Par Virginie Mège
Période incontournable du programme de 4ème, le XVIIIe siècle se prête idéalement au croisement des disciplines et offre des liens naturels entre histoire et littérature, français et autres langues étrangères, vocabulaire et civisme. Il permet également d’amener les élèves à se questionner sur leur propre représentation du monde et sur la place qu’ils occupent dans ce monde, en tant que jeunes adolescents et citoyens du XXIe siècle.
Soigner l’approche
Avant d’aborder une oeuvre littéraire du XVIIIe siècle, le professeur de français a bien sûr à coeur de la replacer dans son contexte historique et culturel. Il s’appuie alors sur le cours d’histoire que les élèves ont suivi précédemment ou bien suivent dans le même temps dans la discipline correspondante. Pourtant il n’est souvent pas superflu d’interroger de nouveau les élèves. Certains pensent encore par exemple que les frères Lumières ont un lien direct avec l’appellation de ce siècle. D’autres sont capables de dire que le XVIIIe siècle est celui des philosophes qui s’étaient donnés pour mission d’« éclairer les esprits » mais, après un questionnement plus approfondi, donnent des réponses quelque peu décevantes. Ils ont appris que le XVIIIe siècle était celui des « lumières » mais souvent n’ont pas réellement compris le lien entre le mot et sa connotation. C’est alors l’occasion de faire réfléchir les élèves et de développer leur vocabulaire.
En quoi la lumière, la connaissance et l’intelligence sont-elles liées ? Une foule d’expressions païennes et religieuses peut « éclairer » (justement) le propos : « Avoir une idée lumineuse », « être brillant », « ce n’est pas une lumière ! », « faire toute la lumière sur une affaire », « Et la lumière fut. »… Les élèves réalisent alors à quel point on associe ces notions, non seulement en français mais aussi dans d’autres langues européennes (d’où les noms de « Aufklärung » en Allemagne, « Enlightenment » en Angleterre ou « Illuminismo » en Italie) et enrichissent leur vocabulaire. Il n’est toutefois pas question de s’arrêter en si bon chemin.
Etre jeune hier, aujourd’hui et demain
On peut continuer à interroger les élèves sur l’appellation donnée aux siècles précédents. Comment nomme-t-on le XVIe siècle ? C’est la « Renaissance », bien sûr ! Car enfin on s’extrait de l’ignorance et de l’« obscurantisme » du Moyen-Age. Et le XVIIe ? Il se proclame évidemment le « Grand Siècle ». Siècle des arts et du rayonnement de la France portée jusqu’à la grandeur par Louis XIV, comment pourrait-il se définir autrement ? Le XVIIIe ? Cette fois, il sera le siècle des « Lumières », puisqu’enfin les philosophes sont là pour éclairer les esprits !
Les hommes paraissent toujours pleins de certitudes et balayent d’un revers de la main le siècle qui les précède. En somme, le fils méprise toujours le père et croit le dépasser. Les générations se suivent et se ressemblent, armées toujours de la même auto-satisfaction. De même, les adolescents estiment toujours qu’ils vivent dans une époque plus évoluée techniquement et moralement que celle qu’ont connue leurs parents.
Quand on fait ce parallèle avec les élèves, ceux-ci sourient et approuvent de façon unanime. Ils réalisent alors qu’ils sont plus proches de ces « philosophes des Lumières » qu’ils ne l’auraient cru. Eux aussi espèrent être meilleurs que leurs aînés. Eux aussi ont l’intime conviction de sortir de l’obscurantisme. Pour preuve, ils se moquent des misérables balbutiements des premiers jeux vidéos de leurs parents, des premiers postes de télévision, des premiers ordinateurs…
Ils découvrent soudain qu’ils seront un jour eux-mêmes dépassés, critiqués et moqués. Le professeur peut désormais aborder les notions de « vanité humaine » et de « relativisme ».
Relativiser le XXIe siècle
« Nous autres, sur notre petit tas de boue, nous ne concevons rien au-delà de nos usages. » rappelle Voltaire dans Micromégas au chapitre 1. Certes, la société que critique l’auteur n’est pas celle d’aujourd’hui et les élèves se sentent a priori fort éloignés des tracasseries de la cour comme des menaces de bannissement propres au XVIIIe siècle. Mais enrichis de l’approche faite en début de séquence, ils admettent plus facilement que la réflexion reste d’actualité. Ils semblent mieux comprendre ce qu’est le relativisme et sont plus aptes à prendre du recul avec leur environnement.
Prenons par exemple la cravate, code vestimentaire social par excellence. Comment les générations futures jugeront-elles l’existence de ce bout de tissu que les hommes doivent obligatoirement porter autour du cou dans certains milieux professionnels ?
Les élèves découvrent que le texte de Voltaire n’est pas seulement une satire sociale propre à une époque mais un conte philosophique atemporel. Au-delà des idées, l’esprit des philosophes reste toujours vivant.
A propos des Lumières…
Pour tout connaître sur le Siècle des Lumières : le site de la BNF
http://expositions.bnf.fr/lumieres/index.htm