S’appuyant sur une enquête réalisée auprès de près de 20 000 enseignants du primaire, le Snuipp, premier syndicat du primaire, demande la suppression en 2013 de l’aide personnalisée jugée inefficace par 80% des enseignants.
Quel est le cycle de vie d’un dispositif d’aide dans l’éducation nationale ? 4 ans ? 5 ans ? Les formes d’aide se succèdent avant de sombrer dans un échec parfaitement prévisible. A cela de vrais motifs : l’aide est payante politiquement. Elle a parfois curieusement une rentabilité gestionnaire.
Naissance du dispositif
L' »aide personnalisée » imaginée par Xavier Darcos en 2008 pouvait prétendre atteindre ces deux objectifs. Réservée aux seuls élèves en difficulté, elle permettait de libérer le samedi matin et de satisfaire les parents des classes moyennes et supérieures en mal de week end. Mais le principal objectif était un tour de passe passe sur les emplois d’enseignants. A partir du moment où un temps d’aide « personnalisée » était instaurée à l’école, à quoi servaient les enseignants spécialisés des Rased ? Cette argumentation a été servie aussi bine par X Darcos que par L Chatel et a justifié la récupération de milliers d’emplois de Rased.
Aujourd’hui l’aide personnalisée touche plus d’un million d’enfants. Parmi eux 322 000 bambins des écoles maternelles dont le temps de récréation est amputé par une aide scolaire. Dans la plupart des cas elle prend la forme de 4 fois 30 minutes par semaine prises sur le temps de déjeuner de l’enfant. Sinon c’est 3 fois 40 minutes. Elle alourdit d’autant des journées déjà très longues du fait de la semaine de 4 jours pour des enfants qui ont déjà du mal à trouver leur place à l’école.
80% d’avis négatifs
Selon l’enquête du Snuipp, menée auprès de 18 625 professeurs des écoles, 80% des enseignants jugent l’aide personnalisée inefficace. En mars 2012, le sondage réalisé par le Café pédagogique auprès d’un échantillon plus faible trouvait 89% de mécontents. Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, explique que cette aide s’applique uniformément à tous les enfants et tous les territoires sans tenir compte des différences. Les enseignants la jugent inadaptée pour les enfants ayant des difficultés qui relèvent de l’enseignement spécialisé. Et une majorité réclame plus de moyens pour les Rased. S. Sihr signale aussi que l’aide est uniforme selon les territoires. Or si dans un centre ville aisé elle ne concerne que 5 ou 6 enfants par classe, ailleurs c’est les deux tiers de la classe qui auraient besoin d’un coup de main. Enfin l’aide rallonge de façon assez cruelle la journée scolaire et fatigue des enfants déjà en difficultés. Les enseignants constatent qu’elle rogne les moments de discussion entre professeurs et nuit au travail d’équipe. L’aide est d’ailleurs gérée majoritairement au niveau de la classe sans coordination par cycle. Ajoutons qu’en 2011, un rapport de l’Inspection générale sur l’aide personnalisée n’a pas trouvé d’impact positif.
Pour autant les enseignants y trouvent aussi de l’intérêt. D’ailleurs une première enquête du Snuipp réalisée un an après sa mise en place trouvait une majorité d’enseignants en faveur de ce dispositif. En 2012, les enseignants disent apprécier le travail en petit groupe et la relation différente avec l’enfant. L’aide personnalisée permettrait par exemple d’aider les enfants « petits causeurs ».
Une suppression en 2013 ?
N’empêche. Pour le Snuipp, le dispositif doit disparaitre à la rentrée 2013. Le syndicat souhaite à la place un volant de maitres surnuméraires capables d’encadrer sur le temps scolaire ordinaire et dans la classe un groupe d’élèves. C’est ce qu’il appelle le « plus de maîtres que de classes ». Un dispositif de ce type a été essayé il y a 10 ans avec des résultats jugés « indécelables » par la Depp (ministère de l’éducation nationale). Le Snuipp rappelle que la France compte peu d’adultes pour encadrer les enfants au primaire par rapport aux autres pays de l’OCDE. C’est aussi ce qui justifie le slogan « plus de maîtres que de classes ».
Alors que faire des deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée ? Le Snuipp les verrait bien intégrées au temps de service des enseignants pour de nouvelles missions comme l’accueil des parents ou la coordination des équipes. Comment s’inscrirait la suppression de l’aide personnalisée dans une réforme des rythmes scolaires ? La neuvième demi journée deviendrait-elle celle de ce temps des nouvelles missions ?
Les parents divisés
» Il est inenvisageable que ces deux heures dédiées aux élèves disparaissent… pour de mauvaises raisons », estime la Peep. Valerie Marty, présidente de la seconde association de parents d’élèves, défend l’aide avec énergie. « Elle a un effet positif pour l’estime de soi mise à mal par les difficultés scolaires », nous explique t-elle. Cet avis n’est pas partagé par la Fcpe. « L’aide doit avoir lieu durant les heures de classe », nous déclare Jean-Jacques Hazan, président de la Fcpe. « On n’est pas favorable à une demi heure ajoutée aux enfants qui ont du mal pour els empêcher de déjeuner avec les copains ». Si les formes d’aide se succèdent régulièrement dans le système éducatif c’est qu’en effet l’aide séparée de la classe est rarement efficace. Mais dans la classe on rencontre la difficulté à gérer l’hétérogénéité. Aider n’est pas aussi simple qu’il parait.
François Jarraud