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Agora électronique est une expérience pédagogique qui a pour objet de mettre en relation le plus grand nombre d’hellénistes possibles par le biais d’espaces virtuels partagés. L’évolution notable de cette expérimentation, depuis un an, c’est qu’elle met pour la première fois en contact des classes d’hellénistes et non seulement une classe et des hellénistes épars sur la Toile. Il faut noter d’ailleurs que cette pratique a été étendue progressivement aux cours de latin. Pendant l’année scolaire 2000-2001, des contacts ont même eu lieu avec les élèves d’un lycée roumain via le forum. L’année 2001-2002 voit deux classes d’hellénistes du collège Blaise Pascal à Viarmes, et une classe d’helléniste du collège Guy Mocquet à Gennevilliers travailler sur les mêmes ressources et évoluer sur les mêmes espaces. Robin Delisle et Jacques Julien pilotent les trois classes. La description des premiers cours illustrera sans doute mieux qu’un résumé technique la manière dont s’opèrent les cours. Le premier cours de grec de l’année vise à mettre en évidence l’alphabet grec, puis la présence d’un système de déclinaison. Je demande donc à tous mes élèves d’activer Netmeeting et de se connecter en réseau sur l’adresse IP de mon ordinateur où j’ai ouvert une conférence virtuelle. Cela fait, j’ouvre sur mon propre ordinateur Netscape Navigator, et partage le document, de sorte que tous les élèves puissent voir la fenêtre du navigateur sur leur propre écran. Ensuite, je tape l’adresse du cours http://www.ac-versailles.fr/pedagogi/Lettres/rdgrec.htm que j’ai mis en ligne sur Internet. Mon cours apparaît alors sur chaque écran. Je demande aux élèves de deviner la prononciation des lettres qu’ils voient par association avec l’alphabet latin qu’ils connaissent. Ayant mis ainsi en évidence tout l’alphabet grec, je fais alors lire à un élève un fragment de texte, puis le lit moi-même en entier. Ensuite, je fais repérer aux élèves la présence de mots qui se répètent mais dont la désinence varie. Ils mettent ainsi en évidence le système de déclinaison. Cette première leçon a pris un certain temps déjà. Je la conclus en lançant à l’impression le cours en autant d’exemplaires qu’il y a d’élèves. Le cours fini, je recommande aux élèves d’apprendre à lire le texte grec du cours, car je les interrogerai dessus. Entre alors ma seconde classe de grec, plus en avance que la première. Nous avons déjà vu l’alphabet et la déclinaison athématique. Je décide alors de les faire travailler en réseau : je copie la version grecque qui se trouve dans mon cours sur un document Word, puis je fais activer à tous les élèves Netmeeting et démarre une nouvelle conférence. Je partage alors le programme ; les élèves sortent leur cahier, ou ouvrent un document Wordpad sur leur propre ordinateur, sur lequel ils peuvent travailler et qu’ils pourront enregistrer sur l’espace personnel que leur alloue le serveur du collège (ainsi, s’ils veulent reprendre le travail de ce document, ils peuvent le faire en se connectant du CDI sur leur espace personnel puisque s’y trouvent des ordinateurs accessibles aux élèves). Après un certain temps de recherche, je réactive la fenêtre de programme partagé, et autorise le contrôle du document à l’élève que j’interroge : ainsi, chacun de ses camarades voit au fur et à mesure la solution qu’il affiche. S’il fait une erreur, je reprends le contrôle du document, interroge le reste de la classe et le donne à l’élève qui a la bonne solution. Nous analysons et traduisons ainsi toute la version. Comme nous ne l’avons pas terminée, je l’enregistre sur mon espace personnel au nom de la classe, afin de le rouvrir et le partager à nouveau au prochain cours. Entre-temps, les élèves auront fini de préparer cette version chez eux, puisque je leur imprime le document à chacun. Comme l’un d’eux a du mal à comprendre ce qu’est une déclinaison, j’utilise la fonction taille de police sur Word pour faire apparaître la désinence en 72 points alors que le texte est en 14 points. Cela fait évidemment rire toute la classe, mais l’élève a compris. Il faut dire que j’ai assorti mon geste d’un commentaire sarcastique sur la nécessité de porter des lunettes… De retour chez moi, je publie sur le forum la version, ainsi les élèves pourront aussi travailler de chez eux sur cet espace, deux cours sur la physique d’Empédocle ainsi que deux questionnaires sur ce sujet que j’ ai bien l’intention d’étudier avec eux. Au cours suivant, je retrouve ma première classe à qui j’apprends à se servir d’un logiciel de news : là encore j’utilise Netmeeting pour partager le programme afin de leur montrer la marche à suivre. Dans la suite du cours, ils activent alors leur propre logiciel de messagerie, sous leur profil et publient un message de remerciement au noumestre de l’académie de Versailles qui met à leur disposition le serveur de news. Seulement entre-temps, surprise, les élèves du collège Guy Mocquet se sont connectés sur le forum et on fait la version ! Clémentine, l’une de mes élèves, perspicace, relève une erreur et s’empresse de laisser un message à l’élève de Jacques qui l’a faite. Il faut dire que les élèves de Jacques qui sont pourtant dans un établissement classé ZEP s’en sortent plus qu’honorablement pour leur première version. Mes élèves sont globalement moins performants. Passé la correction, je m’attache alors à leur expliquer les théories d’Empédocle à l’aide du cours (en fait une analyse faite par Léon Robin) qui se trouve sur le forum. Je vais chercher sur la Toile le texte grec et la traduction française du fragment 23 du Peri Fuseôs http://www.multimania.com/malsnectai/Empnature.html . Dans ce fragment, Empédocle compare l’Amour, la Haine et leur action sur les quatre éléments à celle de deux peintres, experts en leur art avec leur palette de couleurs qui dessineraient ainsi tout le règne vivant et non-vivant. J’en profite pour leur montrer les difficultés de traduction qu’a entraîné le choix d’un mètre fixe (l’alexandrin) et le respect strict de la prosodie classique en leur faisant visiter furtivement le forum news:fr.lettres.langues-anciennes.grec . C’est aussi le bon moment d’évoquer ce nombre étrange que l’on appelle duel, puisque c’est celui qu’Empédocle utilise pour désigner les deux peintres. Je procède à peu près de la même manière avec ma seconde classe, le jour suivant. Le soir je m’empresse de préparer sur le forum le contrôle qui va vérifier les connaissances des deux classes. réflexion faite, d’ailleurs, je prépare deux contrôles différents. L’heure de grec suivante pour chaque classe est consacrée au contrôle : concrètement, chaque élève ouvre son lecteur de news et télécharge le contrôle qui figure sur le forum. C’est aussi là où il publie sa réponse, et là encore où je publierai notes et corrections. Seulement, deux jours après, surprise, le nombre de copies dépasse le nombre de mes hellénistes (30 répartis sur deux classes). D’abord perplexe, je réalise alors que les élèves de Jacques ont rendu aussi chacun leur copie électronique avec de remarquables réussites (les notes iront de 16 à 20). Il s’ensuivra une discussion technique sur le forum avec Karim, l ‘un des élèves de Jacques, manifestement plutôt calé en informatique. Le forum va se peupler au fil des semaines qui suivent : tout d’abord parce qu’il va servir de lieu d’échange entre Clémentine, Yannez et Sophie, quelques unes de mes élèves et un acteur de la troupe Demodocos http://www.arbanet.com/demodocos/, auprès de laquelle elles veulent faire leur stage de théâtre. Ensuite, parce qu’une étudiante de l’académie de Limoges en licence de lettres classiques y publie ses versions de sorte que je peux travailler avec elle. Le hasard fait bien les choses : elle étudie pour l’année en cours les Suppliantes d’Eschyle qui est justement la pièce que je fais travailler à mes jeunes hellénistes dans le cadre de l’atelier théâtre que j’anime ! Je pourrais ainsi continuer à égrener les souvenirs tout récents des cours de grec tels qu’ils viennent de se dérouler les dernières semaines. Mais parlons plutôt d’avenir : un de mes amis journaliste est aussi un agrégé de philosophie et helléniste de talent ; je prévois d’organiser une conférence virtuelle avec lui, chacun de mes élèves se connectant sur son IP. Il pourra ainsi répondre à quelques questions sur la pensée du philosophe qui sert de support à mon prochain cours, Parménide. Et puis, le collège Verharen de Saint-Cloud devrait rejoindre ces argonautes d’un nouveau genre d’ici peu. Beaucoup de contacts ont été pris aussi avec des établissements grecs, mais hélas sans résultats concrets pour l’instant. Depuis que ce projet a débuté, plus de 1500 messages ont été publié sur le seul forum de grec de l’académie, ce qui doit être un record en France pour un forum académique. Des professeurs allemands et grecs sont venus s’exprimer sur le forum, certains échanges s’étant d’ailleurs curieusement déroulé en latin (!). Les perspectives sont donc prometteuses même si l’objectif ultime (créer un campus numérique international en langues anciennes) n’est toujours pas atteint. Robin Delisle |
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