Par Julie ANNE
Deux titres ce mois-ci pour accompagner l’enfant dans ses découvertes… et pourquoi pas le professeur documentaliste curieux de Mangas ?
Qu’est-ce que tu vois?
» Qu’est-ce que tu vois? » de Marie-José Mondzain, illustré par Sandrine Martin (Gallimard Jeunesse, janvier 2008)- 18€.
Le titre est le fil conducteur de tout le récit, fictif – ou plutôt, reconstruction synthétique de divers échanges entre la philosophe et des enfants de primaire. Toutes les entrées du dialogue sont des déclinaisons de cette question primordiale – voir une image de soi, voir ce que nos yeux ne voient pas, voir ce qui n’existe pas, voir ce qu’on sent…-, et permettent d’explorer autant de supports et de confrontations au réel par l’enfant – les informations télévisées, l’art, le film…
Une des idées sous-jacentes, très intéressantes entre autres pour les Docs, est une réflexion menée tout au long sur l’idée d’avoir des » mots communs » pour pouvoir parler des mêmes choses et donc communiquer correctement – autre idée du thésaurus.
Quelques idées à relever – autant de pistes à explorer avec nos élèves : le besoin d’altérité pour (se) voir, la nécessité de distance pour mieux appréhender les choses, la question des images qui » font peur « , certaines avec plaisir et d’autres non…Ce dernier point est intéressant à approfondir lors d’une éducation à l’image, qui souvent aborde la problématique des images de violence. Une des réponses apportées ici en filigrane est avant tout de donner un espace de parole et de dialogue aux élèves, afin d’en parler, d’ échanger sur les expériences et ressentis, d’exorciser. L’auteur semble dire ainsi qu’il fait apprendre à parler, à mettre en main, pour pouvoir partager ses émotions, ces » mots qui font le lien entre l’image et la réalité « .
Ce livre – dont on notera la présentation très agréable avec des parties en BD s’insérant complètement dans le récit – peut être ainsi une bonne base de réflexion ou un bon préambule pour toute éducation à l’image ou aux médias : si il est présenté sur le site de l’éditeur comme étant à destination des élèves, il sera plus adéquat et utile comme base de travail pour le professeur, même si une lecture accompagnée de réflexions peut être menée.
Mille ans de manga
Mille ans de manga, de Brigitte Koyama-Richard (Flammarion, sept.2007) – 39€
Si vous voulez être un peu étonné(e)s…
Cet ouvrage est une grande synthèse de l’histoire du (ou de la) manga – dont on apprend au passage que le mot même a été instauré par le grand Hokusai au XIXème siècle à partir de deux idéogrammes – Man (exécuté de manière rapide et légère) et Ga (dessin). Depuis les peintures ancestrales des temples jusqu’aux estampes bien connues en Occident depuis la vague japonisante du siècle de nos impressionnistes, on découvre également, chose beaucoup moins connue, toute la verve satiriste et comique qui a alimenté son histoire, qui ont même parfois conduit à une censure du pouvoir. Une grande critique sociale, très méconnue, était également très présente et lue par les Japonais.
Tout l’essor du genre, plus connu déjà, est présenté ensuite : format d’abord proposé dans la presse adultes, puis suppléments créés pour les enfants (même chose s’est produite aux Etats-Unis), renouveau fortement teinté de nationalisme après la 2ème Guerre Mondiale, explosion dès les années 1970, genres et thèmes forts et récurrents (combativité, esprit d’équipe…).
Beaucoup de petites anecdotes amusantes parcourent le documentaire : ainsi, un certain Georges Bigot, absolument inconnu en France, mais qui sut trouver son succès là-bas au tout début du XXème siècle. Ou encore toutes ces caricatures politiques d’hommes politiques japonais du XIXème siècle, qui feront fortement penser à la démarche d’un Daumier…
De caricatures en estampes, jusqu’à la bande dessinée moderne, ce documentaire est également illustré de 400 gravures, vignettes ou reproductions, qui sont autant un régal pour les yeux qu’un sujet d’étonnement permanent.
Pour les documentalistes ou les élèves (plutôt en lycée) passionnés de mangas et de Japon.