Par Françoise Solliec
Selon Eduscol, « le label « lycée des métiers » … constitue un indicateur d’excellence pour les voies technologique et professionnelle ». Il est donc logique que les régions reconnaissent la place de ces établissements dans la formation professionnelle initiale et continue et les équipent en conséquence, en en faisant parfois des « vitrines » admirées par les branches professionnelles elles-mêmes, y compris dans des secteurs où la technologie ne prédomine pas nécessairement.
Un label et des équipements d’excellence
Définis par un texte réglementaire de 2001, les lycées des métiers ont « vocation à être un outil essentiel de la professionnalisation et de l’insertion des jeunes et à devenir un vecteur de l’éducation et de la formation tout au long de la vie ». La région Ile-de-France a doté nombre d’entre eux d’équipements particulièrement performants, utilisés aussi bien en formation initiale qu’en formation continue.
Qu’apportent le label et les plates-formes d’équipements dans des secteurs qui ne sont pas nécessairement considérés comme technologiquement prestigieux, même s’ils s’avèrent attirants pour les élèves ? Nous tentons ici de donner une réponse à cette question au travers de deux exemples, celui du lycée Henri Poincaré Palaiseau (91), lycée des métiers de la petite enfance et des soins à la personne, plate-forme petite enfance et celui du lycée des métiers de l’automobile et du transport, lycée professionnel Château d’Epluches, Saint Ouen l’Aumone (95).
Les 830 élèves de Henri Poincaré se répartissent dans des formations allant du BEP au Bac Pro, dans un pôle tertiaire classique (secrétariat, vente, commerce) et dans un pôle sanitaire et social (petite enfance, soins aux personnes âgées, bac ST2S) pour lequel le lycée est labellisé. Il délivre également deux diplômes d’état, d’aide-soignant et d’auxiliaire de puériculture.
A l’occasion de la rénovation en 2005, l’établissement a bénéficié d’implantations d’équipements à la pointe dans le secteur petite enfance, notamment avec des tables à langer ultra-modernes, disposés de manière optimale. « Les professionnels en sont envieux » déclare le proviseur Christophe Bonnette. Il est vrai que l’établissement a su en 35 ans d’existence nouer des relation solides avec son environnement, notamment les hopitaux et les maisons de retraite, et joue d’une très bonne réputation dans ce secteur.
L’établissement bénéficie également de la conjoncture, qui lui permet de renforcer encore ses collaborations avec le milieu professionnel. En effet, la demande sociale d’ouverture de formations dans le domaine est forte et la volonté de la région est d’y réponder en mettant en cohérence l’ensemble des formations sanitaires et sociales qui sont désormais sous sa responsabilité, y compris celles qui ne relèvent pas de l’éducation nationale.
Il a fallu tout d’abord définir et répartir l’offre de formation sur le territoire, à travers l’élaboration du schéma régional des formations sanitaires et sociales, publié en juin 2008. Des groupes de travail ont donc été constitués, regroupant les opérateurs de formation et les professionnels, dans l’objectif d’accueillir davantage de publics.
Accueillir davantage, c’est bien le souhait de Christophe Bonnette, qui n’a pourtant pas à se plaindre en termes de demandes et ouvre déjà largement les plateaux techniques aux actions de formation continue d’adultes comme aux actions de découverte professionnelle des collégiens. « Mais nous avons encore un peu de marge et nous sommes prêts à ouvrir de nouvelles actions » déclare-t-il « notamment avec le GRETA de la région Massy pour proposer des formations de reconversion aux demandeurs d’emploi en milieu de carrière ».
Selon son ancien proviseur, Jean-Marie Faivre, qui l’accompagna tout au long de sa rénovation, le lycée du Château d’Epluches « offre une structure de formation originale et exceptionnelle », avec une spécialité unique, la mécanique poids lourds. « Tous les garages environnants nous connaissent et nous avons les meilleurs taux d’insertion et de réussite au niveau cinq (près de 75% des élèves) ».
Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi et si la reconstruction des bâtiments a joué un rôle essentiel, les actions pédagogiques d’accueil et de soutien très individualisé ont aussi été déterminantes. Malgré les réticences initiales d’une partie de l’équipe enseignante, frileuse par rapport au développement de l’apprentissage ou de l’alternance, la labellisation a élargi l’éventail des partenaires extérieurs, qui comptait déjà les deux « poids lourds » de la profession, l’AFT-IFTIM (Association pour le développement de la Formation Professionnelle dans les Transports Institut de Formation aux techniques d’Implantation et de Manutention) et l’ANFA (Association Nationale pour la Formation Automobile Ile-de-France), avec des entreprises comme Lada France.
Dans cet ensemble de bâtiments isolés, il est essentiel de faire se rencontrer les élèves. Ceux-ci n’entrent pas nécessairement très motivés dans l’établissement, car le Val d’Oise, le département le plus défavorisé de l’académie de Versailles, souffre d’un déficit de places en lycée professionnel et les élèves sont fréquemment orientés par défaut. Aussi deux journées d’accueil sont-elles prévues et l’on saisit toutes les occasions pour former des petits groupes et modifier leurs représentations négatives de la voei professionnelle. « Le contact avec les anciens élèves peut être déterminant » ajoute Jean-Marie Faivre « et nous les invitons à venir souvent … avec leurs camions ! »
Très reconnu par la profession, l’établissement la voit prendre son fonctionnement en grande partie en charge. Le matériel roulant « transport » (notamment 2 semi-remorques, 2 porteurs, 6 ensembles servant aux épreuves sur pistes) est mis à disposition par le biais d’une convention avec l’AFT, qui en assure également la maintenance. Il reste néanmoins à trouver les 35 000 € de gazole annuel, en général payé par la taxe d’apprentissage, « la branche professionnelle constitue aussi une cellule d’appui pédagogique et nous fait bénéficier de ressources de formation » affirme Jean-Marie Faivre.
En effet la formation d’un mécanicien automobile ou d’un transporteur poids lourd revient cher. Une mallette diagnostic coûte environ 15 000 € à l’achat et sa maintennace est de l’ordre de 2 000 €, une maquette pédagogique revient à 30 000 €, sans parler du coût des véhicules, qui sont heureusement souvent donnés par les constructeurs.
« La région a consenti pour nous des efforts financiers considérables » explique le proviseur, « 800 000 € dans le cadre de la rénovation et nous avons chaque année bénéficié de l’ouverture de nouvelle section (la dernière, en bac pro, a eu un budget de 160 000 €). Nous apprécions aussi beaucoup les aides aux élèves pour acheter leur premiers outils. Cependant, la rénovation nous a mis dans une situation de plus grande responsabilité vis-à-vis de nos bâtiments et de nos équipements et il nous faut désormais consacrer davantage d’énergie et de fonds à la prévention et à la maintenance ».
Petit à petit l’établissement évolue vers une structure de formation plus cylindrique que pyramidale, même s’il n’est pas question d’abandonner les BEP, compte tenu du niveau de nombre d’élèves à l’entrée. Les métiers de conducteurs routiers sont davantage porteurs, surtout au niveau bac, mais il reste des possibilités d’embauche en CAP dans le secteur carrosserie. Néanmoins, des demandes d’ouverture de BTS devraient se faire à terme dans les 4 filières, avec priorité à la mécanique poids lourds.