« Quand on touche à l’évaluation, on touche à beaucoup de facteurs liés à l’enseignement ». C’est pourtant le projet qu’ont mené Sylvain Connac et Pierre Cieutat (Lirdef – Pidapi) dans une trentaine de classes de l’enseignement catholique de la région toulousaine. Dans un ouvrage (Coopération et évaluation. Pour ne décourager aucun élève, Chronique sociale), ils montrent comment le changement s’opère dans la classe en s’appuyant sur une nouvelle évaluation : la boucle évaluative. Sylvain Connac revient sur cette recherche.
Le livre raconte l’expérience menée dans des classes de la maternelle à l’élémentaire. Quel a été votre rôle dans ce projet ?
L’enseignement catholique autour de Toulouse voulait impulser une dynamique d’accueil de tous les élèves avec une pédagogie associée à l’école inclusive. Mon rôle, avec P Cieutat, a été de piloter une recherche collaborative avec une trentaine de professeurs des écoles qui ont ouvert leur salle de classe et ont participé à la recherche. Elle a duré 4 ans durant lesquels j’ai animé 3 journées par an pour réflechir sur la pédagogie et l’organisation de la recherche.
L’ouvrage présente des enseignants et on voit qu’ils ont des pratiques pédagogiques très différentes. Comment s’est constitué ce groupe ?
A partir d’un appel au volontariat sur l’idée de réfléchir à une évaluation qui ne découragerait aucun élève. Nous avons eu beaucoup de réponses positives . Il a fallu sélectionner des écoles. Le point commun entre ces enseignants c’était de vouloir participer à un changement pédagogique dans la classe. Certaines écoles avaient encore des notes et des classements. D’autres avaient d’autres évaluations où les parents ne s’y retrouvaient pas. Finalement le trait d’union c’est de proposer des modalités d’une évaluation alternative avec le principe de la boucle évaluative.
C’est quoi la boucle évaluative ?
C’est rompre avec le principe de l’évaluation « one shot » où quand on rate c’est tant pis. Avec la boucle évaluative on peut refaire et on ne valide que ce qui est réussi.
Comment met on en place une pédagogie coopérative dans son école ? Qu’ont fait ces enseignants ?
La coopérative découle de la boucle évaluative et c’est un élément très fort. Si on autorise l’élève à reprendre son entrainement après une évaluation ratée ça ne peut pas reposer que sur l’épaule de l’enseignant. Les élèves d’appuient sur leurs camarades qui ont réussi et c’est de la coopération. C’est une façon de faire face à l’hétérogénéité devant la réussite.
On est dans l’enseignement catholique avec des élèves favorisés. Cette pédagogie c’est seulement pour les enfants favorisés ?
Toutes les écoles concernées n’ont pas un recrutement favorisé. Avec les familles favorisées on n’aurait même pas besoin de développer ce type de pédagogie. L’idée de ce projet était aussi de renverser l’image de l’enseignement catholique proposant des pédagogies élitistes. Le projet n’a d’ailleurs pas toujours été bien accueilli par tous les parents. Certains craignaient que leur enfant ne soit pas bien préparé à la dureté du collège. Ce discours existe toujours.
Mais beaucoup de parents au bout de 3 ans se sont rendus compte que cela prépare leur enfant pour le collège en terme de niveau scolaire. Ils voient que leur enfant est allé le plus loin qu’il pouvait.
A la différence des enseignants, peu de parents s’expriment sur l’altruisme, la capacité à travailler avec les autres avec cette pédagogie. Mais les parents font remonter le plaisir qu’a l’enfant à aller à l’école et à fournir des efforts pour apprendre. Et c’est une bonne préparation pour le collège.
Quelle conclusion tirez vous de cette recherche ?
On a eu de la chance d’avoir plusieurs années devant nous. Car quand on touche à l’évaluation, on touche à beaucoup de facteurs liés à l’enseignement. Il faut bien 2 ou 3 ans por accompagner un changement pédagogique.
Propos recueillis par F Jarraud
Pierre Cieutat et Sylvain Connac, Coopération et évaluation. Pour ne décourager aucun élèves. Recherche collaborative en école primaire. 40 praticiens chercheurs. Chronique sociale ISBN 978-2-36717-746-5. 14€