personnages de la mythologie.
Vous semblez convaincue de l’intérêt de cette démarche, pourquoi ?
Laetitia Machado nous explique que tout ce travail qu’elle entreprend répond à des objectifs très précis. « Je veux faire émerger une notion de culture commune, dans le cadre d’un projet d’éducation artistique et culturelle (PEAC) ambitieux. Cette culture, je veux qu’ils puissent la réinvestir dans le champ scolaire certes – en ayant des références riches – mais aussi dans leur vie personnelle. »
Ainsi, ces élèves de grande section issus de milieux éloignés de la culture scolaire ont un parcours de découverte culturel qui n’a rien à envier à ceux vivant dans des quartiers dits plus favorisés.
Lilia Ben Hamouda