Peut on concilier solidarité et responsabilité ? Autonomie et pilotage par l’évaluation ? C’est tout le pari du programme éducatif d’Emmanuel Macron. Etoffé et précisé par une équipe de 15 experts, le pari éducatif de Macron prend forme. On y trouve beaucoup de continuité avec la politique menée sous le quinquennat Hollande, notamment l’engagement d’appliquer les accords PPCR de revalorisation. Et des inflexions qui tentent d’injecter dans l’Education nationale plus d’autonomie, d’évaluation, de responsabilité.
Solidarité
La mesure phare du candidat c’est la diminution des effectifs élèves en CP et CE1 en éducation prioritaire à 12 élèves par classe. E Macron en attend une nette amélioration du niveau des élèves. Celle ci avait été calculée par Thomas Piketty et Matthieu Valdenaire, à partir des cas de dédoublements constatés, dans une étude un temps censurée par le ministère de l’éducation nationale. Selon elle, la diminution de 5 élèves des tailles de classes de l’éducation prioritaire conduirait à une réduction des inégalités de réussite de 37% au primaire.
La mesure préconisée par E Macron devrait concerner tous les CP de Rep+ et la plus grande partie des CP de Rep dès la rentrée 2017, promet l’entourage du candidat. Pour cela il compte affecter les 5161 maitres surnuméraires en CP. Pour la rentrée 2018, 7 000 postes supplémentaires seront affectés à cette mesure , 5000 par création de postes (et ce seront les seuls postes créés sous le quinquennat) et 2000 par redéploiement de moyens. Voilà pour le calcul du candidat.
Il y a en fait environ 8000 classes de CP et autant de CE1 en éducation prioritaire. En CP 1500 ont moins de 13 élèves et ne sont pas concernées. Seulement 850 en comptent plus de 24. Les autres se situent entre 12 et 24. Le nombre de 12 000 postes annoncé pour appliquer la mesure semble réaliste.
Par contre il ne répond pas à la question des locaux qui dépendent des communes. Selon l’équipe d’E. Macron, les communes populaires seraient aidées par l’Etat et 200 millions seraient déjà prévus dès la rentrée 2017 pour financer des constructions de classe.
Une autre mesure concerne l’éducation prioritaire, c’est l’engagement de n’y affecter que des enseignants expérimentés. Aucun débutant ne devrait commencer sa carrière en Rep+ sauf volontariat. Pour réussir cela, E Macron veut s’appuyer sur des postes à profil. Dans le secondaire tous les enseignants de Rep+ seraient choisis par le chef d’établissement en fonction du projet d’établissement. E Macron n’est pas le premier ministre à miser sur des postes à profil pour recruter en Rep+. Aucun n’a réussi jusque là. Mais le candidat d’En Marche use d’une botte secrète : il offre une prime supplémentaire de 3000 euros aux enseignants des Rep+. Celle ci s’ajoutera à la prime de 2300 € déjà versée. Ainsi un enseignant en Rep+ gagnerait près de 500 euros de plus par mois et E Macron estime que cela devrait décider des enseignants expérimentés à venir en Rep+. Ca reste à voir…
Les autres politiques de solidarité sont nettement moins travaillées. Le candidat d’En Marche promet de continuer les expérimentations de mixité sociale au collège lancées par N Vallaud Belkacem. Il souhaite y entrainer l’enseignement catholique mais ne mise que sur la négociation pour y arriver.
La lutte contre le décrochage s’appuiera de l’aide aux devoirs donnée par des associations, des stages d’été, bref rien de nouveau.. La seule nouveauté concerne l’effort réalisé auprès des décrocheurs pour leur formation : le candidat veut lancer un plan de formation touchant un million de décrocheurs.
Autonomie ou fin des réformes ?
Avec l’autonomie on entre dans un autre champ de valeurs du candidat. C’est clairement pour le candidat un moyen de redynamiser le système éducatif . Mais c’est peut être aussi un outil pour mettre fin aux querelles dans les établissements. Car l’autonomie va d’abord s’appliquer par rapport aux réformes.
Dès l’été 2017, un décret devrait donner aux communes la possibilité d’appliquer ou non la réforme des rythmes scolaires. Elles pourront décider de revenir à la semaine de 4 jours ou non. Elles pourront aussi maintenir ou supprimer les activités périscolaires. E Macron tire un trait sur une des réformes les plus importantes et les plus contestées du quinquennat. Les aides aux communes pour financer le périscolaire seront maintenues jusqu’en 2019. Après elles seront réservées aux communes pauvres pour les aider à payer le périscolaire.
La même autonomie s’appliquera à la réforme du collège. Les établissements pourront décider d’affecter librement les 20% de a DHG qu’ils gèrent déjà en autonomie dans le cadre de la réforme. Ils pourront affecter ces moyens aux EPI et à l’AP ou à la création de parcours bilangues ou langues anciennes par exemple. L’entourage du candidat pense que les collèges qui le voudront pourront à la fois rétablir les bilangues et maintenir la LV2 en 5ème. L’exercice nous semble très difficile.
Le même principe s’appliquerait aux lycées qui pourraient utiliser librement les heures dévolues à l’AP et peut être aux enseignements d’exploration.
Le retour de la semaine de 4 jours avec de lourdes journées de 6 heurs de cours à l’école et la possibilité de voir se reconstituer des filières discriminantes au collège ne semblent pas effrayer son équipe. Quant aux rythmes différents d’une commune l’autre, il remarque que c’est déjà le cas. L’autonomie semble être avant tout un moyen de mettre fin aux oppositions des enseignants dans les établissements.
Responsabilité
C’est que le candidat centriste veut aussi mettre de l’évaluation dans le système. D’abord au niveau des établissements secondaires qui connaitront un audit tous les trois ans. L’administration pourrait en tirer des recommandations pour cibler des moyens supplémentaires pour tel ou tel établissement. Les audits seront rendus publics.
Mais E Macron veut aussi établir une évaluation nationale à chaque de la GS de maternelle à la troisième. » Nous introduirons, au début de chaque année, des bilans personnalisés, de la classe de grande section à la troisième, afin que les enseignants disposent d’une base fiable et utile pour mesurer les progrès de chaque élève, et qu’ils choisissent les meilleurs outils pour un enseignement adapté aux besoins de chacun », affirme le programme. L’évaluation Macron serait réalisée à partir d’un outil numérique et les résultats seraient donc centralisés.
L’Education nationale a déjà connu cette situation avec les évaluations mises en place par Jean Michel Blanquer qui ont été supprimées en 2012. Les enseignants ont-ils besoin d’une évaluation nationale pour connaitre le niveau de leurs élèves ? Evidemment non. Ils savent très vite à quoi s’en tenir. L’équipe d’E Macron affirme que cette évaluation permettra de faire connaitre des outils diagnostics et d’enseignement préparés par la Depp et exclut toute exploitation en ressources humaines.
A travers ces mesures c’est l’idée d’améliorer le système par l’analyse de ses résultats qui met le pied dans la porte. Tout sera donc dans les mesure d’application et d’accompagnement. Le raisonnement vaut aussi par rapport à l’imposition de ces outils, notamment au primaire.
Sélectivité
E Macron promet également une réforme du bac. Celui ci serait allégé et réduit à 4 épreuves à l’examen final, les autres disciplines étant au controle continu. Pour la candidat il s’agit » de rendre possible de nouvelles formes d’organisation du temps scolaire et de nouveaux parcours, qui prépareront mieux à la poursuite d’études et à l’insertion professionnelle ».
Ce que nous confirme l’équipe d’E Macron, c’est que cette réforme est liée à celle de l’entrée dans le supérieur. Chaque établissement supérieur pourra exiger un certain niveau dans des disciplines précises présentées à l’examen final. L’équipe d’E Macron affirme que des stages de remise à niveau seront proposés aux candidats qui n’auraient pas le niveau requis pour entrer dans telle ou telle université. On risque quand même de constater une belle surenchère entre établissements supérieurs et leur hiérarchisation s’accélérer.
Comment concilier cette mesure avec l’élévation nécessaire du taux de diplomation ? L’équipe d’E Macron lie cette réforme avec celle de la formation professionnelle. E Macron veut créer 100 000 places en licence professionnelle en alternance. La licence pro s’étalerait sur 3 ans et les étudiants seraient dans un régime regroupant les contrats de professionnalisation et l’apprentissage. L’effort financier que représente l’accès des élèves du professionnel au supérieur serait ainsi financé par les entreprises en partie. C’est une solution que G Fioraso avait avancé avant de la retirer. L’alternance serait aussi développée dans les lycées professionnels.
Métier enseignant
Quoi de neuf pour le métier enseignant ? La grade réforme c’est celle de la formation continue. Chaque enseignant devra aller en formation 3 jours par an. Ces formations seront en partie à distance en partie en présentiel. L’équipe d’E Macron n’envisage pas de remplacement des enseignants.
« Il n’est pas possible d’exercer un métier tel que celui d’enseignant sans formation continue », nous a dit l’entourage du candidat. Effectivement la demande de formation insatisfaite est très forte chez les enseignants. Mais tout est ensuite dans la mise en place réelle de la mesure. Les enseignants du primaire ont déjà une obligation de formation et ne semblent pas très satisfaits des formations qu’on leur impose…
Le candidat s’engage à appliquer les accord de revalorisation PPCR. Il s’engage aussi à ne supprimer aucun poste dans l’Education nationale mais à en créer 5 000 sous son quinquennat. Les 120 000 suppressions de postes de fonctionnaires auront lieu ailleurs.
Avec ce programme, Emmanuel Macron joue d’abord les pompiers pour éteindre les incendies allumés par les réformes récentes. Il mise sur l’autonomie et une certaine responsabilisation des acteurs pour apporter une dynamique au système éducatif. C’est une révolution culturelle pour un système très ancré dans sa culture hiérarchique. L’équipe semble penser que le moment est venu. C’est certainement là que se situe le pari d’E Macron.
Quel ministre ?
« La réforme est un art d’application ». La phrase de C Thélot est souvent cotée par A Prost. Qui aura à appliquer la nouvelle politique scolaire d’E Macron ? Officiellement les 15 experts du groupe de travail réuni par la candidat restent secrets. Mais des noms circulent y compris ceux d’élus ralliés à Macron et ministrables. Parmi eux, celui de Benoist Apparu revient régulièrement. Or B Apparu s’est intéressé aux questions d’éducation. Il a rédigé en 2009 un rapport sur le lycée qui a été salué. Il est intervenu au début de la refondation dans les débats parlementaires pour tenter d’infléchir la réforme.
Plusieurs de ses idées sont en accord avec le programme Macron. C’est le cas pour la réduction du nombre d’épreuves au bac, la création d’un cycle de spécialisation en 1ère et terminale. B. Apparu avait aussi condamné la réforme des rythmes. Sera-t-il le ministre de l’éducation d’Emmanuel Macron ?
François Jarraud
Sur la réforme du lycée de B Apparu