Par François Jarraud
Qui veut tuer l’enseignement de la philosophie ? Luc Ferry sans doute qui dans La Croix se livre à une démolition en règle de cette discipline qu’il a lui-même enseignée. La réforme du lycée pourrait faire le reste.
Un sondage réalisé par La Croix et ses commentaires ont porté l’enseignement de la philosophie sur la place publique. Selon le sondage, l’opinion publique est à peu près divisée en trois parties. Un tiers des français souhaite rendre la philosophie obligatoire en première. Il s’agit plutôt des CPS supérieures, cultivées et à gauche (ou écologiste). Un nombre équivalent souhaite en faire une option. Il s’agit de l’électorat de droite, de niveau bac, plutôt jeune. Enfin un français sur dix souhaite sa disparition. Il s’agit de l’extrême-droite de niveau éducatif faible. Les autres (20%) sont pour le maintien du statu quo actuel. Le quotidien décrit des professeurs de philosophie sur la défensive face à la réforme des lycée qui pourrait rendre la discipline optionnelle.
Dans un article, Luc Ferry, ancien ministre et professeur de philosophie, estime que « globalement la philosophie est très mal enseignée » et il demande la suppression du programme actuel au bac, programme qu’il a quand même porté comme ministre…
Car pour Luc Ferry, « la vérité, c’est que la philosophie n’a à peu près aucun rapport avec ce qu’on enseigne en terminale ». Il revendique à la place de la découverte des notions, un enseignement de l’histoire des idées. « Ce qui serait passionnant pour les élèves, ce n’est pas ce vague exercice «d’étonnement», de « réflexion » ou « d’esprit critique » qu’on leur demande d’avoir sur les notions au programme – l’espace, le temps, le beau, le vrai, la justice… – mais de découvrir les grandes visions du monde qui ont scandé l’histoire de la pensée ».
Il dénigre au passage l’enseignement de la philosophie à l’école primaire. « Les enfants sont trop jeunes pour ne pas être la proie d’un apprenti gourou et si l’on s’en tient à quelques discussions générales sur des «grands sujets», il vaut mieux parler d’instruction civique plutôt que de philosophie ».
L’ancien ministre subit à son tour les critiques. Ainsi Jean-François Chazerans estime que « quoi qu’en pense Ferry la scolastique n’est pas tant un apprentissage par notions que par auteurs. C’était, en particulier Aristote, qui était l’auteur de référence universelle et indépassable ». Avant de ramener l’ancien ministre dans le monde réel du bac. « Cette année j’ai 12,5 jours pour corriger 120 copies. Ce qui me fait une moyenne de 9,5 copies par jour. Soit presque 5 heures (si on ne compte pas le samedi et le dimanche : 7 heures de correction par jour !). Dans ces conditions : professeurs de classes préparatoires qui ne connaissant que l’élite et qui sont enclins à noter plus sévèrement et manque évident de correcteurs, l’arbitraire n’est-il pas la règle ».
Article de L. Ferry
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2340440&rubId=786
Article de JF Chazerans
http://philosophant.free.fr/article.php3?id_article=94
A lire aussi cet entretien entre François Bégaudeau et Luc Ferry dans Philomag
« F.B. Vous renvoyez dos à dos républicains et pédagogues. A mes yeux il n’y a pas symétrie. Si ma sympathie va plutôt aux seconds, c’est qu’ils me semblent moins idéologues que les premiers… Ce qui l’a porté, c’est davantage le souci de sauver des élèves en perdition qu’une idéologie « sympathoche » du type : « Les enfants sont tellement cool, cessons de leur faire violence en leur imposant un héritage ! » De fait, quand je fais un cours magistral, j’ai dix élèves qui suivent, dix qui ne comprennent pas et dix qui dorment. La pédagogie a été inventée pour ces deux dernières tranches…
L. F. : Je ne suis pas d’accord. L’idée selon laquelle il faudrait fabriquer des hameçons pour aller chercher les corps représente l’illusion pédagogiste par excellence. Il est faux de croire qu’on va travailler parce qu’on est motivé. C’est généralement l’inverse : on est motivé parce qu’on a travaillé. Ne nous intéresse vraiment, paradoxalement, que ce à quoi nous avons beaucoup travaillé, parfois par contrainte ».
http://www.philomag.com/article,dialogue,francois-begaude[…]