Enseignements professionnel : quelques données
Le dossier 75
d’Educations et
Formations (octobre 2007) donne des éléments
statistiques
précieux sur l’enseignement professionnel
Combien de divisions ?
Après
quelques années de baisse au début des
années
2000, les effectifs d’élèves sont à
nouveau
à la hausse, et l’augmentation du nombre
d’élèves
scolarisés en apprentissage est moindre que dans les
filières scolaires ordinaires.
Quelles
formations, quelles filières ?
Contrairement
à ce qu’on pourrait penser (et c’est un
élément
qui est sans doute à prendre en compte dans les
évolutions à venir avec la mise en place des bacs
pro en
trois ans), le pourcentage d’élèves
préparant un
CAP a augmenté de près de 30% en 10 ans, soit
deux fois
plus que l’augmentation des élèves qui
préparent
un bac professionnel. C’est le BEP qui a du mal à garder sa
place : manifestement, tous les élèves qui le
peuvent
cherchent à suivre un Bac Pro plutôt qu’un BEP, le
CAP se
transformant progressivement en filière très
hétérogène. Suivant les
métiers
préparés, ce peuvent être des
diplômes
très techniques s’adressant à des
métiers à
forte technicité, ou au contraire des filières de
plus en
plus destinées à recevoir les
élèves en fin
de scolarité après un parcours difficile :
élèves issus de SEGPA et EREA notamment.
Si
on fait
une comparaison à dix ans, on n’est pas surpris de constater
que
les filières de service ou d’aménagement
augmentent,
alors que celles liées à la production sont en
baisse.
C’est un corollaire logique à l’évolution de la
structure
des emplois.
Mais
ce qui
frappe le plus dans l’univers de l’enseignement professionnel, c’est
l’extrême division de genre selon les filières.
Qui n’a
jamais fréquenté un établissement
préparant
aux métiers de l’industrie ou du bâtiment ne peut
imaginer
l’incroyable impression que donne une cour ou un réfectoire
composé en immense majorité de
garçons, avec
toutes les conséquences qui peuvent en découler
sur les
comportements, les refoulements, les modes de civilité ou de
socialisation.
Cependant, la proportion de
filles
augmente régulièrement. En dix ans, la
part des
filles est passée de 46% à 51%. Tous les niveaux
de
scolarité y contribuent, mais c’est surtout les formations
de
niveau IV où l’augmentation est la plus forte.
Qui sont les PLP ?
Recrutés
à 62% par
concours externe, les PLP actuels sont hétérogènes
en terme de diplôme : un tiers de bac+2, un tiers de bac+3,
le
troisième tiers se partageant entre bac+4 et bac+5. En
effet, la
condition de recrutement (licence) peut être
contournée
par cinq années de cadre dans le domaine professionnel
concerné.
Malgré l’évolution du recrutement, environ la moitié des
enseignants de LP a eu une expérience professionnelle dans
le privé.
Selon l’enquête de la DEP, la diversité
de leurs
parcours personnels fait même que six sur dix n’ont
pas eu
de formation initiale d’enseignant.
Lorsqu’on les
interroge sur leurs parcours
scolaires, les PLP se distinguent de leurs
collègues de collège et lycée
généraux par une plus grande diversité
des profils scolaires : si un sur deux a fait une filière
générale, presque un sur trois a fait un bac
technologique. Ils se déclarent davantage « bons
élèves »
qu’excellents. Ils sont un peu plus nombreux à
avoir
l’expérience du redoublement, et
n’enseignent pas
forcément dans la discipline où ils excellaient
(d’autant plus que certains sont bivalents).
Socialement, les enfants de
cadres
supérieurs sont moins représentés que
dans
d’autres corps d’enseignants : un PLP sur quatre
est fils
d’ouvrier, presque autant d’artisan ou
commerçant.
Contrairement aux autres
corps d’enseignants, les hommes
sont majoritaires (51%)
Par contre, dans ce
qu’ils énoncent comme
éléments de motivation
au métier, les réponses sont relativement
équivalentes à celles de leurs
collègues PLC : 57%
« pour la
discipline qu’ils enseignent »,
juste avant la transmission des savoirs et le contact avec les
élèves. Huit sur dix citent « le
plaisir de
transmettre », sans que l’enquête
précise la
part, dans la transmission, de ces « gestes de
métier
» que possèdent les ex-professionnels
chevronnés.
Si la plupart se
déclarent satisfaits
de leur métier (87% « satisfaits » ou
«
très satisfaits »), ils sont presque autant
à
être préoccupés par « le comportement des
élèves »
(passivité, démotivation ressentie). Six sur dix
s’inquiètent de «
la difficulté à les faire tous progresser
» et presque un sur deux ressent « une
complexité des missions demandées à
l’enseignant« , soit une part sensiblement plus
forte que les PLC.
Et quand on leur demande les raisons des
difficultés des élèves,
quatre sur dix citent «
le manque de goût pour découvrir et apprendre
», autant «
les problèmes sociaux ou familiaux ».
La «
difficulté à rester concentré
»
est unanimement considérée comme une cause de
l’indiscipline, l’autre obstacle au travail des
professeurs
étant «
la maîtrise insuffisante des savoirs de base par les
élèves » ou «
l’hétérogénéité
». Le décalage entre la « culture »
des enseignants et celle des élèves
apparaît dans l’enquête comme source de
« malentendu
», et les critiques contre les « programmes trop
abstraits » sont nombreuses.
Pour faire évoluer
les conditions de travail, on cite majoritairement « la formation
» et le «
travail d’équipe », voire
« plus de
soutien de l’inspecteur ou de l’institution ».
L’enquête du SGEN :
confirmation et précisions.
Mais l’intérieur de la classe reste invisible…
Une récente enquête réalisée
par le SGEN-CFDT
auprès des professeurs de l’enseignement professionnel
permet de
compléter le portrait. A noter, et c’est
étonnant, que le
syndicat n’a pas pris la peine de questionner les enseignants sur
l’état de leur moral, de leur satisfaction professionnelle.
Les
questions font une revue des conditions matérielles de
travail.
Concernant les effectifs,
plus
d’un enseignant sur deux est globalement satisfait du nombre
d’élèves par classe, mais ce taux est
à regarder
de plus près : c’est dans l’enseignement
général
que le taux de satisfaits est le plus faible, sans doute aussi parce
que ces enseignants sont ceux qui rencontrent le plus souvent les
problèmes de mise au travail des
élèves, qui
s’amplifient avec l’effectif…
Du côté des locaux,
pas de problème majeur pour deux tiers des
réponses, les
autres considérant, surtout dans les secteur industriel,
qu’ils
pouvaient être source de problème ou de danger
potentiel.
80% jugent en outre que l’entretien est correct ou satisfaisant.
L’équipement des salles de travail,
généralement
perçu comme insuffisant (plus de 54%) est jugé
plus
positivement dans le secteur tertiaire que dans l’enseignement
général ou dans le secteur industriel.
Le temps passé dans l’établissement est
sensiblement
différent selon l’ancienneté dans le
métier, si on
en croit ce que déclarent les enseignants : 45% des moins de
35
ans déclarent y passer plus de 27 heures par semaine, quand
leurs ainés se situent plutôt dans une fourchette
inférieure. Signe de plus de volonté de
s’économiser, ou marque d’un changement de posture
professionnelle des plus jeunes, acceptant davantage de travailler
ensemble dans l’établissement ? L’enquête n’en dit
rien.
Si le temps d’enseignement est jugé très
majoritairement
comme « correct », une demande s’exprime de travail en petits groupes, en
dédoublement, notamment pour l’enseignement
général. Conséquence logique, ces
enseignants sont
aussi ceux qui déclarent avoir le plus de mal à
« boucler
le programme » (64%), ce qui est là aussi, sans doute,
l’expression de la difficulté à faire progresser
les
élèves dans les compétences « de base »
du
lire-écrire…
Pour ce qui est de l’organisation
pédagogique,
le questionnaire détaille deux questions vives dans les
établissements professionnels : le contrôle en
cours de
formation (CCF)
et les PPCP
(projet pluridisciplinaire à caractère
professionnel).
Ces deux dispositifs interrogent en effet les manières de
faire
des enseignants, notamment parce qu’elles demandent de prendre en
charge de nouvelles façons d’évaluer ou
d’enseigner. La
grande hétérogénéité
des classes étant très massivement
citée comme un
souci professionnel fort, on ne sera pas étonné
que les
enseignants mettent d’abord en avant la demande de temps que
génère ces presciptions : temps pour se
réunir,
temps de préparation, difficultés à
trouver
des salles pour travailler en équipe ou avec les
élèves.
Paradoxalement, les « difficultés
pédagogiques »
(on pourrait considérer qu’il s’agisse de
difficultés
à inventer de nouvelles manières de faire) sont
souvent
citées loin
derrière
les difficultés matérielles, comme ci elles
étaient masquées par des
préoccupations plus
concrètes. Pourtant, le faible taux de réponse
aux
questions sur la mise en œuvre des PPCP semble rejoindre les
conclusiosn de Françoise Lantheaume sur le travail des
enseignants de lycée professionnel : ce type de
modalité
de travail semble encore très difficile à mettre
en
œuvre, pour des raisons nombreuses, bonnes ou mauvaises…
Dans l’analyse de son
enquête, le SGEN préconise donc des
mesures qui concernent largement les conditions de travail
(comités d’hygiène et de
sécurité, choix
des équipements concerté avec les
équipes…).
Mais, traditionnellement porteur de demandes d’évolutions
pédagogiques, le SGEN réclame aussi des modifications dans l’organisation
du travail des enseignants afin de favoriser le travail
collectif et l’engagement dans l’établissement : « le
service enseignant établi uniquement sur les heures de cours
n’a plus de sens. Le Sgen- CFDT revendique un service
«
toutes tâches comprises », qui reconnaît
les
investissements des personnels, qui intègre les
activités
pédagogiques et les engagements dans le fonctionnement de
l’établissement » conclut-il.