Qu’est ce qui a changé dans les nouveaux concours d’enseignement dévoilés hier au J.O. ? Pas grand-chose si ce n’est qu’alors que se généralisent les TICE on n’y parle plus de C2i, qu’alors qu’on introduit les cahiers de compétences les mots « socle commun » n’apparaissent nulle part… Pour Jean-Louis Auduc, directeur adjoint d’IUFM, « le nouveau modèle proposé… s’éloigne de la professionnalisation nécessaire des futurs enseignants. La suppression de l’année de formation professionnelle après la réussite au concours apparaît donc d’autant plus inconcevable. Est-il normal que l’entrée dans le métier enseignant se caractérise par un changement radical de posture entre ce qu’ont été les études universitaires, la préparation au concours et la réalité du travail à exercer, de la mise en apprentissage des élèves ? »
Chacun sait que la vision du métier d’un enseignant qui débute est largement tributaire des modalités des concours de recrutement. Ce qu’il doit étudier, les questions sur les quelles il a à travailler pèsent d’un poids très important sur son regard sur son futur métier. On peut donc être certain que les épreuves des concours de recrutement enseignant, telles qu’elles ont été publiées au Journal Officiel du 6 janvier 2010 ne vont pas être de nature à permettre à un futur enseignant de mieux comprendre les gestes professionnels et les compétences indispensables pour exercer le métier enseignant.
Examinons précisément les textes des différents concours :
Pour les professeurs des écoles :
Globalement les épreuves d’admissibilité sont assez proches des concours existants, mais est notamment supprimée la formule qui existait dans l’arrêté précédent du 10 mai 2005 indiquant « des questions complémentaires sur la mise en situation d’enseignement d’une ou plusieurs notions abordées dans le dossier ou l’énoncé » . Cette suppression indique bien la volonté d’axer les épreuves écrites du concours quasi exclusivement sur la maîtrise des savoirs disciplinaires.
Il est aussi intéressant de remarquer, au moment même où une commission parlementaire débat de l’application du « Socle commun de connaissances et de compétences » voté en avril 2005, qu’aucune référence ne soit fait à celui-ci dans les arrêtés des concours et que par rapport à certains projets antérieurs, toutes les dénominations faisant référence au pilier du socle ont été supprimées pour être remplacées par des énumérations de disciplines. On veut sans doute ainsi aider les futurs enseignants à mieux comprendre la démarche du socle commun et l’évaluation par compétences…..
D’autres absences dans l’arrêté concernant le concours de professeurs des écoles posent quelques questions :
– Qu’en est-il des pré-requis concernant les TICE. ? Il avait été évoqué la possession du C2i comme une obligation….. A l’heure des tableaux et du cartable numérique, cette non-présence des TICE dans les textes est surprenante
– Qu’en est-il des pré-requis concernant les langues vivantes étrangères. Dans le texte publié le 6 janvier 2010, aucun article ne concerne cette question pourtant importante. Aucune épreuve de vérification des compétences en langues vivantes étrangères n’est prévue.
– Enfin, la disparition de la note éliminatoire de 5 sur 20 qui existait pour les épreuves d’admissibilité et pour l’épreuve orale d’entretien a disparu.
Les épreuves orales du CRPE sont structurées sur le français et les mathématiques avec un complément de la présentation d’une séquence d’enseignement en mathématiques, une « présentation » dans trois domaines : Arts visuels ; expression musicale ou éducation physique et sportive.
La suppression de l’épreuve orale d’entretien qui portait à partir d’un dossier remis par le jury et d’un entretien sur « l’aptitude à se situer par rapport au métier de professeur des écoles et à mettre en relation ses connaissances et sa réflexion dans le domaine de l’éducation » n’est absolument pas compensée par l’interrogation de « dix minutes » sur la compétence « Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable » à partir d’un document.
Il est à souhaiter pour les professeurs des écoles comme pour ceux du second degré que cette interrogation sur cette compétence serve véritablement à former les futurs enseignants et non à les formater.
Pour les enseignants du second degré
Les concours restent donc axés sur la ou les disciplines. A l’heure de la mise en place du socle commun, de la réforme du lycée, de la volonté de mise en œuvre de travaux interdisciplinaires, les épreuves du concours risquent donc de fragiliser encore plus les futurs enseignants dans leur entrée dans le métier et ce d’autant plus que cette organisation des concours n’incite en rien à effectuer des stages dans des établissements scolaires.
Alors qu’il avait été annoncé que les concours de recrutement du second degré seraient tournés vers les programmes scolaires et non vers les découpages disciplinaires universitaires, on peut remarquer que les épreuves d’une partie des CAPES seront sur la base de questions révisées périodiquement. Nul doute que comme aujourd’hui, ces questions seront communes avec celles de l’agrégation correspondante…
Les concours tels qu’ils se présentent ne permettent donc pas une professionnalisation des enseignants et ils piloteront les masters en les axant uniquement sur la compétence disciplinaire et non sur les enjeux que représente la réussite des élèves en collège et en lycée.
Le modèle existant des concours était fort critiquable et je ne me suis jamais privé de le faire.
Le nouveau modèle proposé, loin de les améliorer, s’éloigne de la professionnalisation nécessaire des futurs enseignants. La suppression de l’année de formation professionnelle après la réussite au concours apparaît donc d’autant plus inconcevable.
Est-il normal que l’entrée dans le métier enseignant se caractérise par un changement radical de posture entre ce qu’ont été les études universitaires, la préparation au concours et la réalité du travail à exercer, de la mise en apprentissage des élèves ?
Le jeune enseignant sans préparation va devoir se montrer capable de transmettre des savoirs, de mettre des élèves en apprentissage alors que l’année précédente, ils cultivaient les savoirs pour eux-mêmes hors de toute perspective éducative.
La réforme de la formation des enseignants devient de plus en plus contre productive par rapport aux transformations nécessaires de notre système éducatif.
Jean-Louis Auduc
Les concours publiés au J.O.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/01/07012[…]
J.-L. Auduc dans le Café :
J.-L. Auduc : Un texte rempli de contradictions et de risques
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/12/J-LA[…]
La pédagogie délégitimée
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/11/16112[…]
Lire les articles de JL Auduc dans le dossier Réforme de la formation des enseignants
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeFor[…]
S.O.S. Garçons !
http://cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2009/Doss[…]