Une délégation de l’Association Française des Enseignants de Français vient d’être reçue par le Conseil Supérieur des Programmes. Elle a affirmé ses préoccupations : la dégradation des résultats des élèves et le renforcement des inégalités, une « grande souffrance » chez les enseignants de primaire et de collège, un « désarroi terrible » par rapport à la formation initiale et continue. Les représentants du CSP ont donné des précisions sur le calendrier, la méthodologie, les valeurs défendues. La rencontre, juge l’AFEF, s’est avérée stimulante.
Le C.S.P. doit proposer dans les deux mois « une charte des programmes pour fixer une méthodologie de travail dans laquelle les différentes associations pourront trouver leur place » et qui aura pour principes « de ne pas donner le tournis aux enseignants, de procéder avec pragmatisme et d’inscrire ces travaux dans la durée ». L’horizon fixé est celui de la rentrée 2016, avec dès l’année prochaine des aménagements et des allègements dans les actuels programmes de 2008. D’ici la fin de l’année en cours sera proposée une nouvelle présentation du socle « prenant en compte le fait qu’il s’agit d’un socle de connaissances, de compétences et de culture, revenant sur une conception du décloisonnement qui produit de la dilution et empêche de penser la progression, et rompant avec le pointillisme et le technicisme d’une certaine représentation des compétences pour en retenir l’avancée essentielle : l’attention à la réalité des acquisitions des élèves. »
Les échanges ont permis à l’AFEF de rappeler certains principes qui lui semblent essentiels, notamment quant à la « maîtrise de la langue » : « il convient d’inverser la succession de l’exposition de savoirs et des pratiques conçues sous forme d’exercices, d’entrainements », l’écriture doit jouer un rôle fondamental (« il faut qu’un enfant écrive au moins deux heures par jour ») et déboucher sur une verbalisation et une explicitation des savoirs. Interrogé sur le sujet de l’orthographe rectifiée, le CSP s’est dit prêt à l’utiliser dans ses propres publications.
Alain Boissinot, président du CSP, a par ailleurs affirmé « la nécessité de réinventer les humanités, de rouvrir le champ du français par la réintroduction de la question des valeurs, de sa contribution à l’enseignement moral et civique, et la place faite à l’oral pour la formation. Un socle de connaissances, de compétences et de culture, c’est aussi une construction en termes de valeurs, d’émotions… qui donne toute leur place à la littérature et aux arts. »
Cette audience, conclut l’AFEF, s’est avérée « plus encourageante que celle d’octobre 2012 au Ministère : nous avons eu le sentiment d’être écoutés très attentivement, voire entendus. ». L’association invite les professeurs de français à « nourrir le débat qui s’annonce par des propositions collectivement élaborées et portées, qui ouvrent pour les enseignants un espace de pensée, d’ajustement aux élèves, et de créativité ».
Par exemple, en soulevant aussi la question, cruciale et urgente, des programmes de lycée ? Quelque peu sclérosés dans leur conception en genres et siècles, prisonniers d’un modèle d’évaluation obsolète, il est désormais impératif qu’ils permettent aux professeurs de français, en première ligne, d’affronter le délicat et stimulant passage de la civilisation du livre à la culture de l’écran.
Jean-Michel Le Baut