Près d’un directeur ou d’un personnel de direction sur trois a été menacé en 2013 par un parent. C’est une des révélations de l’audition de Georges Fotinos par la mission d’information sur les relations entre l’école et les parents. Chercheur associé à l’Observatoire international de la violence à l’école, G. Fotinos a dévoilé de premiers chiffres de deux enquêtes qui seront publiées au printemps 2014 qui illustrent le fossé entre l’Ecole et les parents. Pour le combler il invite à créer des instances de dialogue dans les établissements. Bientôt une pré rentrée commune des profs et des parents ?
Deux univers dos à dos
Réalisées en 2013 par Georges Fotinos, deux enquêtes établissent les très mauvaises relations entre l’institution scolaire et les parents d’élèves. Voilà deux mondes qui se tournent délibérément le dos, qui se nient symboliquement. Qu’on en juge. La première enquête a touché 3 300 directeurs d’école grâce au relais des trois syndicats du primaire. 1 885 personnels de direction ont participé à la seconde par l’intermédiaire du Snpden, syndicat ultra majoritaire des chefs d’établissement. Les deux enquêtes révèlent une violence symbolique, ou pas, importante entre les responsables des établissements scolaires et les parents d’élèves. Ainsi 32% des personnels de direction et 23% des directeurs d’école ont été insultés en 2013 par des parents. 46% des chefs d’établissement et 40% des directeurs se disent harcelés par des parents, respectivement 36% et 27% ont reçu des menaces. Au total 73% des personnels de direction et 56% des directeurs ont eu des différents avec des parents. Mais la violence, symbolique, est aussi dans l’autre sens : 65% des chefs d’établissement du secondaire et 40% des directeurs d’école nient toute représentativité aux élus des parents d’élèves.
Un statut de parent délégué
Comment lier les parents à l’Ecole ? G. Fotinos était chargé de mission sur cette question au tournant du siècle. Il a gardé mémoire des expériences de cette époque. Et d’abord d’un principe : « tout partenariat doit être fondé sur la reconnaissance réciproque des compétences de chacun ». On mesure qu’on en est loin. La première étape serait donc de créer un statut du parent délégué d’élèves. En mars 2012, François Hollande s’y était presque engagé devant la Fcpe. F Hollande avait promis que les les parents délégués bénéficieraient d’autorisation d’absence pour assister aux conseils de classe. « Ce décret sera pris » avait juré F Hollande. Progressivement un dispositif de compensation pour payer le temps d’absence serait mis en place. Mais c’était avant la déroute économique et budgétaire. L’enjeu est pourtant de taille. Sans ce statut, la fonction ne peut être portée que par des parents qui en ont les moyens ce qui écarte toute une partie des parents de l’école.
Un conseil commun au centre du collège ?
La seconde proposition de G Fotinos s’inspire de trois expérimentations menées aussi au tournant du siècle. Dans trois communes franciliennes, des instances locales partenariales et consultatives réunissant parents et enseignants ont été instituées dans trois collèges. Elles étaient chargées de suivre les problèmes de vie scolaire, de faire de l’éducation à l’orientation , d’imaginer des situations de co-éducation. Selon G Fotinos, ces « écoles ouvertes » aux parents ont été un grand succès. « J’ai été surpris par leur réussite », a-t-il confié au Café pédagogique. « A Champigny, parents et enseignants ont constitué une association qui s’est installée au milieu du collège. Elle a fait de la médiation avec les familles. Elle a organisé des moments d’éducation en commun enfants , parents et enseignants ». En un an, les conseils de discipline ont disparu. « Grâce à l’ouverture sur le quartier, on a vu venir au collège des familles éloignées de l’Ecole. Le dispositif n’a pas été monopolisé par certaines catégories sociales » nous a dit G Fotinos.
L’orientation clé de la relation école familles
En apparence les problèmes entre parents et école à propos de l’orientation ne concernent que fort peu de parents. Sur 17 millions de parents d’élèves, le dispositif d’appel après une orientation n’est utilisé que par une minorité des familles. 60 000 seulement seraient déçues par le résultat de l’orientation et de l’appel. C’est marginal mais , pour G Fotinos, l’impact est beaucoup plus grand qu’il n’apparait. »Si on ouvre les vannes en donnant le dernier mot aux parents », estime G Fotinos, « le système éducatif ne pourra pas répondre aux demandes des parents ». Tous le sparents voudront envoyer leurs enfants sur les mêmes filières. « Sans travail en amont sur l’orientation, le dispositif du dernier mot aux parents est mauvais », juge-t-il. Il est actuellement expérimenté dans une dizaine d’académies.
En construisant le lien école parents, Georges Fotinos a le sentiment qu’on tisse le lien social. Finalement les élections de parents d’élèves restent les plus démocratiques, puisque ouvertes aux parents étrangers. Accepter la diversité de la cité dans le sanctuaire scolaire reste encore un défi.
François Jarraud