Interview de Rémi Thibert
Rémi Thibert était PLP Anglais-Lettres sur l’académie de Lyon. Il a participé pendant cinq ans à un groupe académique de formateurs autour des TIC et des langues vivantes et maintenant il intervient depuis trois ans sur la partie TICE d’un master 2 « didactique des langues et TICE » à l’université Lyon 2. Il est actuellement détaché auprès du service de la Veille Scientifique et Technologique de l’INRP et a accepté de nous aider à comprendre ce qu’est le Web 2.0.
Question: En quoi consiste votre travail?
RT : « Le service de la VST assure des missions d’observation et de cartographie de l’actualité de la recherche en éducation ainsi que de capitalisation et de diffusion de ses résultats, à travers les Dossiers d’Actualité et les rubriques de signalement. Sans être spécialisé, je surveille en particulier ce qui touche aux TIC et au web2.0. Pour plus d’infos, voyez le blog de la VST. »
http://www.inrp.fr/vst/blog/vst/
Q : Espérons que les missions de la VST continueront dans le nouvel INRP intégré à l’ENS de Lyon ! Mais revenons au Web 2.0. Pour vous, que signifie Web 2.0?
RT : « Quel drôle de nom qui laisse à penser qu’il existe un web 1.0! On peut aussi trouver l’appellation « web social ». Il s’agit non pas d’avancées technologiques mais plutôt d’usages différents : le web 2.0 fait référence à ces outils qui permettent de co-produire du contenu directement en ligne, en laissant des commentaires (sur des blogs, des forums), en rédigeant de manière collective (wiki), en indexant (marque-pages en ligne), en diffusant (microblogging, réseaux sociaux), bref en étant co-acteur dans différents réseaux qui peuvent se chevaucher. A titre d’exemple, j’utilise beaucoup Twitter, Facebook, Netvibes (flux RSS) et Diigo (marque-pages en ligne) à des fins professionnelles, à la fois comme outils de veille mais aussi de diffusion. Ils viennent en complément d’un site et d’un blog alimentés par une équipe.
Parmi les outils web 2.0, nous pouvons aussi mentionner les flux RSS, les plates-formes de diffusion de vidéo, les services de podcast, les plateformes autour d’un projet (e-Twinning par exemple) etc. Tous ces outils permettent le partage et l’échange entre internautes qui sont identifiables (grâce à leur profil, qui peut être un pseudonyme ou un avatar). Pour une définition plus précise, il est possible de se reporter aux écrits de Tim Reilly (2005) qui est à l’origine de l’appellation « web 2.0 » ou de Anderson (2007).
Les outils web 2.0 sont un formidable atout pour l’enseignement-apprentissage, notamment pour les langues vivantes. Je suis en train de terminer un dossier sur le sujet. Suite à mes lectures, il apparaît que bon nombre de rapports et de recherches indiquent que ces outils ont un fort potentiel pédagogique. A condition que leur utilisation soit bien réfléchie. En fait, lorsque l’on parle de TICE, j’ai l’impression qu’il faut distinguer entre les usages et outils qui maintiennent, voire renforcent, une approche traditionnelle et transmissive de l’enseignement en faisant la part belle au behaviorisme d’une part, et ceux qui favorisent une posture socioconstructiviste d’autre part. Je pense que le web 2.0 fait davantage référence à ces derniers. Je citerai Guichon dans un ouvrage à paraître : « Non seulement les TIC ne transforment pas les pratiques pédagogiques par leur seule présence, mais le recours aux technologies semble même souvent amplifier les pratiques existantes des enseignants, accentuant la posture transmissive de certains et les confortant dans une démarche néo-béhavioriste, ou encourageant d’autres, déjà avides d’expérimentations, à monter des projets pédagogiques selon une approche socioconstructiviste » (Guichon, à paraître).
D’après Puren, pour qu’une méthodologie s’installe dans la durée, il faut qu’il y ait convergence entre les innovations didactiques et les innovations technologiques. La philosophie du CECRL est en phase avec les possibilités technologiques du web 2.0. En effet, dans la perspective actionnelle, l’élève est un « acteur social » qui mène à bien des projets. Les outils du web 2.0 permettent de mettre en œuvre des situations authentiques d’échange, de création, de partage, etc. Pour Guichon, l’approche par tâches permet de tirer le maximum de ces outils. Sans elle, les TIC risquent de se cantonner à des apprentissages de bas-niveau. »
Q : pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets ?
RT : « Voici quelques liens concernant des expériences web 2.0 en classe :
Le numéro 482 des Cahiers pédagogiques consacré au web 2.0, avec un article écrit collectivement grâce aux réseaux sociaux :
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?page=numero&id_article=6882
Des dossiers proposés par le site québécois Profweb sur notamment les blogs, les wikis, les forums, la visioconférence, le portfolio, etc. :
http://www.profweb.qc.ca/fr/publications/dossiers/liste-des-dossiers/index.html
A propos de Twitter
« How to use Twitter for social learning » : quelques pistes pour la prise en main de Twitter et pour des usages pédagogiques (en anglais)
http://c4lpt.co.uk/140Learning/twitter.html
interview à Ludovia
http://www.dailymotion.com/video/xek8ln_causerie-a-ludovia2010-avec-laurenc_school
article sur Thot
http://www.cursus.edu/?module=document&uid=71496
– expérience en FLE à l’université de Lille
http://davidcordina.free.fr/?p=292
A propos du partage de signets en ligne (social bookmarking)
Entretien avec Michèle Dreschler sur Thot :
http://www.cursus.edu/?division=5&module=document&uid=71460&0=
Mode d’emploi de Diigo sur le site de l’URFIST :
http://wiki-urfist.unice.fr/wiki_urfist/index.php/M%C3%A9moriser/Diigo
Q: Vous participez à un projet européen : pouvez-vous dire en quoi il peut aider les profs de langues?
RT : « Dans le cadre de mon travail, je participe effectivement à un projet européen intitulé « Language learning and social media : 6 key dialogues », qui associe quatorze partenaires de plusieurs pays européens. L’objectif est d’explorer l’usage des médias sociaux (outils web 2.0) dans l’enseignement et l’apprentissage des langues en Europe à travers six thématiques différentes. Pour en savoir plus, voyez la présentation sur le blog de la VST ou sur le site officiel du projet :
http://www.inrp.fr/vst/blog/2010/05/07/inclusion-sociale-et-web-2-apprentissage-langues/
http://www.elearningeuropa.info/main/index.php?page=fix&id=38
Il s’agit de conférences en ligne (webinars), que l’on peut suivre en direct et où l’on peut intervenir par tchat. Deux conférences ont eu lieu, une sur l’intégration sociale, l’autre sur les ressources et réseaux. Tout est en ligne, y compris les articles écrits pour l’occasion, les vidéos de ces conférences et les forums.
Ce projet est susceptible d’intéresser tous les enseignants de langues dans la mesure où l’on peut découvrir ce qui se fait ailleurs que chez nous et que l’on peut partager les pratiques des uns et des autres en ce qui concerne les réseaux sociaux. Les usages varient d’un pays à l’autre. A l’occasion du dernier webinar a été publié un rapport sur les réseaux proposant des formations en langue. Y sont mentionnés les outils web 2.0, les mondes virtuels, les sites d’apprentissage, etc. (Van Dixhoorn, 2010).
Le recours aux outils du web 2.0 modifie le rôle de l’enseignant (ainsi que le statut du savoir), il devient davantage un guide, un tuteur, mais son rôle est essentiel. En effet, si le web 2.0 favorise les relations horizontales entre utilisateurs, l’enseignant est le garant d’une relation verticale indispensable pour permettre aux apprenants de prendre de la distance, d’adopter une posture réflexive sur leur apprentissage, de passer à un stade cognitif sans lequel l’apprentissage n’est pas efficace. »
Pour aller plus loin, voyez cette courte bibliographie commentée: