« Ce qui a changé c’est que ça m’a rapproché des familles ». Professeur d’histoire géographie au collège d’Aytré (17), Sébastien Morillon enseigne à des élèves de 3ème et de 6ème. Mais comment peut on apprendre l’histoire à distance à des collégiens si jeunes et ayant si peu d’autonomie ? Au-delà de cette question, S Morillon témoigne des changements apportés par la crise sanitaire à l’enseignement de ces petits collégiens.
Entrer en histoire par la porte de la création
A l’origine de cet entretien, une séquence postée par S Morillon sur le site académique de Poitiers. Pour les faire travailler sur la naissance de Rome, il les invite, après un travail sur une vidéo, à représenter » sous la forme artistique que tu veux (peinture, dessin, maquette, collage, vidéo, BD…) » la légende de la fondation de Rome. Ce qui lui vaut entre autres une belle vidéo en stop motion, un hommage créatif à Romulus et Remus.
« Essayer de recréer à distance la classe, par exemple avec une classe virtuelle, avec ces élèves ça ne marche pas », nous dit-il. « Même si on a beaucoup d’ordinateurs, ça génère du stress dans la famille ce qui n’est pas bienvenu en ce moment. Je préfère entrer par la carte du plaisir et de la créativité et proposer des activités où les élèves s’organisent et s’amusent, leur laisser une grande liberté dans l’exécution formelle ».
Comment enseigner à des élèves aussi jeunes ?
Derrière ces choix, l’idée de diminuer la pression qui pèsent sur les élèves et aussi de développer leur autonomie. Les enseignants du collège d’Aytré ont opté pour poster sur Pronotes le travail de la semaine le lundi avec le retour pour la fin de semaine.
Mais comment on fait pour enseigner à des jeunes élèves qui ont peu d’autonomie ? « On peut s’appuyer sur le manuel », estime S Morillon. « Il faut veiller à donner les meilleures consignes possibles pour éviter les dérapages puisqu’on n’est pas là pour recadrer l’élève. On répond aussi aux questions qu’ils envoient par mail ou par Pronotes ».
Le plus difficile c’est la rédaction. « Comment trouver l’occasion de les faire écrire ? Et dans quelles conditions pour veiller à la qualité ? ». S Morillon craint sur ce point une perte importante de compétences à la fin de l’année. « ON n’arrive pas à les accompagner dans les travaux écrits comme en classe ».
Justement comment voit-il les élèves évoluer d’ici juillet ? « Je crains les conséquences psychologiques du confinement. Ce qui leur manque ce sont les camarades. Les échanges par Skype ne remplacent pas et les élèves sont très seuls. Il craint aussi la dépendance envers l’informatique. « Si on n’y prend pas garde elle sera installée ».
Prendre en compte les émotions et la personnalité des élèves
La crise sanitaire apprend aussi des choses. « J’ai réalisé le poids des notes chez les élèves. Pour eux c’est compliqué de travailler sans avoir recours à une évaluation ».
Mais la principale découverte c’est celle des parents et des émotions. » Ce qui a changé c’est que ça m’a rapproché des familles. La petite formule qu’on met en bas de message « prenez soin de vous » a pris tout son sens. Je suis devenu plus attentionné au bien être des élèves. On devrait avoir ce positionnement toute l’année. Et je crois que c’est ce qui restera de ce confinement. On sera plus attentif à la situation personnelle de l’élève, à ses émotions ». Déjà s’amorce un travail avec les collègues de français et d’arts plastiques pour que les élèves puissent exprimer leurs sentiments. C’était déjà son idée dans le travail sur Rome. C’est aussi la créativité qui guérira les plaies de cette période difficile.
François Jarraud