Par François Jarraud
A la veille de la publication des « Indicateurs des lycées », la bible des parents d’élèves de 3ème, alors que les parents des élèves de CM2 finissent de remplir leur demande d’affectation en collège, comment se passent les affectations ? Pour y aller voir de plus prêt, nous avons choisi le cas parisien. Pas seulement parce que le territoire académique est marqué par d’énormes inégalités. Mais aussi parce que Paris montre qu’on peut lutter contre la ségrégation et ramener de la mixité dans les établissements.
« Notre but c’est que la mixité sociale soit bien en place« , nous confie Philippe Fatras, directeur académique des services de l’éducation nationale chargé du second degré (Dasen2 en jargon de la rue de Grenelle). Le but reste toujours à atteindre. Mais de nets progrès ont été faits pour le lycée malgré un territoire très contrasté. Dans un récent rapport réalisé pour la Halde et la Depp, Marco Oberti, Edmond Préteceille et Clément Rivière ont fait le diagnostic de la carte scolaire à Paris et en banlieue pour les collèges. La ségrégation y semble à la fois ethnique et sociale, la première dimension étant la signature la plus claire des inégalités. On trouve à Paris une vingtaine de collèges à population issue des classes supérieures (71%, trois fois plus de cadres que la moyenne) et très peu d’étrangers (à l’exception d’asiatiques). A l’autre bout 18 collèges recueillent une population française très sous représentée et des catégories sociales très populaires. Entre les deux une soixantaine de collèges à population « moyenne ». « 60% des élèves sont scolarisés dans des collèges fortement polarisés », écrivent le sauteurs. Cette polarisation incombe bien davantage aux catégories sociales supérieures qu’aux classes moyennes. L’indice de dissimilarité le plus fort revient aux enfants de policiers et de militaires. La ségrégation scolaire est plus forte que la ségrégation de la population. « La ségrégation scolaire des étrangers des catégories populaires est nettement supérieure à leur ségrégation résidentielle », expliquent les auteurs.
Au niveau des collèges, la procédure d’affectation dépend en priorité de la résidence et se fait sur des secteurs de taille assez petite. « On a en moyenne 3 600 demandes de dérogation », précise P Fatras. Sur 15 000 affectations c’est un pourcentage particulièrement élevé. « Mais on n’en accorde que 900 » , un pourcentage très inférieur au taux moyen (proche de 90%), faute de place. A défaut d’obtenir une place dans le collège de leur choix, les parents qui veulent contourner l’établissement du secteur se tournent vers le privé. « L’académie lutte contre la ségrégation en affectant des moyens différents aux collèges selon leur composition sociale », explique P Fatras. Le H/E, indicateur vedette des dotations horaires, varie de 1 à 31 selon les établissements. Malgré tout, une étude réalisée par G Fack et J GRnet conclue que « l’étude spécifique des arrondissements où se concentrent les collèges « ambition réussite » suggère cependant qu’à Paris, comme dans le reste de la France, (l’assouplissement de la carte scolaire) a contribué à accentuer l’évitement des collèges les plus difficiles ».
Au niveau des lycées, l’affectation des élèves est gérée informatiquement depuis 3 ans. Le découpage de l’académie en seulement 4 secteurs radiaux favorise la mixité sociale en mettant en concurrence les enfants des quartiers bourgeois du centre avec ceux des zones plus (ou même très) populaires de la périphérie. « Les parisiens ont le plus grand choix de toute la France », souligne P Fatras, puisque chaque district compte une dizaine de lycées. Le barème d’affectation est public : 600 points pour la résidence, 600 pour les résultats scolaires, 300 pour une bourse. L’académie procède à un lissage des résultats pour diminuer les inégalités entre établissements. 95% des élèves sont affectés dans leurs 6 premiers voeux.
Le résultat se lit dans l’étude de G Fack et J Grenet pour l’Ecole d’économie de Paris. « Les analyses réalisées à partir des données portant sur les élèves scolarisés en sixième dans l’académie de Paris ne mettent pas en évidence de rupture marquée après l’assouplissement de la carte scolaire », notent-ils. Le mérite n’en revient pas à l’assouplissement mais à Affelnet, la procédure informatisée, » qui a bouleversé les règles d’affectation des élèves dans les différents lycées de la capitale ». « Tout en élargissant considérablement l’éventail des choix d’affectation », continuent Fack et Grenet, « ce système a permis de réduire significativement la ségrégation scolaire dans les lycées parisiens en favorisant l’accès des élèves boursiers aux meilleurs établissements publics. Ces résultats suggèrent que le système de choix scolaire régulé mis en place à l’entrée en seconde dans l’académie de Paris permet de concilier plus efficacement la liberté de choix des familles avec la réduction des inégalités scolaires que l’assouplissement de la carte scolaire tel qu’il fonctionne aujourd’hui à l’entrée en sixième ». Aujourd’hui les lycées parisiens comptent en moyenne 30% de boursiers, un critère qui reste imparfait, car les boursiers à taux zéro appartiennent aux classes moyennes.
Détricotage. P Fatras doit faire face chaque année à des recours devant les tribunaux administratifs. Et aussi à la grogne des parents. « J’ai un millier d’amis en juin et je les perds très vite en juillet » ironise-t-il. La convergence de vues entre l’académie, les associations de parents et la Ville de Paris montre qu’une régulation efficace peut limiter le détricotage du tissu social.
François Jarraud
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