Le projet de note de service sur le mouvement des personnels suscite un émoi important. Qu’en est-il exactement ?
Situation actuelle :Pour bien comprendre les évolutions possibles, il est sans doute nécessaire de rappeler les règles actuelles :
– les « changements de département » peuvent être décidées au moment de la phase nationale informatisée, par un logiciel national qui cherche à rendre possible le maximum d’échanges, avec un barème assez complexe. Mais il existe une seconde phase, en fin d’année scolaire, les « ineat-exeat » : chaque inspecteur d’académie peut autoriser un enseignant à « sortir » de son département ou a y « entrer ». Le changement de département se fait si l’accord des deux IA concernés se fait. Généralement, les inspecteurs d’académie n’autorisent pas la sortie si leur département est « déficitaire » (moins d’enseignants prévus que de postes donnés par le ministère), et n’autorisent pas l’entrée si leur département est « excédentaire » (plus d’enseignants prévus que de postes).
– pour les mutations intra-départementales (ce qu’on appelle généralement le « mouvement »), les modalités de changement d’affectation sont jusqu’ici très largement régies par des règles départementales, que les stratifications successives des histoires départementales avaient rendues très disparates. Les « règles » et « barèmes » départementaux sont très variables. Pour la plupart des postes, on accède au poste si on a le plus fort barème. Mais un certain nombre de postes sont régis par des règles spécifiques : des « commissions » peuvent donner des « avis » déterminants pour barrer l’accès de certains enseignants à un poste : conseillers pédagogiques, « missions », postes dans des établissements spécialisés… Rappelons également que les directeurs d’école ne peuvent être nommés qu’après avoir été retenus sur la « liste d’aptitude », et que certains postes d’enseignants « spécialisés » (maîtres-formateurs ou enseignants dans l’ASH) ne peuvent être attribué « à titre définitif » qu’aux enseignants titulaires du diplôme adéquat (CAFIPEMF ou CAPA-SH)
– la situation des débutants est traitée, là aussi, de manière différente selon les départements : parfois, ils participent au « premier mouvement » (en mai), parfois ils ne peuvent accéder qu’à la seconde phase, à partir de fin juin. Dans certains départements, des règles spécifiques leur sont imposées (pas d’affectation sur certains postes). Mais dans l’ensemble, ils sont généralement nommés sur les postes les moins attractifs et les moins pérennes (compléments de temps partiels plus souvent que postes sur zone difficile…)
Quels acquis, quels problèmes ?Evidemment, les règles actuelles correspondent souvent à des « acquis » : il s’agit d’abord de préserver « l’équité » de traitement entre les agents souhaitant accéder à un poste, c’est-à-dire de privilégier des règles « objectives » sur les appréciations « subjectives » de la hiérarchie. Depuis des années, on bute cependant sur des questions récurrentes :
– comment ne pas condamner les débutants à un terrible bizutage lorsqu’ils sont affectés sur les postes ou les niveaux les plus sensibles ?
– comment prendre en compte la spécificité de certains postes, dont les contraintes peuvent requérir des compétences ou des disponibilités particulières ?
– s’y ajoutent parfois, mais à la marge, des demandes de certaines équipes, travaillant sur des projets spécifiques, de voir nommés dans leur école des enseignants dont le « profil pédagogique » permette l’insertion dans le projet de l’équipe.
Depuis une quinzaine d’années, chaque département tente de répondre comme il peut à ces contraintes contradictoires : on demande de prendre connaissance des contraintes d’un poste spécifique par une « fiche de poste » avant d’y postuler, et les jeunes enseignants ne sont parfois pas nommés sur certains postes difficiles. Mais forces est de constater que les systèmes en place sont parfois perennisés sous le simple motif qu’on ne sait pas en trouver de meilleur… En effet, les règles qui favorisent l’ancienneté ont leur limites, et celles qui font référence au « mérite » sont questionnée dans une profession où il est très difficile de prétendre évaluer l’efficacité d’une personne…
Le projet du ministèreAvant d’en détailler le contenu, il faut préciser le contexte : dans le cadre de la RGPP, le ministère est en train de procéder à la reconcentration d’un certain nombre de services départementaux vers les Rectorats. Pour les enseignants du premier degré, la gestion des carrières (nomination, gestion, formation…) est essentiellement départementale. Dans la perspective de rassembler au niveau académique certaines de ces missions, le ministère doit imposer la disparition des « spécificités locales » dans les opérations administratives, afin de permettre à moyen terme une gestion par les Rectorats. Dans le même temps, le ministère cherche comment court-circuiter les syndicats, dont la force et l’organisation permettent souvent de renseigner les enseignants mieux que les services administratifs, qui n’en n’ont souvent ni les moyens ni la culture, avant et après les opération de mouvement.
C’est donc l’occasion de lancer, par son numéro vert, une externalisation du conseil aux enseignants par le recours à une entreprise privée, appuyée par une campagne de communication dans les journaux.
C’est dans ce contexte que la circulaire entend normer un certain nombre de points. Si elle entend garantir à chacun un « traitement équitable », elle indique clairement que les barèmes ne sont qu’indicatifs et que les affectations peuvent être prononcées « dans l’intérêt du service ». Dans la loi, c’était déjà déjà possible.
Le barème, mais pas que le barèmeLe barème (indicatif !) des mutations devra prendre en compte :
– la situation familiale et personnelle (séparation de conjoint, handicap…)
– l’éventuelle réaffectation suite à une mesure de carte scolaire
– l’ancienneté et la stabilité dans le poste.
Une liste des postes où les affectations hors-barème sont possibles est précisée : classes d’adapatation et CLIS, maître-formateur et conseillers pédagogique, classe-relais… Le texte précise que les enseignants ne disposant pas des titres requis (CAFIPEMF ou CAPA-SH) pourront être entendus dans des commissions, ainsi que des enseignants souhaitant accéder à une direction d’école sans avoir été inscrit sur la liste d’aptitude. Rien de bien nouveau, sauf sur le dernier point qui est un peu paradoxal, les listes d’aptitudes direction d’école étant généralement conditionnée… à un entretien !
Les néo-titulairesLa circulaire précise qu’ils devront être « protégés » (traités hors barème) des postes « les plus difficiles » (Réseaux Ambition Réussite, postes fractionnés, mais aussi classes de CP ou de CM2) et accompagnés par des conseillers pédagogiques ou des IEN.
Le texte semble ignorer la circulaire sur l’accompagnement des débutants (4 semaines de formation en T1, 3 en T2), et demande que les accompagnements se fassent « hors du temps de présence devant élèves », dans la mesure du possible.
Enfin, la circulaire demande de procéder à des nominations « à titre définitif » pour éviter « l’instabilité des équipes enseignantes ».
Le souhait est louable, mais on imagine la quadrature du cercle que vont avoir à gérer les IA (ou les Rectorats, bientôt ?) : si les débutants sont stabilisés chaque année sur des postes qui ne sont ni les CP, ni les CM2, ni les postes fractionnés, ni les zones difficiles (le texte ne dit rien des postes ASH…), qui devra les occuper ? Progresivement, ce ne pourra être que les T2, puis T3, puis T4…: ceux qui arriveront à la fin du barème du mouvement… Le système risque de se mordre rapidement la queue. A moins qu’on demande à des personnes affectées à titre dfinitif sur un poste de le quitter pour l’offrir à un plus jeune ?…
CalendrierLa circulaire invite à resserer les dates : reculer la première phase près les résultats des permutations, fin mai début juin, et repousser à juillet (après la sortie des classes !) les deuxièmes et troisième phase du mouvement. Les commandes de rentrée risquent d’être difficiles…
Liste des postesLa « recueil des intentions » de participation au mouvement, largement abandonnée dans la plupart des départements, disparaît, tout poste devenant « susceptible d’être vacant ». Des voeux géographiques seront possible partout (« tout poste sur le secteur de … »), ce qui était le cas dans nombre de département. le texte encourage les inspecteurs d’académie à affecter par « extension de voeu » et à limiter au maximum les affectations « à titre provisoire », par exemple en publiant sur un support identifié plusieurs rompus de temps partiel. Là encore, c’est une procédure déjà largement utilisée dans nombre de départements qui ont compris qu’il n’était dans l’intérêt de personne que plusieurs centaines d’enseignants soient chaque année affectés « à titre provisoire ».