« L’histoire du CPE condense l’histoire du système éducatif français, ses tensions, ses dynamiques et ses scléroses ». En présentant le nouveau numéro de Carrefours de l’éducation (n°49), Christine Focquenoy Simonnet souligne l’intérêt d’étudier le métier de CPE, une profession qui n’existe que dans notre système éducatif. La revue revient sur la naissance du métier, avec notamment le témoignage de JP Delahaye, et sur ses missions . Les relations avec les enseignants sont aussi étudiées. Alors que certains rêvent du retour des anciens « surgés », les CPE cherchent encore leur identité tant la représentation collective leur colle à la peau.
Du « surgé » au CPE
Dans l’opinion publique, le CPE est encore souvent l’ancien surveillant général , « le terrible homme aux clés » du Petit Chose, le surgé de Cabu « serrant la vis » aux élèves. Christine Focquenoy Simonnet , qui a étudié leur histoire, montre que ces anciens surveillants généraux avaient la haute main sur les punitions et le quotidien des élèves. La réforme de 1970, qui voit naitre le CPE, a totalement transformé leur identité professionnelle.
Selon une enquête menée par Myriam Favreau (Univ. Toulouse 2), le nouveau CPE se voit d’abord faire un métier d’écoute et de conseiller des élèves. Ce n’est pas sans risque. Jean François Dupeyron (univ. Bordeaux Montaigne) souligne l’exigence du métier et la qualité de l’expérience des CPE. « Etre CPE donne beaucoup à penser et à ressentir… Le gestion des affects demeure une préoccupation et beaucoup disent s’être endurcis en pratiquant leur métier ». Une autre dimension du métier travaille les CPE : « le grand écart entre l’ambition éducative portée par le référentiel de compétences et la pratique effective ». Les CPE sont ramenés à la gestion des conflits et des incartades, particulièrement dans les établissements difficiles où se cumulent fractures sociale, scolaire et coloniale.
Une singularité française
Cette évolution du métier de CPE repose sur une singularité du système éducatif français. En France la « vie scolaire » est exercée par un métier particulier alors qu’elle est répartie entre plusieurs acteurs , dont les enseignants, dans les autres pays. C’est sur cette singularité française que revient JP Delahaye, à l’origine du référentiel de compétences des CPE et de la circulaire de mission. Celle -ci précise que les CPE contribuent « à la réussite scolaire » des élèves. « L’affirmation de la fonction pédagogique est ici essentielle et vise à rapprocher les CPE des enseignants ».
Pour autant cela se met-il en place dans les établissements ? Une enquête menée par Rozenn Rouillard et Céline CHauvigné (Univ. Rennes et Nantes) montre que la collaboration entre enseignants et CPE est « peu envisagée » par les futurs enseignants et aussi par les futurs CPE.
Un lit pour deux rêves
Au coeur de l’évolution du système éducatif français liée à sa démocratisation, le CPE semble isolé dans son rêve éducatif. Alors qu’il cherche à faire un métier de conseil et d’éducation mais que la réalité le ramène à la gestion de la discipline, il devrait travailler avec des enseignants qui sont au quotidien dans l’éducatif et le pédagogique mais qui rêve souvent d’un métier où seul le savoir disciplinaire comptait. Ce n’est pas le quotidien des établissements qui sépare CPE et enseignants. Ce sont les représentations de leurs métiers.
François Jarraud
Le conseiller principal d’éducation entre héritage et nouvelles professionnalités, Carrefours de l’éducation n°49