Selon Le Parisien, JM Blanquer va annoncer dans son plan de lutte contre la violence scolaire la suppression des allocations familiales aux parents des élèves violents à l’école. Une mesure qui n’est pas vraiment une surprise tant elle était soufflée dans la lettre de la mission confiée par E Philippe au député LREM Stéphane Testé le 17 novembre. JM Blanquer pourrait s’exprimer sur ce sujet d’ici la fin de la semaine.
Une idée soufflée à la mission Testé
Selon Le Parisien, « le système veut s’inspirer de la loi Ciotti, abrogée par le gouvernement Hollande, sur l’absentéisme scolaire. Les établissements scolaires feraient remonter les dossiers à l’inspection académique qui serait ensuite chargée de demander à la Caisse d’allocations familiales de cesser les versements. La sanction serait équivalente au montant des dommages en cas de dégradations matérielles ».
En fait la mesure de « responsabilisation des familles » était déjà en germe dans la mission confiée par E Philippe au député LREM Stéphane Testé le 17 novembre. Chargé d’une mission temporaire sur « la protection de l’école », S Testé, accompagné d’Agnès Le Brun (maire LR de Morlaix) et Béatrice Gille (rectrice d’Occitanie) devait remettre un rapport début décembre sur ce sujet. Si le délai était aussi court c’est qu’en fait la lettre de mission de S Testé, que le Café pédagogique s’est procurée, donne les réponses à la question posée.
La lettre de mission demandait notamment des propositions sur « la responsabilisation des familles et l’accompagnement à la parentalité pour prévenir les violences, l’ensemble des comportements inadaptés ou encore l’absentéisme scolaire ». Elle devait identifier « des réponses concrètes à la situation des élèves hautement perturbateurs du 1er degré et celle des élèves du 2d degré exclus à plusieurs reprises et en particulier la mise en place de structures éducatives ad hoc pour les accueillir temporairement ».
Une réponse marquée politiquement
La réponse par la suppression des allocations familiales est une réponse classique de la droite aux difficultés scolaires. Ainsi en 2010, Luc Chatel déclarait « Certains élèves ne se plient pas aux règles. Je ne me déroberai pas. Ces élèves particulièrement perturbateurs pourront être sortis de la classe. Il ne s’agit pas de les exclure. Il s’agit de les placer dans des structures adaptées, aussi longtemps que nécessaire… Qui pourrait nier que certains parents n’assument pas leurs responsabilités au point de mettre leur propre enfant en danger ? Eh bien, dans les cas les plus flagrants, nous devons aller jusqu’à rendre effectives les sanctions en matière d’allocations familiales ». La mesure a été adoptée sous Sakozy pour lutter contre l’absentéisme des élèves. Supprimée sous F Hollande, E Ciotti (LR) a déposé une multitude de propositions de loi pour son rétablissement, notamment le 29 aout 2018 pour l’absentéisme et le 7 novembre contre les élèves « irrespectueux ».
Un fort préjugé de classe
L’avantage de cette mesure c’est qu’elle renforce les préjugés de classe et ne sanctionnent que les enfants des pauvres. Comme le fait remarquer R Arenas, co president de la Fcpe, sur Twitter « vouloir supprimer les allocations familiales des parents d’enfants violents présuppose qu’il sont issus exclusivement des familles en situation de pauvreté ou des classes moyennes qui décrochent. Curieuse vision de la France ».
Inefficacité démontrée
Mais la mesure est aussi totalement inefficace. La preuve en est donnée depuis des années en Angleterre où les mesures de responsabilisation des familles vont jusqu’à des peines de prison pour les parents en cas d’absentéisme. Or l’absentéisme n’y a pas reculé. Le nombre de sanctions augmente aggravant encore la situation de certaines familles. Le montant des amendes n’a cessé de grimper passant en moyenne de 176 à 200 livres de 2011 à 2017. Huit parents ont même été condamnés à de la prison en 2017. Malgré tout l’absentéisme n’a cessé d’augmenter passant de 12 000 à 20 000 cas depuis 2011.
Veilles recettes populistes
Quant à la seconde proposition soufflée dans la lettre de mission de S Testé, les structures de mises à l’écart , on a là aussi une longue histoire, des colonies scolaires aux maisons de redressement. Ce n’est pas par hasard qu’elles ont disparu. Tenter de les ressusciter constitue un véritable défi au projet éducatif et au projet républicain. Le premier repose sur le principe d’éducabilité. Revenir sur ce principe c’est plonger l’Ecole dans un gouffre. Le second repose sur le principe de l’égalité des droits. Or c’est bien instituer la ségrégation sociale que décider la mise à l’écart d’une partie de la jeunesse. L’histoire apprend aussi que ces structures ont un coût qui bloque bien vite les projets gouvernementaux.
Sans aucune imagination, le gouvernement reprendrait les vieilles recettes populistes de la droite. C’est apparemment plus facile que de créer dans les écoles l’encadrement humain qui permette d’enseigner dans la tranquillité.
François Jarraud