Lauréat du dernier concours de la Prévention routière, Régis Drigny, professeur à l’EREA François Truffaut de Mainvilliers (28) montre comment un travail sur la prévention routière peut faciliter les apprentissages et mobiliser les jeunes.
Vous travaillez en EREA et vous même êtes « éducateur principal ». En quoi l’éducation routière est-elle particulièrement précieuse dans un établissement de ce genre ?
L’éducation routière est un outil pédagogique et un support privilégié approprié à nos élèves en difficultés scolaires. C’est un fil conducteur reconnu dans la société, valorisant et valorisé dans notre établissement de l’arrivée du jeune élève interne en classe de 6ème à son départ avec son diplôme du CAP en poche. Que peut-donc apporter aux élèves les pratiques dispensées dans l’établissement, inhérentes à la sécurité routière tout au long d’une scolarité de six ans ?
Elles permettent avant tout à l’élève de s’inscrire dans un projet individuel puis collectif. Reprendre confiance, endiguer la spirale de l’échec, se connaître, s’affirmer, être et exister au sein d’un groupe, se construire et faire émerger l’existence d’un projet pour réussir à s’intégrer dans sa vie sociale et professionnelle. Au delà des mots, soigner les maux.
Quelles sont ces pratiques ?
Depuis une dizaine d’années, nous avons mis en place au sein de l’établissement un programme de formation et d’éducation à la sécurité routière celui-ci s’articule sur les classes de la 6ème à la formation qualifiante deuxième année.
Pour chaque classe, nous proposons les activités suivantes :
descriptifs | Personnel encadrant | Temps scolaires | Temps périscolaires | |
6ème | Initiation à la pratique du vélo, VTT en milieu protégé (plateau balisé dans la cours de l’établissement)et en situation réelle de conduite sur route. | Enseignants du 1er degré sur poste d’éducateurs d’internat | Activités éducatives le soir de 17 à 19h00 et le mercredi après-midi pour les sorties sur route | |
5ème | Initiation à la pratique du vélo, VTT en milieu protégé(plateau balisé dans la cours de l’établissement)et en situation réelle de conduite sur route.
Initiation à la mécanique, entretien des cycles. Préparation hebdomadaire à l’ASSR niveau 1(attestation scolaire de sécurité routière) |
Enseignants du 1er degré sur poste d’éducateurs d’internat
Assistant d’éducation |
1h00/semaine inscrit dans l’emploi du temps | Activités éducatives le soir de 17 à 19h00 et le mercredi après-midi pour les sorties sur route. |
4ème | Perfectionnement à la pratique du vélo par des sorties plus régulières et en situation de conduites différentes (route, ville) ;
Initiation à la mécanique, entretien des cycles. Initiation à la conduite de cyclomoteurs en milieu protégé (plateau balisé dans la cours de l’établissement) Formation au BSR(brevet de sécurité routière)travail de partenariat avec une auto-école. Préparation d’un projet de classe transplantée : (projet cyclo touristique éducatif et culturel d’une semaine en mai) Découverte du patrimoine historique et culturel d’une région en France (ce projet existe depuis l’ouverture de l’établissement en 1967 ; En 2010, nous partirons pour un 40ème projet. |
Enseignants du 1er degré sur poste d’éducateurs d’internat
Enseignants du 1er degré sur poste d’éducateurs d’internat en partenariat avec des professeurs en enseignement général. |
2 h00/semaine inscrit à l’emploi du temps en Français et histoire géographie : préparation du projet : logistique, planification des visites, recherches documentaires, productions écrites ,
Travaux multimédias, films, diaporamas, création de CD…ces supports pédagogiques présentent à la région, aux familles, dans le cadre de nos opérations portes ouvertes début juin, le travail réalisé en classe, le vécu du séjour… |
Activités éducatives le soir de 17 à 19h00 et le mercredi après-midi pour les sorties sur route |
3ème | Perfectionnement à la conduite de cyclomoteurs en milieu protégé (plateau balisé dans la cours de l’établissement) Sorties en groupe pour s’entraîner à se déplacer en convoi.
Sensibilisation à la mécanique de base pour entretenir les cyclomoteurs. Préparation d’un projet de classe transplantée : Projet mobylette et visites historiques. Découverte du patrimoine historique d’une région : ce projet existe depuis une dizaine d’années. L’idée étant de se déplacer à mobylette sur des sites historiques pour découvrir l’histoire sur place mais aussi de réinvestir les compétences travaillées dans le cadre du BSR en classe de 4ème . Préparation à l’ASSR 2ème niveau |
Enseignants du 1er degré sur poste d’éducateurs d’internat
Enseignants du 1er degré sur poste d’éducateurs d’internat en partenariat avec des professeurs en enseignement général |
2 h00/semaine inscrit à l’emploi du temps en Français et histoire géographie : préparation du projet : logistique, planification des visites, recherches documentaires, productions écrites ,
Travaux historiques sur multimédias, films, diaporamas, création de CD…ces supports pédagogiques présentent à la région, aux familles, dans le cadre de nos opérations portes ouvertes début juin, le travail réalisé en classe, le vécu du séjour… 1 h00/semaine inscrit à l’emploi du temps pour la préparation ASSR |
Activités éducatives le soir de 17 à 19h00 et le mercredi après-midi pour les sorties sur route |
FQ1 | Initiation à la conduite d’une moto,125 cm3 en milieu protégé (plateau balisé dans la cours de l’établissement)
Initiation en mécanique : entretien, réparation des cyclomoteurs de l’établissement |
Enseignants du 1er degré sur poste d’éducateurs d’internat | Activités éducatives le soir de 17 à 19h00 | |
FQ2 | Préparation au code de la route :
Apprentissage et entraînement à l’examen. Initiation en mécanique : entretien, réparation des cyclomoteurs de l’établissement |
Enseignants du 1er degré sur poste d’éducateurs d’internat | Activité encadrée en soirée à l’internat 1h00/semaine
Activités éducatives le soir de 17 à 19h00 |
Ces activités sont-elles des leviers favorisant l’obtention d’un diplôme professionnel (CAP) ?
On peut dire sans hésitation que les pratiques proposées permettent à l’élève en situation de handicaps scolaires et /ou sociaux de s’inscrire dans un projet de réussite, de connaissance de soi, d’affirmation au sein d’un groupe de référence : la classe, l’internat, l’établissement, la famille…la société par l’intégration professionnelle.
Travailler sur un projet commun relatif à la sécurité routière comme la préparation à l’ASSR1 ou 2, au BSR ou encore à l’organisation d’un projet de classe transplantée permet à chacun de se connaître, de se socialiser, d’acquérir une autonomie : des savoirs-être pour des savoir-faire.
Il est alors plus facile d’affirmer ses choix, d’intégrer pleinement une orientation professionnelle, de s’y tenir dans la durée dans des stages en entreprise, lors du passage des épreuves de CAP.
Chaque année vous développez des projets . Par exemple il y a eu ce raid en mobylette vers Oradour. Qu’attendez vous principalement de ces activités ?
Ces projets de fin d’année sont des aboutissements sur tout ce qui a été mis en place en amont depuis l’arrivée de l’élève dans l’établissement. Ils sont des indicateurs permettant d’évaluer chacun dans la réalisation de son projet individuel. A chaque fois, il est possible de mesurer les progrès réalisés en terme d’intégration sociale, d’autonomie, d’affirmation et de la connaissance de soi.
Ces projets sont aussi des temps forts de vécu authentique au sein d’un groupe. Des élèves me disaient qu’il est plus « facile d’apprendre » en se déplaçant sur place qu’en restant dans les livres ou il ya beaucoup trop à lire. D’autres ont insisté sur le fait qu’il prenait du plaisir à apprendre l’histoire.
Quelles compétences scolaires sont mobilisées dans ce projet ?
On focalise beaucoup sur des savoirs-être et des compétences transversales interdisciplinaires indispensables pour chaque élève puisse réussir à s’intégrer :
Lire : pour comprendre, pour apprendre, pour communiquer.
Dire : pour échanger, communiquer, affirmer ses choix, argumenter, savoir se présenter, écouter l’autre, respecter et comprendre les différences
Ecrire : pour communiquer, présenter, informer, se réaliser.
L’autonomie, l’épanouissement de l’élève sont des buts que vous recherchez. Comment l’éducation routière y contribue t elle ?
Dans les activités proposées, il s’agit de rendre l’élève acteur et de le responsabiliser pour le faire progresser au sein d’un groupe, sur un projet commun. L’éducation routière est un moyen, véritable outil pédagogique pour placer l’élève en situation de réussite dans ce qu’il va entreprendre, et apprendre. L’éducation routière est aussi une fin dans ce qu’elle véhicule comme valeur : Savoir conduire, respecter des règles inhérentes à des déplacements permet de savoir se conduire en société. Plus que jamais ,l’éducation routière véhicule des valeurs socialisatrices comme le respect de soi, des autres, la responsabilisation, la recherche et l’acquisition de l’ autonomie .
Vos projets, comme Oradour, associent des acteurs bien différents : profs, éducateurs, infirmière et même des intervenants extérieurs à l’éducation nationale. En quoi est ce nécessaire ? Est ce difficile ?
La variété des personnels encadrant ces projets (infirmière scolaire, professeurs, professeurs-éducateurs, bénévoles, motards) est un atout considérable et favorise une riche émulation dans la vie des groupes classes lors des séjours. Les élèves sont en contact avec d’autres adultes qui ne sont pas que « des profs ». Du coup, l’ouverture sur le monde extérieur se fait plus facilement pour nos élèves souvent en manque de repères et isolés dans des milieux familiaux socialement et culturellement défavorisés .
Je ne pense pas que cela soi difficile de fonctionner sur un projet commun avec des acteurs sociaux différents. Nous avons, je pense, beaucoup de chances d’avoir depuis quelques années ,des intervenants passionnés qui croient en des valeurs communes et qui ont envie de les véhiculer aux adolescents. Il est vrai aussi que chacun des adultes se positionne comme acteur sur le plan éducatif. Nous insistons auprès des élèves sur le fait que la parole de chaque adulte encadrant est de même valeur, qu’il ne faut pas écouter que les enseignants. Tout le monde dans l’idée, a des valeurs éducatives à faire passer au groupe.
Vous avez eu un prix de la Prévention routière. Qu’est ce que cela change ?
Peu de choses sur nos pratiques . Les élèves l’ont vécu comme une reconnaissance inattendue. Beaucoup étaient fiers d’être les « premiers de France » le meilleur collège par rapport à un projet. Ils ont aussi compris avec le recul, le privilège de pouvoir vivre cette expérience unique.
Quels projets pour 2009-2010 ?
Nous repartons cette année sur un projet alliant une fois encore la sécurité routière et l’histoire .Il s’agit d’un projet itinérant à mobylette de 1096 kilomètres répartis en 6 étapes qui aura lieu du 11 au 17 mai 2010 et qui permettra de découvrir les sites historiques suivants :
La clairière de l’Armistice de Rethondes (60),
l’Historial de la grande guerre de Péronne (80),
Le mémorial Canadien de Vimy,
Notre dame de Lorette(62),
le blockhaus D’Eperlecques et la coupole d’Helfaut près de St Omer(62).
Ces sites historiques témoignent de deux événements majeurs du XXème siècle : la première et la deuxième guerre Mondiale.
Régis Drigny
Les Clés de la Prévention routière
http://cafepedagogique.net/communautes/preventionroutiere/
Quand une Segpa se mobilise