Par François Jarraud
Des ressources pour faire cours
La rubrique philosophie de l’espace pédagogique de Nantes propose en cette rentrée un petit pratique multimédia de philosophie pour tous et pour personne qui vaut lé détour. A voir également les sélections du Café.
Le manuel multimédia de Nantes
La rubrique philosophie de l’espace pédagogique de Nantes propose en cette rentrée un petit pratique multimédia de philosophie pour tous et pour personne. Vous pouvez accéder à un ensemble de documents relatif au programme de philosophie des classes terminales (textes philosophiques, sujets de dissertations, documents audio et vidéo de philosophie, activités pédagogiques, cours et conférences en ligne, ressources multimédia associées, …). Il est autant destiné aux professeurs souhaitant trouver de nouvelles ressources, qu’aux élèves pour illustrer, prolonger ou approfondir leur cours mais aussi aux parents pour prendre connaissance des réflexions menées par leurs enfants durant cette année de terminale.
Par exemple, sur le thème de la biologie, Stéphane Vendé nous propose des extraits vidéo (avec F. Dagognet), des sujets de dissertation, une sélection de ressources.
Le manuel
http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/79652062/0/fiche___pa[…]
Le Guide 2009 du bac et du brevet
Il publie une sélection de ressources pour se préparer et préparer ses élèves à ces deux examens. En clair : revoir les cours, s’entraîner, s’auto-évaluer, trouver un interlocuteur.
Le bac
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2[…]
Les meilleurs sites
Le Guide du web pédagogique 2009 a sélectionné pour vous les sites incontournables pour enseigner.
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages[…]
En pratiques
Des exemples de pratiques philosophiques nouvelles…
Philosophie et spectacles
Philoscène
Après Philosong, où il faisait slammer ou raper les élèves, Thierry Aymès a demandé à ses élèves d’écrire des sketches philosophiques et de les jouer. Pour lui, « cela participe d’un processus de désacralisation d’une discipline trop souvent réputée austère. Tout comme PHILOSONG, PHILOSCENE prend le parti d’amener la philosophie à ceux qui, jusqu’ici, n’en ont pas voulu ».
http://www.philosong.fr/philoscene.html
L’Homme nu
L’académie de Paris propose » L’Homme nu et autres récits » de J-C Barbaud » ou comment le théâtre réussit à nous rendre proches de philosophes réputés difficiles et même à en révéler la cocasserie parfois, l’humanité toujours ». Le site propose des parcours en lien avec les textes classiques.
http://philosophie.scola.ac-paris.fr/Th[…]
La compagnie des amis de Platon
La Compagnie des amis de Platon propose un spectacle sur « La République ou de la justice ». Le spectacle circule dans toute la France : Paris, Lyon, Brest etc.
http://www.philo-net.com/CAP-programme2009.html
Rencontre avec un pionnier du multimédia pour l’enseignement de la philosophie : François Jourde
Twitter en philo ?? François Jourde est l’auteur de manuels (peut-être devrait-on dire de services ?) réellement innovants chez Hatier. C’est aussi l’animateur et le créateur d’outils multimédia qui tendent tous vers un seul but : amener les jeunes à la philosophie et ses exigences.
Ce qui caractérise votre site, c’est l’usage du son et de la video pour enseigner la philosophie. Comment le justifiez vous ?
En fait, c’est surtout en cours que j’utilise l’image et l’audiovisuel, à travers l’analyse de reproductions d’œuvres d’art, d’extraits cinématographiques (sur le modèle de Olivier Pourriol) et télévisuels. Il y a plusieurs justifications à cet usage. Outre le plaisir personnel que j’y trouve (évidemment !), il y a l’intérêt d’exercer la réflexion philosophique sur des objets familiers des élèves (films populaires, — mais aussi sur des films d’auteurs que je leur fait découvrir) et sur des questions d’actualité (émissions de télévision).
Je vois ici un fort levier pédagogique : l’image exerce sur les élèves un pouvoir d’attraction, voire de fascination, et elle permet dès lors de les « accrocher » (j’enseigne uniquement en sections STG, avec un public en relative difficulté scolaire). J’ai d’ailleurs récemment fait des cours « magistraux » à l’aide de diaporamas numériques (powerpoints) de conceptions très visuelles (je m’inspire ici des principes de Garr Reynolds). Je crois que, sans ces supports de qualité, je n’aurai pas pu tenir l’attention des élèves (de ceux-ci en tout cas) de manière si continue…
Comment articulez vous le site et le cours de philo ?
Mes élèves consultent surtout les cahiers de textes en ligne. Ils sont publiés sur des plateformes de blogues, et j’y intègre les documents utilisés et/ou produits en cours : cartes d’idées (mindmaps), diaporamas numériques, documents rédigés en traitement de texte et liens du cours. Ces documents sont produits en interaction avec la classe (ordinateur et vidéoprojecteur, et idéalement un élève au clavier), ou mieux encore par les élèves eux-mêmes lors des séances en salle informatique.
Pour le moment, je n’incite pas les élèves du secondaire à intervenir sur le site (par exemple dans les commentaires des billets). J’aimerai qu’ils travaillent davantage en ligne, mais leur inégal équipement informatique et leur inégal accès au réseau freine sensiblement mes ambitions… et il y a temps d’outils et d’usages à explorer ! La « fracture numérique » est moins présente chez mes étudiants de BTS : je peux ici davantage basculer dans le numérique.
Quant à moi, le site me permet de conserver la mémoire de mon travail, et de le rendre visible au-delà de la classe. Cela génère parfois des interactions avec d’autres personnes.
Une autre caractéristique, c’est l’ouverture, la communication. Par exemple l’utilisation de Skype pour dialoguer avec un expert. Comment cela s’intègre-t-il au cours ?
C’est assez nouveau pour moi et encore peu développé, mais c’est un chantier qui m’enthousiasme. J’ai toujours eu envie d’ouvrir le cours au « monde réel », de le projeter en dehors des quatre murs : ce qui se dit en cours doit permettre de penser le monde concret. A une époque, j’avais fait poser aux élèves des questions à des philosophes vivants (Marcel Conche, Clément Rosset), qui avaient répondu à nos lettres ! J’avais aussi fait intervenir les élèves sur un article philosophique de Wikipedia, ce qui avait permis de réfléchir à la nature de Wikipedia, mais aussi de s’initier aux exigences de la publication (puisque la production des élèves se trouvait réellement publiée, en ligne).
Quant à faire venir un intervenant en cours, c’est lui demander gracieusement beaucoup de son temps, et c’est d’une complication administrative accablante. Avec la VoIP (téléphonie via le web), qui peut même se transformer en visioconférence (par une webcam), tout est simplifié. D’autant que Skype permet aussi d’appeler une ligne classique. La procédure consiste à élaborer les questions avec les élèves (en lien au cours), puis à les leur faire poser à l’intervenant dans le cadre d’un entretien téléphonique (matériel : un ordinateur connecté au web, Skype, un micro pour parler, des haut-parleurs pour écouter).
Quel regard avez vous sur les usages du site ? Qu’en pensent les élèves ? Ont-ils des suages imprévus ? Avez-vous des réactions de parents ?
Les élèves apprécient de pouvoir s’y référer, mais interviennent peu dans les commentaires. Ils me disent utiliser les sélections de liens. Et je sais, par un outil statistique, que les documents sont régulièrement consultés et téléchargés (mais pas nécessairement par les élèves, il est vrai !). Pour l’heure, les parents ne réagissent pas… mais ce n’est pas ce que je cherche.
Nombre de professeurs de philosophie rejettent les tice. Qu’en pensez vous ? Comment expliquez-vous ce rejet qui est plus fort semble-t-il que dans d’autres disciplines ?
Je ne perçois pas si clairement un tel rejet. J’observe cependant chez nombre de collègues une faible culture numérique (« numéracie »), ce qui n’est peut-être qu’une question de génération.
Mais j’entends bien que la compréhension des TIC n’impose pas nécessairement l’utilisation des TICE ! Il est vrai qu’un certain fétichisme technologique (TICE = panacée) peut agacer à bon droit (cette critique peut m’atteindre aussi !). De fait, les TICE apparaissent à certains comme un « machin », et qui plus est un « machin de jeunes » et un « machin des industries culturelles »…
De plus, les pratiques de lecture et d’écriture favorisées par la culture numérique se différencient sensiblement des pratiques classiques. Elles sont notamment plus discontinues (hypertextes), mutltimédiatiques (écrit, oral, visuel), fluides (mouvance perpétuelle du contenu), désorientantes (perte et/ou reconfiguration des hiérarchies culturelles classiques), participatives (aspect conversationnel du réseau) et visuelles (place des images, mais aussi des dispositifs de visualisation de l’information, tels que les nuages de tags…).
Mais si le rejet existe, et s’il est plus fort en philosophie qu’ailleurs, c’est peut-être aussi parce qu’en philosophie on n’a pas encore trouvé — ou diffusé — les utilisations pertinentes des TICE. Toutefois les choses bougent, et pas seulement à mon humble niveau ! Il y a par exemple le projet Discovery.
J’en arrive à Twitter : c’est quoi twitter ? En quoi cela peut il aider l’enseignant de philo ?
Twitter est un service de alliant microblogs et réseaux sociaux. Microblogs, car Twitter permet d’envoyer des messages de 140 signes maximum (contrainte technique des sms). Réseaux sociaux (ou communautés emboîtées), car tout usager de Twitter peut choisir d’en suivre d’autres, et accepter d’être suivis par d’autres.
Mais, pour reprendre une observation du précieux François Guité, il faut dire que « l’usage des technologies des réseaux finit par être déterminé non par les concepteurs, mais par la communauté. » Autrement dit, on ne sait pas encore clairement ce qu’est (ou sera) Twitter !
Tout cela est pour moi très empirique : je navigue à vue (lancé par un enthousiasme technologique mobilisateur, — bien que parfois insuffisamment critique !). Mon expérience de Twitter est récente (elle date de la rentrée scolaire) et j’ai le sentiment d’avoir encore à découvrir et/ou à inventer ici ! Pour l’heure, je l’utilise de trois manières.
1) Personnellement, comme un outil de veille informationnelle (compte Twitter : jourde_prof) : ici, je reçois beaucoup et j’émets peu.
1) Dans le cours de philosophie (compte Twitter : jourde_philo), mon utilisation demeure assez minimale : Twitter ne me sert qu’à générer un flux de courtes notes que je place sur mon site, et qui informent surtout de l’actualité du cours et de quelques liens liés au cours.
2) Je n’utilise pleinement Twitter qu’avec les étudiants de BTS (cours de psychosociologie de la communication ; compte Twitter : jourde_bts). Outre l’usage précédent (générer un fil d’informations), Twitter me sert à susciter des échanges hors et autour du cours proprement dit. Je peux converser avec les étudiants, et les faire converser entre eux. Je peux m’adresser directement à l’un d’entre eux (grâce à la fonction d’envoi de messages directs), mais la conversation reste toujours relativement publique (pour un échange réellement privé, j’utilise bien entendu le courriel).
Ce caractère publique des échanges me permet d’ailleurs de les sensibiliser à la question de l’identité numérique, qui doit être plurielle. Je les sensibilise et les exerce à la nécessité de varier le mode de communication selon l’identité numérique : ils ne peuvent pas s’afficher ni s’exprimer sur le réseau Twitter du cours comme ils le feraient par exemple sur leur réseau social Facebook.
En dehors de cet usage conversationnel, Twitter est selon moi un excellent outil de veille informationnelle, — si l’on sait choisir qui suivre !
Comment cela se passe-t-il avec vos élèves ?
Ils sont assez mobilisés. Cela d’ailleurs me frappe, — ou plutôt me confirme un phénomène bien connu des psychosociologues : l’engagement s’accentue avec le sentiment de liberté ! En effet, je leur ai également demandé de réaliser un blogue d’étudiant (ce projet est en cours). Or, je leur avais dit que si la création du blogue est un exercice imposé, leur participation à Twitter était optionnelle et libre. Résultat : affluence sur Twitter, mais pas sur les blogues…
N’avez vous pas le sentiment de remettre en question la classe, son temps, son groupe ? Est-ce intéressant pour un prof de philo ?
Je trouve que je n’ai jamais assez de temps avec les élèves (même si je suis partisan d’une réduction générale du nombre d’heures de cours !). Et, sans être un véhément révolutionnaire, je ressens souvent comme artificiel le dispositif d’enfermement entre quatre murs que nous impose l’institution scolaire… J’apprécie donc de pouvoir varier l’expérience d’enseignement. Et j’apprécie de pouvoir davantage personnaliser le travail pédagogique, dans la mesure le groupe qu’est une classe rend assez difficile l’aide individualisée. Nouer des relations hors du cours peut débloquer pas mal de choses dans le cours !
Enfin, une communauté numérique peut certainement contribuer, à sa manière, à la qualité de la dynamique de groupe d’une classe.
François Jourde
Entretien F. Jarraud
Le site de F Jourde
http://profjourde.wordpress.com/
Dernières publications :
Livre et clic Philosophie (2004, rééd. 2007) : publication parascolaire alliant un livre à un site (chapitres en hypertextes, exercices interactifs, représentations graphiques interactives animées et commentées en audio).
Philocast (2006) : digest du programme de philosophie en podcasts (fichiers audio téléchargeables).
Apprendre la philosophie avec un blog
Didier Moulinier anime une série de blogs qui sont chacun une révélation. Il sera ici surtout question d’Apprendre la philosophie, un blog tourné vers ses élèves. Mais on saurait trop inviter les enseignants à visiter aussi « Enseigner la philosophie » et ses rubriques originales, décapantes, ouvertes sur le monde.
Votre blog offre à la fois des cours, des TD, de la méthodologie, des corrigés. Comment articulez-vous vous le cours et les documents de cours mis en ligne ? C’est un rappel, une visibilité pour les parents, un après-cours ?
Votre question revient à demander : pourquoi proposer des cours en ligne avec tout ce qui les accompagne (TD, textes, corrigés), est-ce une pratique pédagogique bis, complémentaire, alternative, et destinée à qui ?
Je destine en priorité le blog http://apprendre-la-philosophie.blogspot.com à mes propres élèves. J’enseigne dans un lycée de province « moyen » qui concerne une population sociologiquement assez hétérogène, avec des classes générales et techniques. Mon blog s’adresse donc résolument à ces élèves là : pas vraiment aux classes prépas ni aux étudiants de faculté. Je ne publie rien qui ne puisse être compris par la moyenne de mes élèves. Je ne vois pas l’intérêt de publier des leçons d’agrégation juste pour épater la galerie (les collègues ?!), d’autant plus que j’anime par ailleurs d’autres blogs orientés vers la recherche.
Mes élèves sont donc informés de l’existence de ce blog, mais je ne les oblige aucunement à le consulter (d’ailleurs certains « campagnards » n’ont pas encore internet et le réseau internet du CDI de mon Lycée interdit l’accès aux blogs en général !!). Il s’agit donc d’un travail d’appoint, d’une possibilité qui leur proposée d’approfondir ce que l’on fait en classe, éventuellement de retrouver et d’imprimer des documents utilisés, etc.
Et pour les devoirs ?
Vous voulez dire les corrigés ? Je fais souvent des corrigés qui sont aussi des rappels méthodologiques (je fais, et je dis comment je fais). Généralement je ne m’étends pas sur des pages et des pages, je n’aime par me répéter par rapport aux leçons qui sont elles-mêmes des problématiques développées. L’intérêt du blog pour les élèves est évidemment de pouvoir consulter des corrigés sur des sujets différents de ceux qui leur sont proposés en devoirs. Lorsque je donne un DM (devoir maison), il est évident que je ne publie le corrigé qu’après-coup.
Je sais bien que cette question des corrigés sur internet est un « sujet qui fâche » de nombreux collègues… C’est un fait : les élèves peuvent récupérer sur le net des corrigés sur à peu près tous les sujets possibles et imaginables. Mais les professeurs aussi ! Je veux dire que si les possibilités de fraude se sont multipliées avec internet, les moyens de contrôle aussi ! Il faut être naïf ou particulièrement étourdit pour se laisser berner : le simple usage d’un moteur de recherche comme Google permet de confondre le plus petit plagiat en retrouvant immédiatement le corrigé incriminé. Je ne parle pas des officines, ces escrocs qui vendent de (piètres) corrigés pour quelques euros, que bien souvent d’ailleurs on peut retrouver ailleurs sur le net ! Il suffit de prévenir fermement ses élèves, dès le début de l’année, en donnant la règle : vous pouvez tout utiliser, vous aider avec toute sorte de sources, mais vous ne devez jamais recopier, pas la moindre phrase ! Sinon : paf ! Un correcteur même débutant est parfaitement capable de reconnaître le phrasé d’un professeur et ainsi, après une très courte recherche, de confondre l’élève. Personnellement, je crois en l’utilité des devoirs maison qui permettent aux élèves de se cultiver, parce qu’il n’y a pas de réflexion sans (un peu de) culture. Non ?
Quels échos en avez vous du côté des élèves et des parents ? Est ce une motivation ?
Non, ce n’est pas du tout la motivation. Concernant les parents : je n’ai aucun écho ! Seule une partie (1/4 je crois) de mes élèves s’intéresse au blog, mais comme ce sont les plus motivés, ces petits curieux vont plutôt voir sur mes autres blogs (psychanalyse par exemple) ce qui s’y passe… Certains me « cueillent » même sur MSN pour continuer la discussion commencée en cours ! Donc des liens différents se tissent parfois, même s’ils restent finalement des rapports prof/élèves : possibilité d’évoquer l’actualité, la politique, la musique… Mais c’est toujours l’avis du prof de philo qui les intéresse, pas question de « copiner » ! Et comme je donne rarement mon « avis » sans ramener à un questionnement philosophique… l’éthique est sauve !
Vous avez de nombreux autres blogs qui traitent par exemple de la psychanalyse. Comment sont-ils arrivés dans la vie du prof ? Comment influent-ils sur la relation aux élèves ?
Alors c’est plutôt le prof qui est venu se greffer, un peu accidentellement, sur une vie de recherche philosophique et, comme vous l’avez remarqué, plurielle. Je vous ai évoqué le côté anecdotique lors de la précédente réponse. Mais il y a une question de fond, bien plus passionnante : quel rôle joue la recherche (alors même qu’on n’a pas le statut d' »enseignant-chercheur » – c’est bien dommage !) sur la pratique enseignante d’un professeur de philosophie au Lycée ? Pour ma part, cette incidence est essentielle. D’abord c’est l’esprit de la recherche qui prime, pas différent de l’esprit d’apprentissage à mon avis : je continue la recherche (même après un doctorat) parce que je me considère toujours comme un apprenti-enseignant ! Les choses évoluent tellement vite, les élèves, les conditions matérielles qui nous sont faites dans l’Education Nationale, etc., comment pourrait-on se reposer sur son « statut » d’enseignant ? Je ne sais toujours pas comment faire, je refais toujours mes cours, j’essaie d’inventer, souvent je me plante… Bref je suis un étudiant, résolument.
Mes autres blogs (à part « Résistances » où je vomis ma bile… pour supporter l’évolution politique de ce pays) sont tournés vers l’actualité philosophique, la méta-philosophie, la non-philosophie et la psychanalyse. L’actualité, parce que se tenir informé (des nouvelles publications notamment) est pour moi une question d’éthique. La psychanalyse, je ne l’enseigne pas spécialement à mes élèves, c’est un éclairage personnel et constant, une perspective originale et redoutablement cohérente sur le Sujet (donc au moins pour toute la première partie du programme de terminale). La « non-philosophie », ce n’est pas une critique ou une négation de la discipline, mais la condition de possibilité même de toute invention philosophique (et donc pédagogique) : par exemple, comment faire avec la résistance des élèves à la philosophie, là où les philosophes tendent habituellement à minorer cette résistance (simple effet de l’ignorance : nul n’est méchant volontairement !), cette « discipline » élaborée par François Laruelle introduit un peu de philo-fiction et d’esprit d’invention, des potentialités pédagogiques inouïes en dédramatisant radicalement le geste du philosopher.
Lorsque je vois des élèves n’en voulant rien savoir, non seulement de « la » philosophie mais des problématiques qu’on leur soumet, je ne me dis pas d’emblée qu’ils ont tort parce qu’ils sont incultes ou idiots. Je me dis que j’ai à apprendre quelque chose de cette résistance. Peut-être « savent-ils » après tout ? Mais quoi ? Ca m’interroge…
De nombreux professeurs de philosophie rejettent l’usage des TICE. Comment expliquez vous cette position ?
Oui, la profession n’est pas spécialement avant-gardiste de ce côté-ci… Je suppose que c’est sa manière à elle de résister ! Mais à quoi ? La plupart des professeurs de philosophie, conformément d’ailleurs à la doctrine officielle de l’inspection, considère que le meilleur de la transmission philosophique passe par le cours oral sans médiation (surtout pas de polycopiés ! alors vous pensez, internet !) avec, dans le meilleur des cas, la participation active des élèves dans l’élaboration du questionnement. (Osons espérer que le prof se-donnant-en-représentation-entrain-de-penser devant ses élèves est une espèce en voie de disparition, et cette pratique une mauvaise plaisanterie définitivement obsolète !). Cette surestimation (je dirais « idéologique » pour faire vite) de la parole enseignante (renvoyant l’audio-visuel du côté de l’inauthentique et de la « passivité ») me paraît dommageable en ceci qu’elle nous confine dans des situations de moins en moins faciles, ne serait-ce que de devoir dispenser la quasi-intégralité de notre enseignement sous la forme de « cours magistraux » devant des auditoires de 30 ou 35 élèves plus ou moins attentifs (c’est la règle en terminale, du moins dans mon lycée). Tout le monde s’y épuise évidemment. Combien de temps ce système va-t-il tenir et rester crédible ? Personnellement, je ne suis pas loin de penser que le modèle du cours magistral – véritable quintessence de l’acte philosophique selon la tradition -, où un individu est censé captiver et quasiment convertir son public par la seule magie du verbe, a sérieusement du plomb dans l’aile : il faut être aveugle, ou sourd, pour ne pas s’en rendre compte !
Donc les TICE proposent d’autres formes de médiation et de transmission, des pratiques enseignantes alternatives, et bien entendu l’usage d’internet en fait partie. A ce propos je suis toujours interloqué lorsque j’entends parler de l' »outil internet »… Un « outil », internet ?! Pour le coup, il faut ne rien comprendre à rien pour oser dire cela. Internet n’est pas un outil, mais de plus en plus (avec le web2 et bientôt 3, 4…) un clone virtuel du monde réel : je ne vois pas en quoi cela répond à la définition d' »outil », pas même « outil de communication ». On ne communique pas « avec » internet, internet est une forme de communication… Or on ne pense pas – même en philosophie – sans s’informer (j’y reviens et j’y tiens) ni sans communiquer.
Didier Moulinier
Propos recueillis par François Jarraud
Les blogs de D. Moulinier
Le blog Apprendre la philosophie
http://apprendre-la-philosophie.blogspot.com/
Les concours 2010
Le B.O. spécial n° 6 du 25 juin 2009 publie les programmes des concours 2010. En ce qui concerne la philosophie, les programmes concernent l’agrégation externe, interne, le capes externe.
A l’agrégation externe :
Écrit
2ème épreuve. Composition de philosophie se rapportant à une notion ou à un couple ou groupe de notions.
L’expérience.
3ème épreuve. Épreuve d’histoire de la philosophie.
Aristote : Physique. De la Génération et de la corruption. De l’Âme. Des Parties des animaux, livre I. Métaphysique.
Wittgenstein.
Oral
1ère leçon. Domaine : La morale.
Textes français ou traduits en français
Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, livre II : La Création. Traduction de Cyrille Michon, Paris, GF Flammarion, 1999.
Descartes, Les Principes de la philosophie : Lettre-Préface. Dédicace à Élisabeth. Parties I ; II ; III, articles 1 à 68 ; IV, articles 188 à 207. Édition Adam-Tannery (OEuvres de Descartes, tome IX-2), mise à jour par Bernard Rochot, Paris, Vrin-C.N.R.S., 1971 ; réimpressions 1989, 1996 (format réduit).
Texte grec
Porphyre, Peri Apochès empsuchôn (De l’Abstinence), livres II et III. Édition de Jean Bouffartigue et Michel Patillon, Paris, Les Belles-Lettres, Collection des Universités de France, tome 2, 1979 ; 2ème tirage, 2003, pp. 72-124 et 152-192.
Texte latin
Cicéron, De Oratore, livre III. Édition de Henri Bornecque, Paris, Les Belles-Lettres, Collection des Universités de France, 1930 ; 5ème tirage, 2002.
Texte allemand
Herder, Auch eine Philosophie der Geschichte zur Bildung der Menschheit, Ditzingen, Reclam, 1990, p. 3-110.
Texte anglais
Hobbes, The Elements of Law Natural and Politic (Human Nature and De Corpore Politico), Oxford World’s Classics, Oxford University Press, 1994, réimpression 2008, p. 19-182.
Texte arabe
Yahya Ibn‘Adi, Réponse à Abu al-Jaysh al-Nahwi sur l’infinité du nombre. Réfutation de la doctrine des actes créés par Dieu et acquis par l’homme. Réponses à Bishr al-Yahudi sur différentes questions philosophiques. Sur la nature du possible. Traité de l’unité divine, in Yahya Ibn ‘Adi, The Philosophical Treatises. A Critical Edition with an Introduction and a Study by Sahban Khalifat, Amman, Presses de l’université de Amman, 1988, p. 299-406.
Texte italien
Machiavel, Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio, livre III, in Niccolò Machiavelli, Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio, Dell’arte della guerra e altre opere (Opere, volume 1), a cura di Rinaldo Rinaldi, Turin, UTET, 2006, tome 2, p. 945-1197.
Agrégation interne :
Première épreuve. Composition de philosophie (explication de texte) : La vérité
Deuxième épreuve. Composition de philosophie (dissertation) : L’art
Capes externe :
Le programme est celui de l’enseignement de la philosophie dans les classes terminales.
http://www.education.gouv.fr/pid21508/special-n-6-du-25[…]
Lectures d’été
Plus que des lectures classiques, une sélection originale…
Apprendre à philosopher
Voilà une œuvre originale et très utile aux lycéens. Jacques Ricot propose deux CD conçus spécialement pour les lycéens, accompagnés d’un livret qui résume et éclaire les interventions. « À une question philosophique, fournir les éléments de sa solution en trois minutes et demie ! L’exercice pour le philosophe habitué à des séquences autrement plus longues, n’est pas sans péril. Mais parce que je crois aux vertus de la parole concise, j’ai accepté de relever le défi en m’adressant au grand public. »
http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/01076825/0/fiche___ressou[…]
Pas de vacances pour la philo
Associer à un philosophe antique une image lui correspondant, imaginer les équipes de la partie de pétanque épicuriens versus stoïciens, retrouver dans une liste des problèmes philosophiques : voilà quelques uns des exercices que propose le Cahier de vacances Philo de Sophie Fromager et Patricia Laporte.
Ce n’est pas le cahier de vacances classique qui s’adresse aux seuls lycéens et vise la révision (impossible ici !) ou la préparation scolaire à un programme. A travers ces exercices, des pensées philosophiques et des informations sur les philosophes, le cahier initie à la réflexion philosophique et tente de nous apprendre à penser. Et même pire encore : il nous apprend à faire la bonne vieille dissertation.
Les lycéens y trouveront une approche originale et efficace de la philosophie. Les professeurs de bonnes idées d’exercices. Les parents, de sacrés casse tête. Trois bonnes raisons pour découvrir ce Cahier !
Sophie Fromager et Patricia Laporte, Cahier de vacances Philo, CNRS éditions.